lundi 27 février 2017

Et vingt-trois

Et vingt-trois

Pour ta peau et ta prose tu effleures et bouscules, libères les mots qui te protègent, tu ne les choisis plus. Plus assez, pas toujours. Tu les jettes en manteaux qui encombrent le dossier et les entends parfois pour te mordre les doigts mais, trop tard. 

Alors tu changes le ton, penses être lu avec justesse. Dans le texte précisément. Mais saisissant la méprise tu t'agites doucement. Et tandis que tes gestes font rebondir l'erreur, la grossissent et t'éloignent de ton pauvre auditoire, tes manteaux compriment mes dorsales et me gardent en veille.

Tu expires et renonces, enfin, quand tu me vois sourire.

C'est l'heure.

Pas l'heure pile non, plutôt vingt-trois. Cette heure qui n'intéresse personne. Celle que l'on ne relève pas et qui glisse à vingt-quatre. Celle où mes vertèbres pourront se dérouler. L'instant où bienveillante je pourrai te revoir.

L'entre-minutes où fourbu tu renonceras au verbe.

L'heure où bien malgré toi tu seras un poème.

samedi 25 février 2017

la consigne oubliée du Caprice de la Reine (Jean Echenoz et moi)

à ma droite, les fidèles, 
ceux qu'il faut bien appeler, les élus, 
ceux qui ont contribué à la victoire, 
à la nomination, à la gloire. 
Va pour la gloire même si l'on sait d'ores et déjà qu'elle sera éphémère. 
Vêtus de sombres figures et d'airs fats, vêtus de sourires 
mais au triomphe platonique. 
Ils paradent immobiles, 
dans leur succès tout neuf 
fourré au pétard mouillé.
Vêtus de morgue et de haine, 
un pas de plus vers l'inconnu luisant. 
pour l'heure, ils se taisent, 
se congratulent du regard, 
échafaudent déjà les coups tordus 
qu'ils pourront porter 
pour prendre la place de l'Elu, 
ou d'un moindre, 
mais plus haut placé qu'eux.
Ah oui bien sûr, il y a des femmes "padsouci", 
la parité n'est certes pas exactement respectée, 
mais certaines comptent au moins pour 2, 
dans l'échelle de l'ambition 
et de l'écrasement du cloporte.

A ma gauche, ...
A ma gauche.
A ma gauche, rien ou si peu.
Quelques jeunes gens encore en train de cicatriser, 
propulsés par le destin et le manque de prétendants, 
les vieux sont vieux, presque mourants, 
au placard. 
Du balai.
A ma gauche, quelques fantômes. 
Mais très peu. 
Lesbouffonsde "àmadroite" occupentdurestelaplupartdel'espacesemi
circulaire 
etpoussentlittéralementdansleurs retranchementslesraresàmagauche. 

On se croirait un soir de Häsel.

Devant moi exactement, une statue de marbre. Yeux bandés. On ne sait plus si elle dit que l'amour est aveugle ou que la justice est impartiale.

Derrière moi, sur le perchoir 
le grand chef de ce qu'il faut bien appeler L'HEMICYCLE. 
Il savoure son rêve enfin réalisé.
un petit rêve pour l'heure
un pas de plus vers le sommet.
Il va prendre la parole pour prononcer le discours de bienvenue à ses collègues qui l'ont porté là.
Il a pris ses pastilles il a tout bien rodé.
Son troupeau référentiel réagira en conséquence à la bonne heure. Applaudira à tout rompre dans une assemblée ou tous ou presque lui sont acquis. Triompher lorsqu'il n'y a plus d'adversaire, ridicule et petit.

Et moi
Moi qui suis le termite ultime
celui par qui 
l'effondrement de la tribune adviendra
le dernier à ronger 
le dernier filament de bois
j'entame 
ma
dernière
bouchée

dimanche 19 février 2017

Fleurs d'amandier font le printemps





Non loin de Nyons, à Bellecombe Tarandol, la nature est réveillée. Quel dommage que l'appareil photo de mon fils ne soit pas équipé d'un odorama. Je me réjouis de le rejoindre jeudi et ne peux m'empêcher de partager avec vous cette promesse de beaux jours.

mardi 14 février 2017

A quelle heure l'homme sera-t-il un poème?


à l'heure de l'intime
en cet instant dérisoire
tremblement du miroir
et moire de mots
on voit et 
on ne voit rien
on entend presque rien
énigme voilée
odeur de désir
le je délié

à l'écart


mercredi 8 février 2017

A QUELLE HEURE L'HOMME SERA-T-IL UN POEME?

