Bipe, ça vient d'où ?
Bipe ça vient de rien, ça
vient du nom qu'on n'arrive pas à dire
Bleu électrique
la poudre des ailes des
morphos sur les paupières ouvertes sur la mort
Le regard emporte avec lui
pour dernière vision la silhouette d'arbres en rangée,
le muret de pierres, la
nuit qui s'épaissit en crissant
une première fois sous le
gourdin
une deuxième fois sous les
pierres
Et me lègue la moitié de
mon prénom
Bipe ça vient d'où ?
la réalité sépia
rangée pour longtemps dans
l'enfer des placards
Bipe ça vient d'où ?
Des grosses pierres maculées de sang
Le bleu du ciel au petit
matin froid d'octobre
rassemble les badauds,
tenus à distance
petite foule silencieuse,
dans l'attente du nom
le public du fait divers
qui reste sur le cliché
Sur son crâne sur son
front, le sang coule puis se fige,
la réalité sépia rangée
pour longtemps dans l'enfer des placards
quelques grains de granit
sur ses vêtements une
odeur de moutons, de sueur, de sang sans doute
une odeur de vinasse mal
fêtée.
Sur le front un bleu bossu
de s'être cogné ivre à des obstacles complices.
Il est déjà en fuite, à bord d'une diligence
Il est déjà rattrapé
Il est déjà condamné
tondu, emmené sur l'île de
Ré,
Il est déjà sur le navire
Le Loire, sur l'océan anthracite où il vomit les bleus de sa petite vie
minuscule et le repas exceptionnellement copieux de sa ration de transporté
Il est déjà dans son bagne,
à l'extrême Ouest, près de l'embouchure du Maroni, près de
agacé par les mouches à
feu,
à fabriquer des
émouchettes pour protéger les bêtes
desquelles lui-même ne
peut se protéger
Il est déjà mort, tout ça
pour ça,
13 mois le séparent de ce
cataclysme, entre la mort de Pierre et la sienne
Et de sa propre embouchure
sortent des papillons velus, des papillons qui font de la lumière et
qui emportent son dernier
souffle au fond de la forêt
Je ne ramène plus de pierres à la maison sauf ces deux-là témoins ou non de ce fait d'hiver-printemps-été-automne * Puis j'arrivais à mon tour.*;*;* 120 ans plus tard, au moins, et après avoir rencontré beaucoup de pierres, j'allais visiter la scène de crime. Toute la journée, je portais deux pierres, comme des enfants dans mes bras. Cueillies près du mur d'origine et je me demandais ce qu'étaient devenues celles qui avaient rencontré la tête de mon arrière grand-père. Ont-elles été envoyées au bagne avec l'écraseur de crâne ? Ont-elles été enfermées au placard des pièces à convictions avec le couteau de tous les Ravaillac ?
Dans ma tête le sang afflue et forme des vaguelettes de douleur
Les pierres là-bas ne sont bleues que parce qu'on les a peintes, sinon elle sont noires, brûlantes, luisantes, sans espoir. bordant des routes, faisant échancrure dans le paysage qui n'a pas tellement besoin de murs, d'un côté l'océan, les requins et la boue, de l'autre la forêt. piège parfait.
Dans ma tête, les pierres
ont peu à peu fait place aux papillons. les douleurs volettent et emportent des
mots, les souvenirs prennent la poudre d'escampette, les noms coupés par des
virgules et des traits de désunion
Je suis Marie et je suis Pierre,
Et Bipe, ça vient d'où ?
Bipe ça vient de ne pas
savoir qui être
Maternelle et douce, tranchante et contondante, avec des reflets de colère irisés.
Bleus des coups cachés sous l'hélichryse, les immortelles et la lavande, celles qui lavent plus bleu que blanc, le linge sale des familles. il se cogne la tête, contre la pierre de sa cellule.
Il n'y a pas séjourné
longtemps, ne saura jamais qu'il se retrouve un jour de 2020, sous l'encre sang
de mon stylo. Destin raté de bout en bout, vie pour rien, mort pour rien, de
mon jeune arrière mort à 45 ans, De qui ce Pierre tirait-il son prénom ?
Et les pierres continuent de devenir sable lentement, et les papillons bleus de Guyane, de devenir poussière métallique, et la jeune gazelle continue son voyage, avec les bestioles piquantes et les doux singes, les fleurs de paradis, les fleuves qui montent et descendent au gré des marées, tous humains enchaînés à notre voisin de galère, et les ibis rouges et les aras flamboyants, et les moutons paresseux, et les bagnes égouts.
2 pierres dont moi, pour
écrire ma légende, au bureau matricule
Porter mes pierres, penser le bleu dans la tête
écrasée de mon arrière.
Bleu Guyane et retour
moi lui et lui et l'autre
et moi.
Trijumeau de la face en
bouillie
trois humains et deux
pierres
Transportation
régénération
colonisation des marges de
l'Empire
Délinquants par nature ou
par accident
Faire le deuil de moi
même, supprimer le e le p le i le b
redevenir celle que l'on a
nommée, pour le meilleur et pour le pierre.
4 commentaires:
Depuis qu'on écrit plus beaucoup, y a eu des changements sur blogger... Je croyais le mettre sur mon blog à moi et puis il a atterri ici. Mais comme c'est un peu avec ma carte toujours, je le laisse...
C'est un très beau texte et j'aurais bien aimé te l'entendre lire.
"Maternelle et douce, tranchante et contondante, avec des reflets de colère irisés"... et bien d'autres choses encore. Te bise
L'avais lu mais rapidement à la bibliothèque.Je prends le temps là de triturer tes pierres...
Je découvre ton texte aujourd'hui. Très beau. J'ai dû le relire. Il est rempli de découvertes au détour des mots-signes de toi.
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