jeudi 31 janvier 2013

Atelier du 31/01/2013 Laisser parler votre part animale

 Consigne : Tenter de vous souvenir de ce que vous éprouviez dans votre vie animale. Chacun, chacune, écrira, selon son choix, comment est l'existence quand on est une baleine, un tamanoir, un toucan, une fourmi, un lombric, ou quoi que ce soit d'autre. Si vous êtes une mouche, vous pouvez inventer une vie radicalement différente de la nôtre : vous orienter avec des yeux à facettes, voler, ne vivre que très peu de temps …
Prenez conscience qu'eux et nous vivons, dans des univers parallèles, juxtaposés et sans rien de commun entre eux : la mouche dans une pièce, l'acarien dans un tapis, une bactérie dans notre intestin, un oiseau dans un arbre … et en plus, vous vous heurtez à cet objet, ou vous le rencontrez.


Voici quelques exemples :

Canis Familiaris :

« Retenu par le cuir de ma laisse, je sentais le sang battre dans ma mâchoire. La salive emplissait ma gueule, un râlement rauque sortait de mon poitrail. Je tirais, ahanant suffocant mettant dans mon cou toute la puissance de mes muscles. J'avais soif de ma course pour rassasier mon désir de sang. Le démembrer, lui, là-bas, dans son manteau, le désosser tout entier, lui, là-bas, la proie. Nous étions quatre tirant sur le cuir de notre laisse. Nous creusions le sol à force de nous acharner à courir, sans pouvoir avancer, et dans notre entêtement à aller de l'avant, nous nous dressions sur nos pattes de derrière pour retomber, reculer, prendre un élan nouveau et bondir au risque de nous étrangler à l'instant où la laisse, au bout de son extension, retrouvait sa cruelle tension. Incapables de nous soustraire à la rage qui nous envahissait, nous gémissions contre nos maîtres. A quel jeu jouaient-ils en nous appâtant et en nous privant tout à la fois ? Pourquoi nous affolaient-ils ? ... »

Boa Constrictor :

« … Ils me découvrent entouré autour de la branche de bois fixé au milieu de ma cage de verre... J'ai dardé ma langue fendue, l'étirant au possible à travers l'échancrure située sous mes écailles rostrales, pour prélever le plus de particules odorantes, et j'ai pu mesurer sa distance, sa forme, sa taille, son poids et deviner la présence du petit félin à ses pieds. … L'homme qui me nourrit a émit des sons, paroles diverses et multiples sans importance réelle pour moi. Je n'ai ni tympans ni oreilles, ni conduits ni orifices, mais je sens les vibrations et j'ai appris à les interpréter pour traduire le langage des humains, comprendre leurs intentions et deviner ce qu'ils tentent de me cacher. »

Musca Domestica :

« Le chat se rendort. Je tourne au-dessus d'eux. L'homme bouge dans son lit. Sa sueur m'affole. Je sens ses effluves. Sueur humaine désaltérante. Je veux étancher ma soif. J'attends.
J'attends.
J'attends.
Le souffle lent de son sommeil trouve sa régularité. Je descends en altitude. Le chat dort à ses pieds.
Il dresse l'oreille. Je n'ai pas le choix. Il faut affronter ce danger mortel. Je me pose sur la surface nue et moite de son dos, à proximité d'un grain de beauté où la sueur s'agglutine. Je bois. C'est vivifiant. Sa sueur est bonne. Elle goûte la terreur. Il se redresse je m'envole l'animal bondit. Je tourne autour du plafonnier. Le chat saute sur le plancher l'homme s'assoit dans le lit … Il y a des vibrations, des ondes. Je chute en piqué. Je me pose sur sa nuque. Je bois. Je bois. Je bois. Sa main me chasse. Je m'envole. Je tourne. Je me pose sur la surface escarpée du mur la tête à l'envers. Il se lève. Il s'habille. Je m'envole. »
Wadji Mouawad « Anima » Léméac / Actes Sud

