jeudi 29 septembre 2011


Dos en fils, vernissage de l'exposition de Natô

Dos rayé en contre jour déhanché impalpable
fesse en jean et pommes troublées
au loin

Ligne droite, pli léger, rouge gris sourire, en-fils de pétales roses
face à la blancheur d’une table
bois flottés
par-delà la robe droite
noire attentive

Emotion de la femme au chapeau suspendu
air chaud, épaules et poids de la douleur
valse de verres

Dos du mannequin à pommes de pins

Visage surpris de l’homme
ne pas laisser un dos sans défense
il se penche, regarde vers l’objectif qui ne le saisit pas seul

Là-bas encore un dos
courbes colorées

Sac à dos sombre sur chemise blanche effleurant les papillons orange

Profil
léger ocre
sac en bandoulière
dos gris décidé avec main dans la poche
tendu vers la robe à plumes d’ange

Dos en corps

Derrière la vitrine, beiges- pantalon chemise et sac
dissimulés au coeur du lieu
bas du tee-shirt rouge
il trahit sa grâce présence

Supports dans la vitre
dessus
visage cagoulé et bois flottant

Dos filant au loin
brouillé, brouilles entre nous

Chat dormant
cri : retiens-moi, retiens-moi par le bout des pieds !

Fil à la patte

mercredi 28 septembre 2011

Echo (à Laura) Recyclage de bobines


Choisir un tissu cutané
Sur un sujet non hémophile
Ne pas froisser sa sensibilité
Le lisser dans le sens du poil
L‘envelopper du regard

Caresser l’espoir

Dessiner à grands traits le modèle d’amour parfait
Prévoir épaules larges et cache sexe
Esquisser la trame d’un drame
En 2 actes et 3 personnages
Broder  une intrigue
Cousue de fil blanc
Sur un tissu de mensonges
Tracer les limites acceptables

De défilé en filature
Se faufiler
En pointillés
Entre les mailles de la toile d’araignée

A l’heure où tous les chas sont gris
Chercher
Trouver
Une aiguille dans une botte de foin
Y passer le fil de ses idées noires
Faire un nœud à son mouchoir
A son mouchard
Attendre le moment propice
Pour le sacrifice


Au douzième coup de minuit
Trancher dans le vif du sujet

Pour un dénouement heureux
Tirer son épingle du JE
Refiler le rôle à sa doublure
Ou rester dans le vague à l’âme

Mettre du tulle gras sur les plaies
Du baume au cœur
Sur les ourlets
Se draper dans sa dignité
Dans son déshabillé

S’en aller à pas de velours
Furtivement
Comme une silhouette poétique
Furtivement
Comme une silhouette poétique

 Bipe 1992
Texte d’une chanson intitulée « Haute couture et Basse cuisine »

mardi 27 septembre 2011

Du fil

Fil blanc,

Fil à fibres libérées,

Fil bourru,

Fil brodeur,

Fil continu,

Fil discontinu,

Fil fantaisie,

Fil floche,

Fil gazé,

Fil jaspé,

Fil lamé,

Fil mélangé,

Fil mouliné,

Fil mousse,

Fil perlé

Fil retors,

Fil semi-peigné

Fil vergé,

Fil Vigoureux,

Fils de la Vierge,

Montaigne, qui était un seigneur disert de la riche Aquitaine, dit que philosopher, c'est apprendre à mourir. C'est donc que mourir s'apprend, que nous ne savons pas. Nous devons accéder, pour partir, pour accepter, à une vérité qui nous est d'abord dérobée. Ce long chemin a nom philosophie. J'en connais un autre. Il n'est que de s'engager sur la route tortueuse qui s'élève entre les sapinières. Quand elle débouche sur le plateau, que les arbres, pris de crainte, s'arrêtent, et qu'on voit la bruyère et l'ajonc, le roc, le dôme vertigineux de la nue, qu'on entre dans le silence, on sait. Le sensible est intelligible, l'essence et le phénomène se confondent. On est dispensé des incertitudes et des longueurs de l'étude, des abstractions et du raisonnement, des doutes qui assaillent le penseur méditant, à l'étroit, dans une chambre.
Le granit qu'on peut toucher du doigt, a mille millions d'années. Le ciel est le même, d'un bleu trop pur, vide et glacé, le silence éternel. Nous ne sommes jamais sur cette scène immuable, intemporelle, qu'un accident passager, un émoi négligeable. Cela force l'évidence. Il n'y a pas lieu d'argumenter.

