mardi 22 décembre 2009

jeudi 17 décembre 2009

le beffroi de Bourdeaux

Cet après-midi, nous avons traversé une dizaine de villages des environs de Noirétable, à la recherche d'agences immobilières. Bien avant le panneau d'entrée des villages, se découpant en silhouette contre le ciel lourd de nuages, à chaque fois : le clocher de l'église. Souvent carré, massif et non pas fin et élancé comme dans d'autres régions. Ce n'était pour nous qu'un repère, nous savions que près de lui se presserait le centre avec sa place, ses boutiques et que, par conséquent nous y trouverions vraisemblablement l'unique agence immobilière. Le clocher comme panneau de signalisation dans un monde rural horizontal.

Un seul , pour moi, résonne différemment : le beffroi de Bourdeaux.
Le dictionnaire m'apprend :"beffroi : tour de guet dans une ville servant autrefois à sonner l'alarme pour rassembler les hommes d'armes de la commune. Origine germanique : Bergfrid. Je me fiche des hommes d'armes. J'entends "Friede" et je pense à "paix". Cette origine germanique met en branle tous mes neurones de proche en proche.
Il domine la viale, il est mon image-refuge. Yeux ouverts ou fermés, quand je suis un bateau en haute mer, quand tout tangue autour de moi, quand je prends l'eau, il est mon amer.
D'ailleurs, chaque nuit, dans cette chambre qui donne sur le beffroi, et où je ne ferme jamais les volets, j'ai si souvent ouvert les yeux sur sa tour noctiluque, qu'il est tatoué derrière mes paupières.
L'été, quand il se découpe sur le ciel criblé d'étoiles, j'ai peine à croire être dans le monde éveillé. L'hiver, quand je le devine derrière l'incessante danse des flocons de neige, je suis persuadée de tourner les pages d'un de mes livres d'enfant et d'être arrêtée sur cette page justement où je revenais sans cesse.
De jour, hors de la chambre, il est plus un repère qu'une émotion : où que l'on se trouve, où que l'on se perde, il suffit de le chercher pour se remettre dans ses pas et de dresser l'oreille pour savoir si cette journée encore a volé des heures à notre vie. Car c'est une spécificité de ce beffroi : il vole les heures. Je me lève, disons il est huit heures, à peine mes tasses de thé bues, je me retourne, il est dix heures et c'est ainsi jusqu'au soir. Est-ce pour cela que les villageois prétendant avoir soixante-dix-sept ans ont l'air si jeunes et qu'au dernier repas offert par la mairie aux plus de soixante-dix ans, ils étaient une centaine à table ?
Certains -de passage-(que le Dieu de Janine leur pardonne) se plaignent qu'il sonne. Oui, il sonne, les heures, en double ET les demies. Moi, ce qui m'affole, c'est quand il ne sonne pas. J'entends les trous. Le guetteur s'est tu et je pense à Cracovie et à ses cloches dans la nuit de Noël. Sans guetteur, on est foutu. Qui va surveiller le monde pendant qu'on dort ?

le jeu des métiers

Janine nous a mimé hier soir une famille -père, mère et leurs trois enfants- jouant au jeu des métiers à deviner. Il s'agit d'une sorte de rébus où les syllabes sont à découvrir uniquement par l'observation des gestes. Dommage, dommage pour tous les visiteurs qui ne pourront que nous lire que de n'avoir point pu vivre ce moment unique, où Janine agitait ses seins et où Dieu se morfondait d'observer combien vivante, pétillante et pétulante était sa brebis quelque peu égarée. Etait-ce la neige, le marc de Roland ou le diable qui montrait le bout de sa queue, en tout cas nous en avons vu de toutes les couleurs, des bouts, et le reste.
Malheureusement, je ne vous raconterai pas les gestes qui étaient le clou de la soirée, si délicatement mimés par une Janine debout :

Mes deux seins (médecin) bon, ça c'est gentil et Bobby l'avait chanté il y a fort longtemps

Bouts reliés (bourrelier) en nouant délicatement les bouts de ses seins qu'elle porte fièrement

Bout langé (boulanger) en mimant élégamment un homme enveloppant son sexe

Les 3 enfants ayant fort bien joué, la mère est à court d'idée, aucune n'accourt, elle se frappe le front, puis la table, encore et encore : Con table (comptable)

Le père a consciencieusement établi la liste de toutes ces trouvailles, encore plus ininspiré que son épouse, il s'en saisit et s'en torche : Au cul liste (occuliste)

Nos ateliers sont parfois beaucoup moins drôles, plus de "je" moins de fables. Alors Janine, bien sûr, c'est nul, tout nous le dit assez, tu restes irremplaçable.

