samedi 3 décembre 2011

Balade mentale dans un souple cercle de cuir élastique

Des odeurs piquantes, épicées, sèches, nauséabondes et douceâtres nous assaillent constamment dans cet entrelac de ruelles. L'une me frappe plus que les autres : l'odeur du cuir, enivrante, fauve, la peau à peine équarrie. Plus nous nous enfonçons dans la ville, plus l'odeur s'acidifie, vire chou putride en décomposition et pique les narines.
C'est l'urine qui domine maintenant, non cette pestilence fétide, puante et lourde n'est pas celle de l'urine, on croirait marcher dans la fiente, oui c'est exactement cela, une odeur connue de poulailler, une odeur de fiente de volailles, en plus aigre.
Nous tournons sur la droite pour nous enfoncer dans une ruelle montante d'où elle semble provenir par violentes bouffées. Bientôt nous atteignons un muret où s'appuient quelques personnes scrutant au dessous-d'elles ; nous approchant, la puanteur nous fait suffoquer mais le spectacle étourdissant qui s'étend sous nos yeux chasse d'un coup les miasmes hors de nos consciences.
Des hommes torses nus, dans une immense cour, chacun debout dans une sorte de chaudron, chaque chaudron plein d'un liquide d'une couleur différente : bleu cobalt, turquoise, marine, fuchsia, jaune poussin, vert foncé ..., chacun trempe, tord, retrempe d'immenses métrages de tissus dans cette quintescence de couleurs, dans une danse synchronisée de bras et de muscles.



photo J F Barthale


Bien vite, l'odeur nous assaille à nouveau. Elle est toujours là, dans nos narines, c'est dans cette puanteur-là que ces hommes trempent jusqu'à mi-taille, dans cette beauté ET cette puanteur.
Tous sont jeunes. Aucun être humain ne saurait sans doute exercer cette activité très longtemps.
Sous le soleil brûlant, leur peau macère dans cette fiente, l'air en est saturé, les couleurs explosent en gerbes, éblouissent et colorent le sol, les murs, les bâtiments. A la fois, trop de beauté et trop d'horreur nous fait fuir et notre journée restera illuminée par les couleurs, la peau des hommes, leurs gestes amples et puissants, quand la puanteur aura depuis longtemps quitté nos narines.

1 commentaire:

Lìn a dit…

tes mots font voyager, plus que cela, y être, sentir... qui n'a jamais senti ces odeurs acres, vus ces couleurs, ils pourraient l'imaginer. Voyage dans les odeurs, odes heurs...