jeudi 24 janvier 2013

tout est si poreux

Un jour dans la boîte aux lettres * l'objet malgré lui * l'objet de notre désir * * pendant des années notre unique enfant * dont j'avais la garde * la petite bestiole rouge à pois blancs * comme une coccinelle suisse * la petite fille dit : qui est-il ? * la mère se dit : où est son créateur ? ** un jour dans sa boîte aux lettres * elle dépose l'objet de sa question * elle le voit en photo sous son meilleur profil * de père solitaire * plus tard ** tous nos noms sur une même boîte aux lettres * pendant 5 saisons * amélioration * de la confiture d'abricots * entre autres gourmandises ** un jour à sa brise * elle pose sur le plateau * le monstre-gentil-coccinelle * elle ne sait pas encore qu'est revenu * (peut être) * le temps des insectes * qui sautent dans les textes ** Un jour sur le seuil de la porte * tous ces mots coups de poing dans le mur * "la langue est plus que le sang" * l'objet assis sur son derrière * ses trois doigts de pied en éventail * n'y est pour rien * une des facettes de ta part belle * Un jour sur fond de brouillard * l'objet de mon autobiographie

mercredi 23 janvier 2013

une bestiole dans la boîte



1 jour dans la boîte aux lettres 
«et toi ?»
palpitante passion
l’invitation
pimente ton inquiétude
«et toi où en es-tu ?»
explorateur : faire de sa vie ce que l’on veut
exquis !
«on veut»
attachés 
«et de bonne humeur»
une caresse ?
rassasié
«en forme et de bonne humeur»
embrasse ta destination
le jardin 
de la tendresse
et du désir
«et toi en forme ?»
comme l’abricot ?
«ou en es-tu ?»
(inquiétude)
«faire de sa vie ce que l’on veut»
enlace
embrasse
la bête sa fourrure
c’est : 
langoureux 
alléchant 

1 jour
dans la boîte 
à destination 
«être toujours»




Notre animal de compagnie

Un jour dans la boîte aux lettres
main
dépose
très accueillant
troublant, lisse
renversé toutes les demi-heures
doux
galbé
rouge
félin ? 
NON
Dans la journée lève-toi de ta chaise
titille
les tendresses
obéissant explorateur
Etire-toi, bois de l'eau
Un jour dans la boîte aux lettres
amoureux
dépose
exquis
enlève tristesse
abricot attend
miel inquiétude
toutes les demi-heures
retourne à la boîte aux lettres
posé, entre les doigts de pieds
sans fourrure
à, et, e, je, qui, du, quand, mais cette
tonique jusqu'au soir
destination corps
"à pois"
vertige de la boîte aux lettres
dépose caresse
femme comme destination
c'est désir
des jardins
silence cède
toi
dans la boîte aux lettres
30 jours
"30 ans"
tentation
parfum
odeur
ses oasis
des mots
des jardins
suis deux
suis un
ton ivresse plonge
S, S, enlève
devine
embrasse
enlace
palpitant
mais :
? t'-il ?

Un explorateur troublant

Un jour la boîte aux lettres
en un langoureux vertige
et une tendresse sucrée
accueille
un explorateur troublant
attirant 
par son corps galbé
un parfum d'ivresse
la finesse des doigts

                                   une femme
                                   à l'inquiétude sensible
                                   le touche
                                   l'enlace en douceur
                                   titille sa peau
                                   excite ses reins
                                   le bascule d'une pulsion
                                   désaltère son amande

                plonge dans un monde de silence

                                   le dépose dans un jardin
                                   au goût triste
                                   comme une invitation
                                   au tonus retrouvé


l'opulent amoureux et sensible
palpite de plaisir
chaque après-midi   

J'ai respecté la consigne à la lettre...je crois... 

jeudi 17 janvier 2013

Dors-tu assez et suffisamment bien ?





C'est une évidence, mais … il ne l'embrassait jamais.
Quand un jour dans la boîte aux lettres, une odeur mouillée de chatte l'a enflammée de tendresse.
Triste, elle est devenue douce et nue.
Une faim l'a basculée dans l'aventure.
Obéïr aux désirs, c'est la base.



