samedi 28 février 2015

entre les notes la jeune fille


Elle a 7 ans toute encombrée de sa grande taille. Elle a 13 ans des yeux très bleus. Elle est timide. Calme. Un fin sourire aux lèvres elle acquiesce. De petits mouvements de tête. Le jury l’interroge sur son travail. Elle a 29 ans. Elle a 26 ans. Elle photographie les ruelles de Kyoto.

kyoto, littéralement ville capitale. ce qu’elle fut entre 794 et 1868 : "capitale de la paix et de la tranquillité". elle cueillette les images. elle s’approche. accroche fleurs, chats, maïko. maïko en japonais signifie apprenties geisha. mini-poupées mises en couleurs. fines tiges de bouquets. jeunes filles-bourgeons. boutons de roses. campanules. camélias.  elle publie ses moissons photographiques dans un blog qu’elle a appelé «somo somo». j’ignore ce que veut dire "somo somo".

L’éclosion des fleurs. Les chats nonchalants. Elle a 23 ans. Elle pleure dans le stock entre les murs de livres. En silence, des larmes coulent du bleu de ses yeux tombent dans les caisses vertes. Sa voix tinte comme une clochette soulevée par le vent. Elle a 17 ans. Elle a coupé sa frange très courte. Elle ressemble à une princesse de l’ère Edo.

2 edo. période tokugawa. une des subdivisions traditionnelles de l’histoire du japon. elle commence vers 1600. par la prise de pouvoir de tokugawa leyasu lors de la bataille de sekigahara. se termine vers 1868 avec la restauration de meiji. elle est dominée par le shoguna tokugawa. edo est sa capitale. edo est l’ancien nom de tokyo. 

De fines mèches électriques cernent ses joues poudrées. Souvent son front brille. Ses mains alignent les piles avec précision. Elles ne peuvent s’en empêcher. Elle a 22 ans. Au cours de "sumi-e"

3 sumi e avec un e comme encre. ou shiboku-ga comme peinture à l’eau et à l’encre. le sumi e date de l’époque muromachi. donc entre 1336 et 1573. l’ère muromachi est une autre subdivision traditionnelle de l’histoire du japon. dominée par des shoguns de la famille des ashikaga installés à kyoto. kyoto la ville où elle vit et photographie.

elle trace des silhouettes de fruits ou de légumes. Elle a 28 ans. Ses bras ses mains tentent de se glisser entre les "shôji" en papier de riz.

4 dans son film en noir et blanc intitulé «éléphantine». elle tente d’ouvrir un shoji. shoji du chinois barrière de bambous. le shoji est une paroi. une cloison coulissante en bambou et papier de riz. le papier de riz translucide, washi en japonais, est monté sur une trame de bois. à travers cette porte-paravent, emblématique de l’architecture traditionnelle japonaise, ses bras aimeraient se faufiler. 

Cela dure longtemps. En noir et blanc. Couche par couche elle revêt des kimonos. Elle va avoir 30 ans. 


jeudi 12 février 2015

Automne 2014, consigne 8

Isoler un fragment, de 10 à 25 lignes par exemple, dans tout ce qui a été écrit depuis le début du chantier , puis lui appliquer le système Perec de l’appel de notes ( dans W ou le souvenir d'enfance). Et s’appuyer sur le territoire Duras ( dans L'amour) pour déceler, secouer, atteindre ou agripper, tout ce qu’on a à écrire sur ce fragment.

mercredi 11 février 2015

PROPOSITION VII.