Pierre Bergounioux, Un peu de bleu dans le paysage, Verdier 2001, p. 78.

un fil pourquoi faire ?




un fil, un fil de fer, un fil pour filer, enrober, faire la fileuse, ficelle (filoselle dit-elle) sisal, ruban, feutre, raphia, fil d’or, je vous entortille, fil des souvenirs, fil des bobinots dorés (tire la bobinette), d'un vieux passementier, présent retrouvé, coudre les lisières, le fil de soie, fines franges effilochées, fil d’araignée, ça ressemble à des plumes (d’ange)

le fil devient tige, texture, flexible textile, texte, le fil est forme

des fois le fil, se mue en fleur, pavot froissé, bouton de rose (très rouge) renversé, marguerite à pétales papier (papyrus il adore) translucides,

d’autre fois il devient chevelure, noire, coiffe la revenante nippone, nattes délurées de poupée slave, qui s’embrassent, auréole, coeur par dessus la tête (fil de fête)

mon fil s’échappe, en rêve, retrouver «fifi brin d’acier», rappeler ma vieille complice : fifififififiiiiiiiiiiiiillllllllllllllllllllll//////////

ces fils entre mes doigts, s’en mêlent, j’aurais voulu être architecte (ha ? habit habitat habiter, habitus) construire, monter, démonter, déséquilibre souple, fragile (roseau), tordre, vriller, plier

des fils s’animent (dessin animé) fil mouvant, en mouvement, je gribouille (chapi chapô, chapi) tandis que ma coiffe-maison enfle au rythme de la bobine qui dévide ses volutes, circonvolutions, lignes serpentines

oh, on dirait des mailles, les côtes de mon bonnet de fififififille (à pompon) on dirait les nervures de la grande feuille verte perforée où j’écrivais mes messages secrets, ça ressemble à un piège à soleil, à une passoire à vent

un fil à bâtir, des volumes, des armatures (coiffes non coiffantes) la structure d’un chapeau, des lanternes magiques, une série de gri-gri, mes «souliers de la tête» ... des choses qui ne serviraient à rien, ne protégeraient de rien

le fil juste pour laisser voir, au travers




jeudi 22 septembre 2011

retour à l'effacement...






retour à l’effacement

à l’indétermination


plus d’objectif

plus de désignation


sans agir

sans choisir

revenir aux secondes

cascade sans bruit

îlots coulants

foule étroite

à part dans le foule des environnants


habiter parmi les secondes, autre monde

si près de soi

du coeur

du souffle

perpétuel incessant impermanent

train égal vers l’extinction


passantes

régulièrement dépassées

régulièrement remplacées

passées sans retour

passant sans unir

sobres

pures

une à une descendant le fil de la vie

passant...



henri michaux

«poteaux d’angle»


mardi 20 septembre 2011

Un fil pour quoi faire?

Ravauder la mémoire, repriser les souvenirs, tisser des histoires, recoudre des plaies, surfiler à grands points les bases d'un récit que l'on peaufinera plus tard, faufiler une ou deux joliesses au détour d'un poème canevas qui se tisse au fil des ans, seule la couleur du coton perlé varie, mais c'est toujours la même tapisserie qui se trame...
Disséminer quelques points de croix , ici ou là, lorsque saigne quelque antique blessure.
Pincer l'étoffe du temps pour effacer certains écarts et ajuster au mieux.
Coudre une doublure pour y sceller un secret ou deux.
Nouer un petit ruban plein de vivacité pour donner le goût du bonheur.
Effiler juste ce qu'il faut, là où il faut, et ourler à petits points pour finir le travail.
Repasser tout cela par le filtre des ans, plier avec délicatesse et ranger dans le tiroir du temps.
Rapiécer de temps à autre pour ne pas oublier.

Au préalable de tout ce travail, il est nécessaire que le fil de l'histoire passe par le chas de l'aiguille. Il est vrai que j'ai quelques soucis avec les cha(t)s. C'est sans doute pour cela que je me laisse guider par le fil des mots, et que la broderie qui en résulte , même un peu décousue, n'est rien d'autre qu'une longue écharpe luxuriante, orgueilleuse, envieuse, gourmande, qui se déroule tremblante face à ce qu'il reste de vie.

samedi 17 septembre 2011

17 septembre : un an


Je reste persuadée que si l'alpiniste que vous étiez se balade quelque part dans l'infini, c'est bien dans un tel paysage que sont allés vos pas.

Même si je le savais, jamais je n'avais pris conscience avec une telle acuité, que nos lettres échangées pendant près de trente ans, étaient autant adressées à nous même, à l'autre « moi » en nous. Il n'y a donc aucune raison, pour que « vous » disparu, je cesse de vous écrire.
« Les lettres c'est s'écrire à soi-même ce qu'on ne sait pas qu'on va être.Elles commencent par une majuscule et tout en sort, comme les filaments d'une plante sous-marine.
Il sort -il doit sortir- de très profond tout cet enchevêtrement de mots dont nous aspirons à ce qu'il soit très abyssal quand il est généralement très superficiel »
J'ai à nouveau recours à R. Gomez de la Serna « Lettres à moi même » pour m'adresser à vous outre-tombe.

