mardi 24 septembre 2013

Pour Michelangelo

Pour toi, ces photos prises à Tchatchou, dans une pouponnière d'orphelins. Tout y était calme, propre, paisible (et nous nous sommes arrêtées tout à fait à l'improviste). Pour ta délicatesse, la finesse de tes propos, l'acuité de tes écrits, pour ce que tu es tout simplement ...
Tous mes voeux par les yeux de ces enfants



deux jumeaux


mardi 17 septembre 2013

17 septembre



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Comme cette nuit-là s'est gravée dans ma mémoire : je rentre d'un concert où j'avais beaucoup pensé à vous tant cette musique était vivante et j'entends encore celui qui ne savait pas comment annoncer … « Il y a une mauvaise nouvelle … J'ai reçu un appel … Mr Mathieu est décédé ... ».
Comme une prière à l'envers, les mots se couchent. Quel piège s'est refermé ?
Le monde se fragmente en images fixes, fragments silencieux, temps figé.
Vous n'êtes plus celui qui est peut-être entrain de m'écrire, celui qui lit, celui qui va parler tout à l'heure. Je ramène des bouts d'une vie qui a explosé. Quel sens ont ces morceaux ? Quelle place va occuper le désormais « Absent » ?
Des phrases en suspens non suivies d'échanges, des éclats de silence.
Quand je vous quittais, je savais qui j'étais, il existait un enclos où ma vie était sous protection et je pouvais poser un pied de l'autre côté, bondir puis revenir.
Quelque chose s'est perdu que rien ne viendra remplacer. Il existe des impasses dont on ne sort vivant que si sa vie entière pivote sur son axe. J'ai retrouvé mon chemin, mais parfois, au sortir de nuits douloureuses -celle-ci en est une – je me perds à nouveau.
Quand les jours recommencent à raccourcir, c'est toute ma vie qui devient minuscule. C'est vous qui m'apportiez les mots d'espoir, vous qui m'avez appris à quel point chaque vie est précieuse, montré comment tenir en équilibre sur le fil de nos vies. En vérité, le plus difficile est de s'y tenir.

« Il faut être comme l'arbre à papillons, prêt à accueillir le bonheur et tu verras, il viendra sur ton épaule. C'est un jour de grande fatigue, en fermant les yeux que je l'ai vu ».
B. Giraudeau Les dames de nage


Fidèlement à vous, vers vous, encore et toujours.




dimanche 15 septembre 2013

Journées du Patrimoine - Saint-Etienne -





La maison sans escalier, 54 Bd Daguerre à Saint-Etienne fut construite en 1939 par A. Bossu. Ce sont 36 appartements en copropriété sur 6 étages, organisés autour d'un volume central éclairé par une coupole en béton armé percé de briques de verre. Sans ascenseur ni escalier, l'immeuble comporte une rampe hélicoïdale à faible pente. Cette rampe conçue comme un espace de convivialité a un peu moins de deux mètres de large et dessert les appartements, tous composés de 2 ou 3 pièces ; le rez de chaussée comportait un bassin et le volume central était éclairé par la coupole (qui a du être occultée pour cause d'étanchéïté). Chaque appartement offrait dès 1939, eau chaude/eau froide/, chauffage central, vide-ordures, WC et salle de bain individuels. Sur la terrasse supérieure, les habitants pouvaient se rendre à la buanderie collective. A. Bossu a construit deux "Maisons sans escaliers" à St Etienne et une trentaine d'immeubles. Il maitrisait parfaitement la technique du béton et c'est dans une optique humaniste et conviviale qu'il a conçu la plupart de ses immeubles.


Immeuble du 29A rue G Clémenceau

Maquette du site de Beaulieu
Quartier Beaulieu, visite d'un appartement-témoin des années 50 :
Ce site fut construit en 46, la maquette montre les immeubles -tous différents en hauteur et en taille  et entourés de nombreux espaces verts- qui vont de la rue Le Corbusier à la rue G Clémenceau.
Dans ces années la pénurie et la vétusté des  logements stéphanois sévissait sévèrement et une vaste opération de construction de logements sociaux fut entreprise. Ces logements, eau chaude, WC, salle de bain, avec ou sans chauffage proposaient un accès sans précédent à la modernité. Selon les normes de l'époque un T2 de 42m2 permettait de loger 4 personnes : cuisine, salle de bain, WC, salon et chambre à coucher, les enfants dormant dans le cosy du salon.
La ville de Saint-Etienne entretient un appartement-témoin meublé d'époque grâce aux dons ou prêts d'anciens habitants, que l'on peut visiter.