Seuls les mots en italique ont été rajoutés

mardi 15 janvier 2013

atelier du 10 janvier


mpb est venue avec une drôle de bête, rose à pois blancs, une phrase de démarrage : "un jour dans la boîte aux lettres", plein de mots à piocher et une phrase-conseil pour chacun .. tous les matériaux étaient là .. nous n'avions rien à ajouter ..






samedi 12 janvier 2013

titre pour une autobiographie d'objet

atelier du 10 janvier, avec les mots-consignes tirés ce soir-là, tous utilisés-et-l'objet-mystère qu'on appellera Smochk en clin d'oeil au dernier Post de Ange Gabrielle. Il ne fallait pas faire de récit, pas de narration.
 (ce qui n'est pas en italique correspond à des  mots  rajoutés)



"Autobiographie d'un Smochk de jardin plein d'exotisme, qui un jour enfermé dans la boîte aux lettres suite à des repas trop lourds mais voluptueux, et obéissant à une pulsion du soir (ou à un regain de forme), d'une touche, plonge dans une enveloppe, supprime sa destination" 

(le Smochk est arrivé 30 ans plus tard à la bonne adresse)

samedi 5 janvier 2013

Boule de cristal




En y regardant longtemps, chacun y verra de quoi son 2013 sera fait

A Marie de Vallonpierre, Marie, Pierre ... Lìn ... et les autres

 Se choisir un nom

« Normalement, notre nom ne dépend pas de nous. Reçu, hérité, donné par les autres, c'est toujours du dehors qu'il vient. Nous sommes nommé, nous le sommes déjà avant même de savoir notre nom, nous ne forgeons pas ce signe, il ne dépend pas de notre choix.
Sauf pour quelques uns, en de rares occasions. Les fugitifs, réfugiés, exilés qui doivent vivre, pour survivre, sous une nouvelle identité. Les artistes – acteurs, chanteurs, peintres, écrivains – qui prennent un nom de scène, un nom d'auteur.
Toutefois, la plupart de ces choix sont contraints : il faut un nom qui ne se remarque pas trop, soit facile à retenir, sonne aisément dans le registre déjà existant. Ce nom est d'abord pour les autres, pas pour soi.
Si vous pouviez créer votre nom, celui qui vous va, qui vous ressemble, qui exprime vraiment qui vous êtes, quel serait-il donc ? La question même peut paraître curieuse. Ce nom existe-t-il ? Comment le forger ? Surgit-il d'un coup, comme une révélation ? Faut-il au contraire chercher par tâtonnements, multiplier essais et déceptions, hésitations et recommencements ?
Ca fait quoi, finalement, de se donner un nom ? On le trouve d'un coup, comme on déniche une trouvaille – caché quelque part, en attente ? Ou bien on l'invente, de toutes pièces, pas sûr que ce soit le bon ? Pourquoi vous convient-il ? Comment fait-il pour vous correspondre ? Quelle est donc l'énigme de cette articulation, toujours mal élucidée, entre les personnes et les noms ?
Et aussi, peut-être, cette étrange illusion : le nom, toujours le même, nous fait croire qu'il existe un individu, toujours le même, un élément qui persiste et perdure, ne varie pas, demeure infiniment égal à lui-même. Or ce n'est pas sûr du tout.
Il est possible, au contraire, que nous soyons très différents d'un âge à un autre. Ou même d'une année, d'un jour, d'une heure à l'autre. Faudrait-il, du coup, se donner chaque fois un nouveau nom ? Dire : « Ce matin, je m'appelle ... » sans savoir si, ce soir, ce sera toujours le cas ? Ou bien faut-il n'avoir pas de nom ?
Tout cela ne simplifie pas les cartes d'identité."

R P Droit "Petites expériences de philosophie entre amis" PLON p 122 Les caractères gras sont rajoutés