« Ne crois pas que j'ignore qu'il me faille aller vers cette vallée ultime, où il n'y a personne et où l'on n'entend pas siffler le train.
Dès que je perdrai l'équilibre et tomberai à la renverse dans le fauteuil où j'écris, je sais bien que j'entrerai dans cette vallée solitaire, et son jour plein de crépuscule.
Je veux retarder l'événement et donc je prends des médicaments, je prends le soleil dans un patio, je prends des cours de langue pour parler avec le néant du trajet, le temps d'arriver au lieu où il n'est pas besoin de mots, où l'on a l'éloquence de la lumière.
Je lézarde et je lézarderai longtemps avant d'arriver à cette vallée ultime, mais je sais bien que je suis en chemin -je l'ai été dès ma naissance ; tout vient à point à qui sait attendre.
Les images me distraient pour m'empêcher de trouver la non-image, qui est la véritable image.
C'est incroyable, mais c'est la vie. Ne pas pouvoir écrire à qui l'on aime le plus, pour se confier, pour lui faire les plus grandes confidences, pour revenir sur sa vie que l'on vit en aveugle.
Il y a de moins en moins de gens à qui écrire, surtout quand personne ne répond, mais le genre épistolaire ne peut disparaître. Mais que te dire pour te gagner au non-mourir, pour endiguer ton cours irrépressible ?
A qui vais-je écrire lettre sur lettre si je n'ai que toi au monde ?
Il est vrai que je tremble parfois comme cette nuit, parce que s'écrire à soi-même c'est comme écrire à un fantôme lointain et sa voix au fond de laquelle meurt le « Au secours ! » qu'on pourrait lui lancer, car il peut se mettre à mourir au moment où on lui écrit et alors la lettre, outre qu'elle serait sans réponse, resterait inachevée.
-Il écrivait hier ou il y a un moment une lettre où se reflétait encore la vie et là-dessus il et mort sans se rendre compte que c'était la dernière lettre qui n'en annonçait plus d'autres.
Il a entendu un petit bruit dans un coin de la chambre : il n'y a pas prêté attention, il n'en a pas fait la description dans cette dénonciation de la vie qu'est une lettre, et « cela » c'était la présence de la Tueuse pour qui il n'est ni serrure, ni tour de chambre avant de tirer le verrou, étant donné qu'elle était déjà là, à l'intérieur, avant toute précaution.
Aujourd'hui c'est encore et encore le même jour, car le monde ne connaît qu'un seul jour, qui se répète et se répètera jusqu'à la fin du monde. Ce qui fait la différence de ce jour unique ce sont les pensées, les événements politico-guerriers, les faits divers crapuleux »

Affectueusement vôtre. Je vous embrasse

Ode à la femme



Ode à la Femme



Envoûtée par ces femmes végétales, d'écorces, pommes de pin, branches, troncs, paille …

Masque d'écorce lisse de platane que l'enfant arrache de ses ongles sur le chemin de l'école et qui se détache par petites plaques irrégulières.


Femmes-fleurs – Femmes de fine toile d'araignée - Femmes brodées – aériennes – Femmes-girafes – Femmes-envol à l'image de la créatrice – Femmes africaines au fagot de bois en équilibre gracieux, aérien malgré le poids. Têtes de femmes au long cou noble que je vois se balancer au rythme des chameaux sur les dunes.


Même la scénographie est aérienne. Bousculées par le public, elles tournent sur elles-mêmes, rien ne se brise, toutes se balancent dans une légèreté de mouvement, bois qui flotte et vogue sur les vagues.


Femmes-méduses aux tissus transparents, ombrelles, tentacules, chevelures …

« Elle était d'un blanc d'opale où se perdait, comme dans un nuage, une couronne de tendre lilas... aux fins cheveux qui sont ses organes pour respirer, absorber et même aimer ... » Michelet, La mer


« La plus voluptueuse des danses, celle des grandes méduses, êtres d'une substance incomparable, translucide et sensible, chairs de verre follement instables, dômes de soie flottante, couronnes hyalines, longues lanières vives toutes courues d'ondes rapides, franges et fronces qu'elles plissent, déplissent ... » Valérie, Degas, danse, dessin



Texte inspiré par l'exposition du travail de Natô que vous pouvez voir au n° 1 de la rue Brossard à Saint-Etienne