chambre à coucher

arrière d'immeuble

mercredi 11 septembre 2013

Joséphine confectionne les boules d'akassa

Le maïs, comme le manioc, ou le riz si l'on est plus fortuné, sont les bases de l'alimentation. Ces boules blanches - vendues entourées de feuilles de teck fraîches - nécessitent des jours de préparation et sont vendues 25 CFA (1000 CFA équivalent à 1 euro 50).
Joséphine est installée dans sa cuisine, ce foyer dans sa minuscule cour d'où sortent tous les bons plats qu'elle cuisine. Il faut cultiver le maïs, le sarcler, aller chercher l'eau au puits, ramasser le bois, s'accroupir, piler ... Elle commence par épépiner les pommes de maïs et recueillir les grains. Ils sont mis à tremper plusieurs jours dans de l'eau tiède, puis égouttés et envoyés au moulin pour être réduits en farine. La poudre de maïs est jetée dans de l'eau, l'amidon se dépose au fond de la marmite, cette pâte va fermenter une journée entière. On tamise, on jette la farine et on récupère l'amidon qui est mis à cuire dans de l'eau chaude jusqu'à obtention d'une pâte épaisse. C'est cette pâte blanche très épaisse qui est consommée et roulée dans des feuilles de teck. Les boulettes sont consommées avec une sauce tomate ou feuilles très pimentée.
Ca semble simple, mais ce n'est qu'une des innombrables tâches qu'accomplit la femme africaine tout au long d'une journée ordinaire.



Nuits africaines



Est-ce la moiteur du climat, l'état léthargique dans lequel l'humidité ininterrompue laisse le corps, la perte de tous repères habituels qui font retentir si fort en moi les nuits africaines ?

Chaque nuit me prenait dans un sortilège. Aussitôt couchée, tout bruit semblant avoir cessé, je m'aperçois bien vite que le silence est habité par un brouhaha lointain et incessant. Vagues musiques dans le lointain, caquètements, bêlements, sarabandes de souris et de margouillatss sur ma tête, tambours, paroles de femmes … La moiteur du corps et des draps, les bruits-musique en fond sonore, le sommeil arrivant basculent mon esprit dans un état de confusion mentale. Mon corps ne m'appartient plus, mon esprit non plus. Je suis ensorcelée, prise dans les rets d'un maléfice ou est-ce subjuguée par un charme, tous ces sons lointains ayant l'effet magique d'incantations. Ces sensations totalement inhabituelles à mon corps, mon cerveau brouillent tout. Perceptions, souvenirs se mêlent, fusionnent. Tous mes repères s'évanouissent, ne reste rien à ma rescousse, ni connaissances, ni certitudes, ni croyances. Hallucinée, l'esprit flottant, tout mon être est en semi-conscience, hors de tout contrôle de la raison. Fascinée, charmée, vaguement effrayée, tout m'échappe. Dans un état de demi-sommeil différent du rêve, ma porosité au monde, mon déboussolement est total. Déliée, sans défense, envahie par le monde, tout peut arriver.
Certaines nuits, éclate une altercation. Des cris explosent, des hurlements fusent. Les femmes hurlent, les ados rétorquent, des enfants pleurent et derrière tout cela toujours les mêmes battements de tambours, les vibrations de basses d'une musique, les frôlements, bêlements. Rythmes et volumes vont crescendo puis tout à coup s'apaisent en un diminuendo comme si une entente était en vue. Quand, tout à coup – un chef d'orchestre dirige t-il les opérations ?- rythmes et volumes enflent sans que ne se perçoive aucune réelle agressivité. Emportée par cette fête des voix, je me suis souvent questionnée : altercation impromptue ou danse organisée ? Questions / Réponses ? Choeur hommes / Femmes ?
… Et puis chacun-chacune salue, j'entends les pieds frotter le sol, on rentre, la bagarre est finie jusqu'à la prochaine fois, on se salue.

5 heures du matin, au réveil d'une nuit ensorcelante, de « pensées » molles, de rêves érotiques, j'entends, avant le jour un oiseau lancer son chant, mais les bruits domestiques qui commencent l'empêche de se déployer dans le silence. Chants des coqs, poulies des puits grinçantes, couinements des portes métalliques, bêlements des chèvres plus forts, tintements des bassines métalliques entrechoquées, doux chuintement des courts balais de palmier que passent les jeunes filles dans les cours, repoussent doucement le voile de la nuit. Quelques jeunes enfants pleurent. Le muezzin a déjà poussé ses appels. Dans deux heures, il fera jour et les sons vont s'amplifier.
Certains matins, lorsqu'il a plu la veille au soir, sont comme un commencement du monde : les coqs chantent, en silence les enfants calmés balaient la cour détrempée, le déjeuner est de pain frais livré à six heures par Blandine, de confiture de mangues, de petites bananes et d'un ananas juteux juste ouvert. La pluie a apaisé le monde, les hommes, les esprits. Règne un calme inouï. On dirait un début de monde, tout neuf, tout frais, tout calmé, lavé. Les femmes vident les cases, les nattes sortent au soleil pour sécher. On recommence à zéro.
Finis les sortilèges. Qui a parlé d'envoûtements ? Les palmiers se balancent dans un ciel infiniment bleu.