     Ecrire serait pour moi une seconde peau, une cape jetée sur les vides, le absences éphémères, les absences éternelles. Un vêtement trop grand , béant sur les rencontres aux couleurs rouge sang, aux lèvres morfondues de l'inquiétude de ne pas te voir naître, t'approcher, traverser ce champ le matin, te pencher, te couler dans la glaise puis disparaître happé par la plume, la nuit.
     T'imaginer, te voir, te modeler dans l'infini des mots, perpétuer l'image que renvoient les virgules, additionner les points comme autant d'interrogations, d'exclamations muettes, de souffrances vécues par toi, tous ces agrégats qui me sont inconnus, que je côtoie à travers le langage, qui sont les compagnons des lignes, parenthèses ouvertes sur le portrait incertain que je dessine et te destine contre l'oubli, tout contre l'oubli de toi, du temps qui coagule les souvenirs et fais de la méconnaissance sa compagne servile.
     Ecrire pour ne pas te laisser disparaître comme le sillon qui a happé ta vie, comme la guerre qui a fait des tranchées ton cercueil de verre, comme l'oreille que je t'ai vu tendre à la fin de tes  jours pour collecter les mots, les intempéries de la vie qui s'enfuyait.
     Je ne sais pas où tu m'emmènes. On dirait que je te suis ou que je te précède, je te suis à la lettre, je t'invente, te fabule, te brode, je retombe dans ta réalité, dans ma réalité qui n'est déjà plus  tienne, un grand-père qui passe, un chemin, dans son chemin, un sillon, un trait fin sur la page, un grand-père de papier.

PROPOSITION VI.

     Ton visage n'est plus là où le questionnerait le monde. Il s'est assoupi du sommeil si familier à nos corps fourbus quand vient le temps d'éteindre les lumières.
     Un sourire interrogateur et perplexe flotte entre tes lèvres minces: "Tiens, il est déjà venu le temps de m'en aller, j'aurais tellement voulu..." et l'écho d'agiter les ailes de ton nez comme autant de questions innocentes et malignes.
     Qu'attendre de l'au-delà s'il ressemble à la couleur de cire dont on t'a enduit l'épiderme? Le souffle de ta pensée a du mal à en franchir la barrière. Tu transpires des gouttes d'opale et tu pleures.
     Mais tout de suite, des verbes sauvages glissent de tes paupières au sourire moqueur. C'est celui de l'adolescent qui vient de chaparder des pommes, c'est celui du marin qui agite sa main avant son long voyage, c'est le tien qui jette son oeil vif sur tout ce qui l'entoure.
     L'éternité l'étreint et le monde rougeoie dans tes prunelles espiègles.
     Ton visage n'est plus solitude il est l'attente de tous les tiens, il est la forêt de la foule sans nom que tu as croisée un jour quelque part, par hasard.
     Il erre d'une errance que je veux paisible à ton âme endormie.

     Pouvoir te dévisager sans en être inquiétée en temps illimité...

PROPOSTION V.

Le 4 octobre 1916.

