dimanche 27 mars 2011

Tout sur ma tante
Ma tante ne connaissait pas l’argot, elle était d’une famille plutôt « bon chic bon genre » mais avait épousé mon oncle plutôt « populaire » après l’avoir rencontré par inadvertance à l’hôpital. Mon oncle était resté longtemps célibataire, soucieux de conserver ce brin de liberté que l’épouse confisque dans la plupart des cas. Il aimait les boissons anisées et chérissait sa seconde langue maternelle, l'argot, jusque tard dans la nuit du vendredi soir, avec ses copains, ce qui n’était pas du tout bon chic bon genre. Un jour, le verseur de pastis domestique rendit l’âme par une maladresse due sans doute à l’ivresse ou à une mauvaise manoeuvre durant la vaisselle.Ce verseur se présentait comme une boule de verre permettant d’obtenir la dose exacte de la boisson. Dans le langage "onclien" il s'agissait d'une « couille ». Ce mot était passé dans le langage familial, grands comme petits nous le connaissions et le maîtrisions à la perfection, c'est-à-dire dans son bon contexte langagier et festif. Et c’est sans arrière-pensée (enfin, a priori) que lors de la visite familiale du samedi après-midi au magasin Manufrance, l’oncle demanda à la tante de se renseigner auprès d’un vendeur pour savoir où cet objet indispensable se trouvait. Naturellement et sans arrière-pensée (enfin, vraiment sans arrière-pensée) la tante demanda au premier vendeur venu : « monsieur, où sont vos couilles s’il vous plaît ? ». L’oncle est tout près de sa femme, il entend, comprend sa bévue (l’avantage du bilinguisme facilitant les traductions simultanées et silencieuses). Le vendeur reste un instant sans voix. Il pense avoir mal compris, fait répéter la dame "bon chic bon genre". L’oncle s’éloigne, il a honte. Pas elle: pourquoi ce sourire large et moqueur de la part du vendeur ? Elle appelle l’oncle, il est un peu contraint de sortir de derrière les rayons, joues rouge pivoine. Les deux hommes se regardent d’un air entendu. Ils éclatent de rire. Pas la tante, médusée. Elle attend simplement et naturellement la réponse pour pouvoir aller chercher l’ustensile tant désiré et faire plaisir à son époux. Elle ne comprendra la plaisanterie qu’une fois sortie du magasin du cours Fauriel, quand l’oncle encore rieur lui expliquera qu’on ne doit pas demander une couille dans un magasin. Ah ? Et qu’est-ce qu’il faut demander alors ? Quelques années après, l’oncle mourra d’une crise cardiaque sans avoir eu le temps de boire un dernier verre avec ses copains. Que ce texte rende hommage au magasin, à l’oncle, à la tante, et à la douille, euhh... à la....

7 commentaires:

Linette a dit…

Bel hommage aux OBJETS Domestiques!!!!!

natô a dit…

joli texte anti-morosité,
qui me fait oublier "mes problèmes de douilles"

Marie, Pierre a dit…

je me permets de l'envoyer à Cl qui ne lit pas toujours à la brise...
dant au dommentaire de Natô, je pense d'on pourrait ouvrir une rubride "mes problèmes de douilles", d'en pensez-vous ???

Ange-gabrielle a dit…

Marie, Pierre surveille tes dents, t'aurais un début de déchaussement que ça ne m'étonnerait qu'à moitié

Marie, Pierre a dit…

faudrait déjà en avoir !

Anonyme a dit…

des dents ou des douilles (faudrait déjà en avoir), expliquez vous mieux les filles

Lin a dit…

frère : Ces souvenirs me parlent bien sûr. Pour l'oncle, ce sont les odeurs de cigarette et d'anis ! (et sa gentillesse)