vendredi 4 janvier 2013

réponse de Stéphanie à la lettre de Martin pour la Pierre de rêve


une vraie correspondante (qui n'est donc pas Lin) cachée sous le nom de Stéphanie, à qui Martin avait écrit pour la remercier de la pierre de rêve ramenée de Chine, et pour lui faire part des idées qu'elle lui a insufflées pour se débarrasser d'un chef, porte ici le pseudo de Marguerite (car elle aime bien les vaches) pour expliquer ce que la pierre lui a fait lors de son voyage à Pékin. 
(réponse à Martin)
Hello Martin,
Pour la pierre, la Pierre de Rêve, voilà comment tout a commencé.
La première fois que j’ai posé mes yeux sur elle, cela faisait à peine trois jours que j’étais arrivée à Pékin. Je n’étais alors qu’une débutante en voyage autour du monde. Tu te souviens que je voulais vivre quelque chose d’intense, de dépaysant, voire de violent, tout de suite. Il était hors de question que je m’installe tranquillement dans une routine et que je me déprenne par petites touches. Non, j’avais besoin d’une sorte de choc et c’est la raison pour laquelle j’avais choisi la Chine, et Pékin, comme destination initiale. De ce déracinement, j’en attendais quelque chose, et la non transition devait jouer un rôle dans mon expérience. J’avais envie d’être désorientée au sens premier du terme : oui, il me fallait perdre mon orient, faire tout éclater. Je peux dire maintenant, avec le recul, que j’en attendais une sorte d’implosion interne, qui me permettrai de faire table rase d’un seul coup, de me brûler pour voir ce qui repousserait ensuite.
L’arrivée à l’aéroport avait été à la hauteur de mes espérances. Tu m’imagineras sans peine débarquant sur le tarmac lessivée par toutes ces heures de vol, humant l’air et happant du regard le monde qui m’entourait, avide de me dissoudre dans cette nouveauté. Je me sentais vide, réceptive, légère d’une sensation que je n’ai pu nommer que bien longtemps après. Cette sensation était celle d’une joie d’être dans le dépouillement, dans l’absence de recherche d’un confort quelconque. Une fois l’immigration passée, je me suis assise sur un banc avant de quitter l’aéroport. Personne ne m’attendait. A priori, je n’aurais que des échanges superficiels pour demander une information, pendant longtemps. C’était une forme extrême de solitude au sein même du pays le plus peuplé du monde. J’ai essayé de me rassembler, et de faire le point sur mes sensations. Mais les critères anciens et habituels étaient inopérants : je ne savais pas trop si j’avais faim, soif, ou sommeil. L’heure même n’était pas très parlante puisqu’on était quelque part entre le jour d’avant et le jour déjà vécu pendant le vol. Le plus délicieux était que je n’avais même pas envie d’être bien, ni confortable, ni en sécurité. Je souhaitais juste me sentir vivante, dans toutes les sensations extrêmes et contrastées que cela suppose. A ce stade-là, mon voyage s’annonçait bien : je me sentais délicieusement bizarre, et me nourrissant de cette expérience étrange, il m’apparu que j’étais déjà rassasiée de ce que j’étais venue chercher. Presque j’aurais pu rentrer en France, tant mon but paraissait si rapidement et parfaitement atteint. Un policier, ou un militaire en uniforme et venu me dire quelque chose. Je n’ai rien compris. Le ton semblait agressif, je ne savais pas s’il avait parlé en chinois ou en anglais. J’ai cru comprendre qu’il fallait que je me lève parce que j’occupais ce banc depuis longtemps. En me remettant debout, j’ai eu, d’une façon fugace, le sentiment d’une perte terrible. Ce petit banc pas même confortable, je n’avais mis que quelques instants à le faire mien et à m’y sentir comme chez moi. Sommée de m’en extirper, je comprenais brutalement que mon voyage commençait réellement maintenant, une fois passé les contrôles, la douane, les fouilles, et le parquement rassurant dans les zones transitaires des aéroports où finalement, on fait ce qu’on nous dit de faire, au moment où il faut le faire. Car à présent, nulle hôtesse pour me guider vers ma place ou m’apporter un jus de fruit. C’était à moi de faire le premier pas et de décider de mes activités pour le restant de la journée.