     Ici, il fait un temps de chien, la pluie a remplacé le crachin; froide voire glacée elle s'insinue jusque dans les os sans parler de l' humidité persistante. Les rochers suintent l'eau par toutes leurs fissures, la mousse vomit un liquide verdâtre quand on appuie la main dessus pour trouver son habituelle légèreté. La terre est flasque, elle épouse nos corps si par malheur on s'affale dedans chargé de tout notre barda.Le gris rend sinistre tout ce qui nous entoure; la plaine, les chemins sont marron sale. Le ciel et les hommes cachent mal leurs larmes et ils retiennent des sanglots aussi bruyants, aussi longs que les tranchées dans lesquelles nous nous battons depuis bien trop longtemps alors que toi tu es là-bas, toute seule et que tu te débats pour aider tes vieux parents -attention quand je dis vieux, tu sais à quel point je les respecte-.
     Mais ici, tout a tellement un autre sens, on ne sait plus qui est jeune et qui est vieux; on a tous la même gueule cassée, les cheveux sales, le teint cireux et les mains meurtries par les exercices de tir alors que je t'imagine le teint pâle, tes longs cheveux tressés ramenés en chignon sur ta nuque que j'aimerais tant caresser, les yeux plissés parcequ'un peu soucieux et les mains sur tes hanches rondes que j'aimerais tant voir rouler sur la glaise même gelée.
     Je ne te décrirai pas par le menu la vie de tranchée, les gamelles qui résonnent à chacun de nos pas comme une cloche funèbre, le sifflement des obus comme autant d' anges de la mort, le cliquetis des fusils qu'on astique pendant nos rares temps libres. Je tairai les odeurs de sueur et de transpiration mêlées, de vêtements mouillés, de vieux chiens prêts au combat tandis qu'autour de moi s'agitent mes compagnons, les doigts gourds et les cerveaux qu'ils essaient tous de garder intacts pour les prochaines permissions.
     D'ailleurs j'attends la mienne de permission avec une joie tellement folle que j'arrive mal à la dissimuler aux autres pour ne pas leur faire trop de peine. Tu sais chacun fait ce qu'il peut pour rendre à l'autre un sens à sa vie mais pour presque tous la vie n'a tellement plus de sens. Heureusement que je t'ai! Tu es partout, le jour, la nuit, sur l'image de la carte postale que je joins à la lettre. L'image est défraîchie, mais la femme est tellement belle!
     Attends, j'entends le capitaine qui nous dit quelque chose: ma chérie, je dois te l'annoncer, toutes les les prochaines permissions sont annulées.
     Et ma lettre va rejoindre toutes les autres au fond de ma musette. Je n'oserais pas te l'envoyer! Quelqu'un la trouvera bien, un jour.

PROPOSITION IV.

      Il a cinquante ans. Il est le garde-champêtre du bourg qui l'a vu naître.Il porte beau son costume de préposé, pantalon sombre et veste cintrée.Il a trente ans. Il revient du front. C'est un grand bonhomme efflanqué, les yeux enfoncés dans une figure hâve. Il a quatre-vingts ans et même un peu plus. Il étale sa chemise sur la table de la cuisine, il veut la repasser à la main, comme là-bas. Il tremble. Ce soir ou peut-être demain, il sera mort. Il a vingt ans, le front haut. Il part travailler à Lyon dans une usine de pneus. Il s'appelle Pierre. Il l'appelle Helena. Il l'aime à la dure, il n'a pas appris autrement. Il a trente ans, un peu moins, vingt-cinq, un peu plus. Il écrit du fond de la tranchée sur une vieille carte postale. Le crayon à papier crisse sur le papier bouilli, il n'y a plus d'encre. Il écrit son univers à chaque fois qu'il peut et il entend siffler les obus. Il a soixante-dix ans. Il pousse la porte de l'étable.Il n'a plus de képi depuis bien longtemps, depuis trop longtemps, il trouve.Il na plus son tambour. Il s'assoit sur la pierre chaude d'un soleil tardif. Il lui reste ses bêtes. Bientôt, elles ne seront plus siennes.

     Elle a vingt-cinq ans. Elle n'est plus étudiante aux Beaux Arts à Amsterdam. Elle aime ses ciels argentés, elle n'aime pas cette lumière d'août qui la rend transparente. Elle marche à pas feutrés. La fatigue. Elle a quinze ans, des parents qui l'étouffent. A Ostende, elle regarde la mer, elle n'en peut plus d'attendre. Elle rêve des ailleurs, des marins sans bérets, des digues à enfourcher. Elle rêve de courir, courir sur des plages qui l'emmènent loin très loin de sa vie sans couleurs. Elle a dix-huit ans. Elle boucle sa valise. Elle prend le train, direction Amsterdam.Elle veut tout voir, tout dévorer, tout embrasser, Van Gogh, Rembrandt et les autres.
 Elle a vingt-cinq ans, elle ne veut plus de peintres, de faux-semblants, de trompe l'oeil, de couleurs transplantées. Elle élit la nature, la vraie, l'immense, la réelle pour toile de fond. Elle élit ses teintes changeantes sur sa palette ouverte aux quatre vents. Elle a vingt -cinq ans. Elle marche. Elle ruisselle. Les gouttes translucides s'amusent sur sa peau bronzée.

