lundi 7 novembre 2011

depuis quand ? Je ne me souviens pas

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Corps pense-bête, épaules engourdies, bas du dos contracté, tassé
Respire, craque.
Toujours soif.
Pourtant depuis longtemps les reins ne réclament plus
Ni ne ressentent la douleur nichée au creux du vagin.


Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Il m’est arrivé de voler, le corps figé sur le matelas.
Tomber dans la forêt, dans la rivière, dans une cheminée d’un temps ancien.
Voler au-dessus des toits de la grande ville.
Quand la spirale est venue la première fois.
Je n’ai pas lâché prise à dos plat, souffle coupé.

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Petite, j’aimais les pommes au point d’y tomber dedans.
Corps agité, prisonnier d’un cerveau immature
Alors le père faisait le bouche à bouche, seul baiser jamais reçu
Alors elle avalait sa langue.
La petite vomissait en se réveillant, paupières lourdes, encore vivante.

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Petite j’étais poète.
J’inventais des rêves, des pays, des amours, des fées, des licornes, des lacs.
Petite j’étais multiple.
J’existais dans d’autres lieux de l’univers, des moi préparaient ma vie d’ici, ici je leur créais des rêves, des pays, des amours, des fées, des licornes, des lacs.

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Une fois je suis presque morte
Mes cellules ralentissaient peu à peu
Mon souffle s’affaissait progressivement
Et puis deux cris : « Mes petits ! » « Maman ! »
Sursaut sur le matelas, à plat dos, souffle coupé.

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Mon corps a voulu maigrir, toujours plus et davantage
Alors il allait nager chaque jour
Alors 650 calories par jour
Alors la ménopause à 15 ans après l’avortement

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Quand j’ai vieilli prématurément, hors jeu amoureux
les médecins ont dit que ce n’était pas normal,
non pas d’être maigre mais de ne plus pouvoir être mère
Alors des médicaments, des saignements, des calories, des kilos infernaux

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Mon corps a presque toujours eu froid
Maintenant il ne sent plus
Ne salive pas.

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Mon corps a mis au monde deux petits corps tendres en même temps
Après je n’ai plus rêvé
Inutiles combats du corps

Depuis quand ? Je ne me souviens pas
Mon corps aurait voulu être séduisant, il est simplement intelligent
On n’est pas amoureux de la mètis.

Depuis quand ? Je ne me souviens pas

2 commentaires:

Marie, Pierre a dit…

Toujours petite et tjs poète, intelligente et taille mannequin chez les Pygmées. Métisse et amnésique, toi sur à la brise, qui voles un peu solitaire en ces temps d'automne sans accalmies. Ton corps aurait voulu être ce qu'il était, musclé, danseur, agrippé aux parois misses. Pas la peine non plus d'en faire un forçat. Les yeux qui te regardent et ne te voient pas ont aussi leurs oeillères.

Ange-gabrielle a dit…

J'aimerais que ce beau poème élégiaque et son refrain soit une fiction, mon petit doigt me dit que,sans doute non ...
Petite, j'étais poète, j'inventais..."Tu es encore poète, tout coexiste encore en toi, tous nos moi(s) subsistent en nous.La petite fille, l'ado, la jeune femme,la femme mûrissante, elles sont là bien vivantes, non pas apparaissant l'une après l'autre, la linéarité n'a pas sa place là-dedans. Des sauts de 6O ans en qqs secondes. Quelle merveille ! la vie est bien merveilleuse puisque "tout" est à notre portée, tous les âges, toutes les strates, il suffit de les laisser advenir. C'est vrai que ça se fait souvent par hasard, c'est sans doute normal, la volonté n'a rien à y voir, c'est une source qui jaillit, qui dé-soif mais qui ne se dirige pas comme les graines de ton jardin dont tu ne peux pas accélérer la croissance. Ca vient, ça croît la nuit comme les plantes, comme la vie elle-même. Il faut tout simplement (pas simple) se mettre en état de réception, être patiente, en état de non-activité ; peut-être pr cela faut-il être beaucoup caressée, comme un galet pour être en confiance et se laisser aller.
Quand on a été presque morte, on en ressort plus forte. Je le sais.
Quelle belle métis, tu es. Peu d'hommes parviennent à aimer les femmes intelligentes -en plus- d'être attrayantes. Ils délaissent des trésors (j'ai plusieurs amies dans ce cas). Tu es séduisante, attachante, tu es poète.
La souffrance ne t'a rien ôté. Souvent, l'économie de la souffrance est impossible, le courage passe par là, l'arrêt de la chute aussi.