mercredi 1 février 2012

Санкт-Петербург

Je ne suis jamais allée aussi loin, aussi haut. Je ne comprends rien à personne. Et personne ne saurait une fois de plus, où me trouver. J'aime cette sensation d'être exilée volontaire - au-dedans d'un moi que je suis seule à connaître, dans ma langue, dans mon identité d'étrangère. Dans une ville colorée de façades, bleues, roses, vertes, hérissée de flèches, tourmentée de coupoles en forme de glace à l'italienne. La mer ne lèche pas les faubourgs, mais la banlieue c'est la mer. On la sent dans la lumière qui enrobe l'air de lointain. J'erre. Je traverse des avenues rouillées, je passe derrière le décor, des raffineries croupissant derrière les palais. Je m'aventure, je fais des choses interdites. Quelqu'un pourrait me happer, me détrousser, me parler, peut-être ! Je n'aurais que mon air perdu à offrir, et si peu de bagages. Dans le métro, un peu plus tôt, à 200 mètres sous terre, aucun repères. Dans les soi-disant grands magasins, des rayonnages pleins de marchandises photogéniques, phosphorescentes, remarquables, irradiées, sans doute ! 
Pourquoi cette envie de Me perdre ? Combien pesais-je alors ? 21 g ? le poids de mon âme au repos ? ou celui d'une liberté intacte et fugace ...
Au bout de la nuit, un poteau indicateur : Interdiction de s'ancrer dans la place : passez votre chemin. C'est correct, je repars dans 2 jours.

Je garde les yeux ouverts pleins de sable sur ce ciel moderne, sur ce jour qui ne meurt pas, et soudain déferle cette musique sans paroles, presque poisseuse, d'un film de Theo Angelopoulos, Le Regard d'Ulysse : je revois la course éperdue du chevalier parmi les ruines fumantes, et la statue déboulonnée de Lénine qui descend le fleuve. Je ne sais pas comment me défendre de ce sentiment immensément mélancolique. Au bout d'une ruelle démunie, avec des inscriptions sur les murs, politiques ? sexuelles ? des femmes dessinées, je débouche sur une petite place ; je pousse la porte d'un café, m'assois en silence sur une banquette rouge sang et pointe au hasard sur la carte indéchiffrable ce que je veux consommer : on m'apporte un thé au goût russe.

2 commentaires:

Lin a dit…

une vraie réussite !

Ange-gabrielle a dit…

J'ai encore plus envie de voir Saint-Pétersbourg,surtout avec ce bon froid et tout ce merveilleux blanc, on y va ?