     Elle a vingt ans. Paris-Beaubourg, la Seine et Il. Elle tombe dans ses bras comme une enfant perdue. Elle aime Il. Trop. Il la presse de ne plus retourner à Amsterdam. Elle a vingt ans. Elle dit oui. Elle s'en va sur la route avec lui. La route des couleurs, des odeurs chaudes et sucrées, des amours folles à s'ébattre dans la lumière. Les illusions et les désillusions.
 Elle a vingt-cinq ans, elle marche depuis longtemps sur ce chemin des Causses. Son corps longiligne dans ce paysage horizontal avance elle ne sait plus vers où. Elle ruisselle. Il ne parle pas, ne sourit plus, ne lui prend plus la main pour sauter les ruisseaux. Il ne savait pas l'effort. Il ne savait pas les chemins de pierre, les nuits fraîches et les aubes mouillées. Il ne la devine plus sous les étoffes claires. Et elle marche jusqu'au toit de lauzes de la maison en contrebas. Les Causses brûlent sous ses pieds meurtris. Sur le pas de la porte, elle le voit, impassible et fier,à ses pieds le chien de berger noir et blanc, l'oeil aussi vif que celui de son maître. Elle a vingt-cinq ans. Elle demande de l'eau au berger. Un souffle de printemps anime sa prunelle. Et elle revoit Rembandt. Elle sourit.

mercredi 4 février 2015

Genèse, peut-être

Cela se voulait être un peu comme un journal de voyage relatant le séjour de deux semaines à Venise au printemps dernier. J'avais quelques notes prises au jour le jour , notes très factuelles, juste là pour fixer les souvenirs et m'aider à me repérer dans les nombreuses photos. Je me voyais bien dans l'écriture d'un texte serpentant dans une succession de tableaux , je me voyais bien suivre des personnes , avec un regard brouillé plus proche de celui posé sur le miroir de l'eau que sur la réalité. Je savais que le reflet devait se glisser derrière tout çà et que tout est toujours déformé. Je voulais l'errance aussi…. pour ne pas me perdre.
Peu de temps avant de faire ce séjour, j'ai assisté à la lecture par Jane Sautière d'un texte de Duras sur l'agonie d'une mouche extrait de Ecrire. Fascinée par ce regard décortiquant les dernières minutes de la vie d'une mouche ordinaire, cela m'a comme brûlée et depuis j'ai peut-être relu ce passage une dizaine de fois. La lente mort de cette mouche tournant presque à l'obsession, me faisant glisser dans un abîme où étrangement, je me sentais bien. Et comme souvent, ce texte a ricoché sur un autre, celui d'une femme encore, dont l'écriture me happe pareillement, Clarice Lispector qui, je m'en suis souvenue à cet instant de l'agonie de la mouche, a des cafards chevillés à l'écriture : instinctivement , ma main s'est dirigée vers l'étagère et s'est emparée de La passion selon G.H.,où d'une langue précise et parfois abrupte, elle explore, elle creuse l'âme humaine ; dans ce livre je me souvenais d'une sorte de dissection visuelle d'un cafard, de la matière blanche qui sortait de son corps… Et je suis revenue à Duras, j'ai visité une expo qui lui était consacrée, j'ai même acheté quelques photos la concernant dans un petit écrin de carton noir avec un ruban rouge « Marguerite Duras de Trouville » de Hélène Bramberger, je les ai regardées languissamment, puis je suis partie à Venise. 
 