Peut-être minuit,
l'heure où les songes murmurent
où les cauchemars dictent
leurs diagnostics
à des hordes de farfadets
qui vrillent les oreilles
de leurs refrains saltimbanques
L'heure où les poussières tombent
des chevrons électriques
sur les tempes endolories
 proférant des menaces
de nuits blanches
Où la mémoire asthénique
lutte contre les quiproquos
de l'âge
C'est l'heure  montante
où la lune écarte
insidieusement
le rideau des paupières serviles
pour soumettre le corps
 à ses plaies
Peut-être minuit
l'heure où se récitent les hommes
dans leur bulle amniotique
Ils bâillent
étouffant leurs mots
qui meurent sur leurs lèvres
flétries
A quelle heure l'homme sera-t-il un poème?

A vos oreilles !

Sur France culture, à 20h "A voix nue" du lundi 6 février au vendredi 10 "Pierre Bergounioux, de lettre et de fer"
A écouter en direct, à ré-écouter en différé ou à podcaster SANS MODERATION

mardi 7 février 2017

lieu perdu; consigne ancienne


La chambre; elle aurait dû être sombre; elle éclairait; de sa propre lumière; fin du jour; rideaux tirés; lumières éteintes; pourtant il y faisait clair; l'éclat de son sourire; ou bien de ses cheveux; blancs; peut-être son regard; d'où venait la lumière; perdue; à jamais; perdue; juste; le souvenir; pleurer; comme un enfant; comme un adulte; sa part d'enfance; perdue; rêve; réalité; rêve; rêve d'une réalité passée; toujours vivante; présente; au souvenir; socle des émotions; socle solide; rocheux; rocher doux; sur lequel tu t'appuies; sur lequel tu te reposes; pour affronter le réel.

vendredi 3 février 2017

A quelle heure l'homme sera t-il un poème ?



Est-ce vraiment une question d'heure ? Faire de sa vie un poème ne serait-ce pas plutôt une question d'écoute, d'affût ?
Ecoute du vent, celui qui souffle au dehors et rugit au dedans. Affût de la moindre pousse verte qui va se déployer comme la crosse de la fougère au jardin ou pousser en grinçant les portes de l'imaginaire. On peut être un poème sans avoir jamais écrit un seul mot de poésie. Je connais plusieurs personnes dont le rire fuse comme une source, dont le sourire illumine notre journée quand nous les croisons et qui n'ont pas écrit un seul vers. Leur vie est telle qu'elle est un instant de grâce et de légèreté dans tout ce qu'ils disent, dans tout ce qu'ils font.
Si un poème est une bulle légère qui éclate sous les yeux d'un enfant émerveillé, s'il est ce qui redonne à mon pas grâce et jeunesse et à mon coeur encore un peu l'envie de vivre, alors point n'est besoin de mots avec ou sans pattes, avec ou sans toute leur cohorte de sens.

Ces personnes bénies qui ont cette grâce et cette légèreté jamais ne médisent, ne se plaignent ou ne blessent. On dirait qu'elles ont oublié de dire « je », vous écoutent pleinement, l'oeil plein d'étincelles et d'émerveillement devant ce qu'elles croisent, et le pardon tout près quand elles rencontrent le malheur ou le laid.

jeudi 2 février 2017

A quelle heure l'homme sera-t-il un poème ?

L'heure est déjà passée, l'heure n'est plus à jouer des mots, l'heure est au chaos. Tant de mots à notre disposition et si peu de sens en commun. Tant de mots qui ne veulent dire que des tiroirs grouillants de vers. Il serait urgent que l'heure sonne, que l'heure de l'homme-poème s'apocalypse un bon coup. Le poème ne se relève qu'à grand peine, et il chancelle. 
Je compte jusqu'à 10 - 3...4...
Le boxeur sue son poème de sang à grands gargouillis qui lui sortent par le nez et par la bouche.
Depuis moi je ne vois qu'un grand corps malade, agonisant.
L'homme poème mange ses enfants. Il recrache à flux tendus les petits os des phalanges et ronge les autres.
Toutes les alarmes hurlent en même temps. L'heure de l'homme poème arrive à grand renfort de feu. Il se tient encore droit 5...6...7... mais il n'y croit plus. Il tombe.
Je compte jusqu'à 10. Je me tiens au-dessus de lui, assénant le compte, sachant que s'il ne se relève pas à temps, je sombrerai aussi, englouti par tous les mots qui n'ont servi à rien, tous les chiffres qui ne comptent plus que pour du sable.
L'homme devient poème et s'en est fini de lui, de nous, des heures où l'on mangeait des cerises, où l'on caressait des textures douces. L'heure de l'homme devenu poème est un glas, une aube ultime, un dernier souffle. 9...10... KO.

CONSIGNE DU 1ER FEVRIER 2017

Lire le texte et répondre à la question de la dernière phrase