Je me suis rendue dans l’hôtel que j’avais réservé (prévoyant malgré ma soif de désorientation qu’il faudrait un point de chute fixe pour débuter mon apprentissage du nomadisme volontaire et de longue durée). Au début je suis peu sortie, et puis finalement, j’ai commencé à arpenter les rues, jusqu’à me perdre dans celle où j’allais rencontrer la pierre. Il se trouve que c’était un tout petit restaurant. Vraiment modeste. Dès que je suis entrée, j’ai été happée par un objet qui était posé sur le comptoir. Pendant tout le repas, que j’ai pris face à la pierre, j’ai eu le sentiment d’une compagnie rassurante. Bienveillante. A un moment, le patron a suivi mon regard, et m’a ensuite observé longuement sans se cacher, ce qui est est très peu dans les habitudes chinoises. Puis il a sourit, a apporté la pierre et l’a posée en face de moi. Qu’il l’a touche m’a fait un petit choc. On aurait dit qu’elle était déjà une partie de moi, et qu’il m’était physiquement douloureux de sentir des mains étrangères la transporter. Puis, il m’a parlée, en me demandant si cette pierre m’intéressait, si j’avais envie de la voir de plus près, de la toucher. Au début, je n’ai pas éprouvé le besoin d’entrer en contact avec elle. La regarder me suffisait. Et plus je passais de temps à l’observer, plus j’avais le sentiment de m’absorber en elle, et d’y rencontrer une apaisante sensation d’unité. C’était un moi unifié, soudé, dense, plein, que la pierre me renvoyait comme une image émotionnelle.
Au bout d’un très long moment, j’ai eu l’impression d’avoir fait le plein de cette sensation, et d’être gonflée d’une énergie neuve. Exactement comme si on avait rempli un réservoir émotionnel d’un carburant spécial, dont je ne savais ni qu’il existait, ni qu’il pouvait être vide. C’était très étrange, car j’étais à la fois complètement apaisée, et particulièrement fébrile et bouillonnante. Des idées neuves, des vieilles aussi, se sont mises à percuter mon esprit et à tourbillonner comme la neige pendant une tempête. J’éprouvais une bourrasque d’idées. J’ai arrêté de regarder la Pierre, et je me suis dit que cela avait été merveilleux, et que peut-être son souvenir, lorsque je serai sortie de ce restaurant, suffirait à procurer de nouveau ces sensations. Au moment de payer, j’ai dit au patron : « Elle est vraiment curieuse, cette pierre, je suis contente de l’avoir regardée. » Le patron m’a alors souri, puis il l’a prise, l’a emballée, et me l’a donnée. Je ne comprenais pas : s’agissait-il d’un cadeau ? Fallait-il payer quelque chose ?  J’avais l’impression qu’il s’agissait d’un trésor inestimable et ma condition de voyageuse volontairement pauvre ne me préparait pas à acheter des pierres précieuses au bout de trois jours. Le patron m’a alors expliqué que cette pierre était très vieille, beaucoup plus que ma civilisation occidentale, et qu’elle était dans sa famille depuis plusieurs générations. Il n’en était pas le propriétaire, pas plus que son père, et ses ancêtres avant ne l’avaient été, mais le gardien. Il s’agissait d’une Pierre de Rêve, dont les propriétés étaient différentes selon les personnes qui en étaient dépositaires. Il m’a aussi dit que cette pierre ne pouvait pas s’acheter (elle existait bien avant l’invention de l’argent), qu’elle était plutôt confiée. Il savait toujours reconnaître à qui la confier, à une certaine intensité du regard, une certaine attention accordée à l’objet, et une absence totale de désir d’en devenir le propriétaire par l’achat. Apparemment, mon attitude correspondait à celle du futur dépositaire de la pierre. Je lui ai demandé comment il était possible que cette pierre soit encore dans son échoppe, alors même qu’il m’expliquait le rôle familial de gardien. Il m’a dit que cette pierre  revenait systématiquement dans sa famille, une fois son oeuvre achevée. C’était un objet dont les propriétés, puissantes, s’exerçaient pendant un certain temps. Ensuite, le dépositaire sentait qu’il fallait s’en séparer, afin qu’elle accompagne quelqu’un d’autre. Elle tournait autour de la terre, cette pierre, et finissait toujours sa course dans son restaurant. Ensuite, elle repartait. Cela faisait des générations et des générations qu’il en était ainsi. Il n’était pas inquiet, et même content de savoir qu’elle reprenait du service. Il m’a demandé quelle était ma nationalité, et devant ma réponse, s’est réjoui : « Ha oui, la France, la pierre connaît, elle y  a déjà séjourné plusieurs fois. Oui, elle sera contente de retourner en France. »
Voilà donc Martin, comment je me suis retrouvée en possession de la pierre. Ce qui s’est passé entre elle et moi, avant que je ne te l’envoie est une autre histoire. Mais je t’assure que son pouvoir est fort. Mais peut-être doit-il servir des intérêts plus grands que la seule chute (espérée, certes), de B. Je te souhaite, - si ce n’est déjà fait- un bon restau avec « la petite comptable » …
A bientôt
Stéphanie