Sur mon journal de bord - je ne sais trop quel nom lui donner - quelques indications de lieux face à des dates : calle Barbaria delle tolle, campiello Bruno Crovatto, piazzetta, cloître Sant' Appollonia, Sant'Elena, musée Guggenheim, un restaurant ou deux notés avec le détail du repas, des noms d'églises en chapelet, quelques silhouettes aperçues, les instants répétés et merveilleux passés au cloître de San Francesco della vigna tout près de l'appartement où je logeais, les concerts de qualité dans des églises, les lumières qui baignaient la ville, des chemins de croix, des kilomètres chaque jour ajoutés à des photos de reflets , quelques achats, une librairie vue puis jamais retrouvée ( avec un livre de Erri de Luca en italien qu'il me fallait absolument), les caresses du vent sur le vaporetto, les tableaux qu'on ne voudrait pas oublier et qu'on oublie , la fête de saint Marc et ses bannières agitées sous les mots de « San Marco libero » criés pendant plus d'une heure, un ou deux films en italien pour le plaisir, et la fatigue , beaucoup de fatigue….
Au retour, rangement des photos et des documents rapportés, manière de prolonger le plaisir, et puis se dire , c'est fini, voilà , c'est fait : je voulais vivre à Venise , c'est fait. 
 
Elle regarde le vide. C'est la seule chose qu'elle regarde.

Et puis, on sent que çà s'amenuise, s'effiloche un peu, on voudrait retenir, faire un barrage à l'évaporation, arrêter la procrastination, mettre les mains dans l'encre ou sur le clavier.

Elle a de l'herbe entre les doigts

Alors, on laisse monter ce qui doit advenir et des personnages s'imposent, pas forcément ceux croisés, la fiction s'insinue même si on la tient à bonne distance. Il y a surtout Liliana, cette femme écrivain qui a un peu envahi l'espace, comme si je pouvais lui redonner un peu de la vie au travers des mots qu'elle me susurre : elle s'est emparée du dehors que je tente de restituer, elle a ébranlé la cabane de souvenirs que j'essaie de consolider. Ensuite ce fut un peu comme si Venise avait tendu ses filets au-dessus de moi, me laissant d'abord de l'ampleur dans mes mouvements, me laissant même croire que je maîtrisais tout , puis resserrant peu à peu son emprise jusqu'à ce que je ne fasse plus que lire Venise, manger Venise, boire Venise, penser Venise, m'endormir Venise, rêver Venise , l'émietter jusqu'au plus rien. 
 
Il y a en vous quelque chose qui me fascine et qui me bouleverse dont je n'arrive pas à connaître la nature.

Cloîtrée dans la ville, cherchant par le geste même de l'écriture à capter l'instant muet qui n'existe plus, à retrouver cette lenteur de qui erre avec délice dans son labyrinthe, à savourer à nouveau ce temps qui n'a pas d'importance. De toutes mes fibres, je me sens prisonnière d'un fantasme de ville poursuivant une quête d'autant plus improbable. J'en appelle à l'écriture pour écarteler les mailles de ce filet qui m'attire vers elle, vers cette envie illusoire de vivre là-bas sans jamais revenir…

Quelquefois, j'entends ma voix

Comme si l'écriture pouvait se confondre avec une réalité, une manière d'inventer un aujourd'hui pour mieux appréhender le futur. Je me mets à fixer des instants qui se métamorphosent, j'écoute leurs voix,

J'écoute. Les chiens. Le craquement des murs. Jusqu'au vertige. Alors j'écris quelque chose.

leurs vents de mots, je devine un chemin qu'il est possible d'emprunter, je suis au bord de ce monde enchevêtré : je fixe les milliers de reflets qui scintillent sur l'eau des canaux qui irriguent la ville et je cherche tremblante des recoins de vies …

je suis toujours tremblant, dans une incertitude tremblante



Cela semble aller nulle part. Cela reste juste l' égarement dans un réel. Cela ne prend pas de risques. Cela s'enfonce dans un exil intérieur. Cela ne change rien.

Le ciel est un lac gris

Alors depuis des semaines, contempler tous les matins une photo de Venise à l'aube postée sur le net, monuments et quartiers diffèrent au fil des jours, et commencer ainsi sa journée : bâtir,

Détruire, dit-elle

par la lumière qui caresse la ville encore endormie, une fiction de ce qui pourrait être.