La cour se réveille

Lever



Sous le palmier

Estelle au puits


Tatasonga au nord de Natintingou

mardi 10 septembre 2013

Groupement de femmes transformatrices d'afitin de SACLO (Bohicon, Bénin)


Aujourd'hui, nous nous rendons à Saclo - commune de Bohicon - ville attenante d'Abomey, en compagnie d'Emile Kpoton, retraité bénévole qui s'occupe de plusieurs ONG.


L'afitin est un condiment traditionnel utilisé dans la plupart des sauces dans toute l'Afrique de l'Ouest, extrait du Néré, grand arbre de la famille des mimosaceae (dont la feuille ressemble un peu à notre acacia) et dont les fruits sont de longues gousses suspendues en grappe contenant une poudre jaune et de nombreuses graines noires (qui - après avoir subies de multiples transformations - serviront à faire l'afitin).

* Tout est utilisable dans le néré : son bois est un excellent combustible, son écorce sert les ostéopathes, sa pulpe de laxatif, ses cosses servent d'engrais et de crépi pour les murs des cases, ses graines sont très riches en protéïnes, en fer, vitamines C limitant le scorbut et en iode contre les goitres ...

Les graines sont cuites longuement dans de grosses marmites afin de pouvoir les décortiquer (jadis cette opération était effectuée à chaud par foulage aux pieds), elles sont ensuite passées dans un premier moulin afin d'en extraire le cotylédon qui lui, sera transformé ; égouttées dans de grands paniers, elles subissent trois rinçages successifs puis un quatrième dans un récipient contenant de la bouillie d'argile de termitière. Au fil des rinçages, leur peau se dépose et seuls les cotylédons surnagent. Les quatre eaux de rinçage sont conservées et utilisées comme fertilisants dans les champs ou comme peinture. Un dernier triage est encore fait à la main et un ultime rinçage avant une seconde cuisson rapide.

Les graines de néré ont cuit de longues heures et vont passer au moulin

passage au moulin

rinçages successifs des graines

toutes les femmes du groupement participent
Les cotylédons vont maintenant fermenter pendant 48h à l'air libre (ou seulement 7h dans des caissons en bois fournis par une ONG américaine) puis être modelés en grosses boulettes. Celles-ci sont enroulées dans des feuilles de teck et nouées d'un cordon végétal,  pour être enfin vendues pour quelques centimes au marché. Attention la conservation n'excède pas les 48h !!

confection des boulettes d'afitin prêtes à la vente


Actuellement à Saclo, la fabrication connaît un stade supplémentaire. Après fermentation, les cotylédons vont subir une opération de séchage (grands séchoirs fournis par les américains), puis passer à nouveau au moulin afin d'obtenir une poudre sèche, noire, vendue sous vide dans de petits sacs plastiques. L'afitin se conserve alors environ six mois. Naturellement le prix n'est plus le même, mais en conservant les deux modes de fabrication, cela permet une commercialisation à bas prix sur les marchés et une commercialisation en magasin. Actuellement, le groupement étudie comment conditionner cette poudre sous forme de petits cubes compressés ce qui permettrait une conservation encore plus longue et un transport aisé.
Et peut-être alors verrions-nous des cubes d'afitin remplacer avantageusement  les KUB-OR dans les rayons de nos supermarchés.
Toute cette transformation prend quelques lignes d'un article, plusieurs jours de labeurs intenses, de fatigues, de fêtes, de chants, de palabres dans un petit village du Bénin.

Quelques merveilleux visages ...



Et bien sûr de prétextes à chants et danses pour tous ...


 



dimanche 8 septembre 2013

A nos plumes ...

"Le mot est le substratum de toute pensée ; il en est la nécessité ; il en est aussi la forme, et la couleur, et l'odeur ; il en est le véhicule : et bai ou rubican, isabelle ou aubère, pie ou rouan, ardoise ou jayet, doré ou vineux, cerise ou mille-fleurs, zèbre ou zain, le front étoilé ou listé, peint de tigrures ou de balzanes, de marbrures ou de neigeures, - le mot est le dada qu'enfourche la pensée. Mais ce n'est pas pour cela que j'aime les mots : je les aime en eux-mêmes, pour leur esthétique personnelle, dont la rareté est un des éléments ; la sonorité en est un autre. Le mot a encore une forme déterminée par les consonnes ; un parfum, mais difficilement perçu, vu l'infirmité de nos sens imaginatifs. ..."

Rémy de Gourmont "Le chemin de velours" L'ivresse verbale

(Le correcteur d'orthographe semble avoir la tête sens dessus-dessous, il affiche beaucoup de rouge ; quant à L Bourg, tous ces points-virgules doivent lui mettre du baume au coeur. A jeudi ...)