Quelqu'un regarde

Mais je reste encore 
  
dans des préambules sans fin 
 
avec l' envie de voir sous les apparences, de dénicher l'avenir dans les mailles d'un ailleurs et d'un passé qui s'écrit dans un présent d'irréalité, ne pas me soucier ce que les personnages parlent mais écrire ces bouts de phrases qui s'échangeraient si ces êtres de désir oubliaient leurs peurs ou leurs doutes, entrer dans la désarticulation jusqu'à la nausée. Sortir de l'inertie. Déséquilibrer la langue. Puis appeler 
 
de nouveau le silence sur sa vie.


(Les phrases en italique sont extraites du livre de Marguerite Duras "Détruire, dit-elle")



mardi 3 février 2015

Chercher à tâtons l'unité


J'aimerais aujourd'hui écrire sur la mémoire qui serait inscrite dans un lieu et non dans les circonvolutions d'un cerveau et plus particulièrement d'un lieu dans lequel je me suis rendue récemment et qui m'a rendu une partie de mon enfance par grands pans.

La première partie décrirait le lieu tel qu'il m'a été donné de le voir, ce jour-là de mes 68 ans, sans même, sur le coup, être pleinement consciente de ce qui se jouait, à savoir qu'il me projetait dans un autre lieu (très lointain, très ancien et définitivement perdu), ni que ces personnages-là, allaient ensuite arriver pour peupler ces lieux. Ils sont arrivés par inadvertance, comme si le lieu les sécrétaient, les recélaient, les révélaient et que nuls autres que ceux-là ne pouvaient le peupler. Ce lieu en a appelé un autre en superposition comme dans le livre de Patrick Chamoiseau « Empreinte à Crusoë » où Crusoë, après des mois entiers à chercher à qui pouvait bien appartenir cette empreinte qu'il avait découverte sur le sable, réalise que c'est la sienne et non celle d'un autre hostile. Et c'est seulement alors qu'il comprend à quel point cet Autre lui est vital. C'est un peu cela qui se passe quand je me mets à écrire, mais je ne le sais pas encore clairement. J'arrive dans ce lieu inconnu, en le décrivant plusieurs semaines après, je comprends que c'en est un autre que je décris. Un autre qui, en fait, est Moi : mon lieu, le lieu d'origine

Une seconde partie parlerait des ces gens, arrivés par grappes, qui gravitent autour du lieu, et cependant bien loins du lieu même et en sont néanmoins tous originaires. Tout vient comme une pelote qui se déroule si j'en saisis un bout, comment je m'en suis saisie et j'ai accepté d'en parler

Une 3° partie nécessiterait que je retourne dans ce lieu, visité dernièrement, afin de frotter mes souvenirs soudainement resurgis, à la réalité qui les a déclenchés, voir quels éléments (source, bâtiments, végétation, couleur du ciel, paysages … ou autres, atmosphère …) ont éveillé si fortement l'ensemble du tableau qui s'est mis à vivre. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait que N Quintane qui aurait droit à une bourse pour un séjour pour un projet d'écriture précis.

Enfin, une dernière partie, mais là ce n'est pas clair du tout, je dirais même que j'avance en pleine obscurité, bougie éteinte où je ne conserverais peut-être qu'un ou deux éléments du réel pour leur faire prendre leur élan. Ils me permettraient d'écrire sur les sensations que- le ou les sens qui chez moi ont été touchés- ont mises en branle pour qu'un tableau prenne tout à coup vie, sans préméditation, peut-être pour écrire sur mon lieu d'origine fantasmatique (ou de mieux comprendre comment il s'est créé), ou ce qu'est un tel lieu, ou de décrire le paradis, le lieu des rêves (où je vais fidèlement rêver), ou, … ... pour rallumer la bougie, il me faudra peut-être attendre les consignes suivantes.