Bonne année à toutes et à tous

hier soir

Ange, pourrais-tu remettre cent fois le nom des métiers de Jeanine (sur leur ouvrage ???) sur le blog
je crois que tu as mis z ou lieu de x dans le titre de john berger
ce message s'auto détruira par la suite
merci à tous pour cette belle soirée, même sans soupe MPB

mercredi 16 décembre 2009

Clochers

Je connais un clocher de l'intérieur. Celui de Saint-Didier-en-Velay. Nous étions deux ou trois garnements (qui pouvaient bien être les autres ?) à emprunter l'escalier à la rembarde trouée, à nous glisser entre deux barreaux trop lâches, et à monter sur le coup des moins cinq (de préférence celui de 4) pour aller nous faire sonner les cloches en direct et en privé. Nous nous tenions les mains, nous tremblions lorsque le mécanisme annonciateur se mettait en route,et nous redoutions et craignions autant que nous les attendions les 4 coups fatidiques, qui nous broyaient, les oreilles, le coeur et les jambes. Les oiseaux s'envolaient en ribambelle par les orifices au premier son, nous laissant pétrifiés sur nos poutrelles et après cet orgasme géant, nous reprenions nos esprits et l'usage de nos jambes, nous éloignant au plus vite du péché véniel d'avoir osé regarder le dessous des jupes des cloches. Une revanche pour toute l'arrogance des clochers des Béatrice.

Tiers lieu

Un jeud soir je fus à la cinémathèque de Saint-Etienne pour voir un film d'Alain Dumas, de 1996, intitulé Tiers Lieu. Ce film racontait l'un de ses innombrables retours au Pérou, sur un mode de journal de bord d'un voyage improvisé. Tiers lieu, car en faisant son film, il recréait un troisième espace, ni ici, ni là-bas, puiqu'il n'a jamais su choisir, puisque les images de Haute Loire succèdent à celles de l'Altiplano, et que les paysages se confondent au bénéfice des retrouvailles avec soi-même, et voilà que je m'y retrouvais aussi. Embarquée par ce demi frère  qui ne m'a jamais emmenée là-bas, comme projeté parfois. Lui et ses acolytes dérivent, de fièvre en révélations immenses, coïncidences inévitables lorsqu'on cotoîe cet Alain-là. Parmi les spectateurs, pourtant prévenus, certains étaient parfois déçus de ne pas reconnaître dans ce film les clichés habituels, la musique à flûtes, (OUF !) les grands sites, même Cuzco était ennuyeux, Arequipa hautaine et Nazca filmée au raz du sol, faisant de ses dessins seulement compréhensibles vus du ciel, de larges sillons de terre sèche survolés par l'incessant brouhaha vrombissant des petits avions à touristes. Mais à la fin il y eut Macchu Picchu et sa pierre. Celle qui fait prisonnière le soleil à son lever et signait la fin de la quête. Après la fin de la lumière, quelques mots-clés encore, Culpérou, et le nom de la pierre piégeuse, et celui d'une jeune fille, fraîchement adoptée. Maintenant je n'ai plus forcément besoin d'y retourner.

La légende de la géographie (1)

"Je nomme et l'obscur s'illumine. Les mots créent le territoire, le badigeonnent, le fixent, l'immobilisent, le fourrent dans une géographie. Il arrive qu'ils soient dépassés par les événements et que l'obscur demeure car toute terre, au fond, est innommable. Le plus vaillant des écrivains voyageurs, Nicolas Bouvier, enrage quand il rencontre un paysage si beau qu'il n'arrive pas à lui mettre des mots dessus. Un paysage qui déborde tout vocabulaire. Bouvier essaie et il essaie encore. Il rate. Une couleur, un pli de paysage le narguent. Le mots ne ramènent aucun gibier. Nicolas Bouvier est énervé. Il rage. Parfois, j'ai l'impression qu'au fond de sa colère, il y a comme de la jubilation : il a la conviction d'avoir atteint le bout des choses, non pas le bout de la route ou la dernière station de chemin de fer, [...]Ce que Bouvier a trouvé, c'est le vrai bout des choses, le point où règne la Terre, solitaire, dédaigneuse, intouchée, une Terre qui demeure inviolée. Une Terre qui précède et qui achève toute géographie. Une Terre au large de toute géographie, non par ce qu'il est difficile d'y atteindre mais parce que le langage défaille à son approche. Une Terre qu'aucun dictionnaire, et par conséquent aucune mappemonde ne peut désigner. Le Graal du géographe, de l'écrivain."

Paysage fer (2)

"Ailleurs, cette découpe sur une colline de dix arbres dans l'hiver, comme peints à l'encre de Chine et se détachant du ciel uniformément gris dans ce qu'on se souvient, et maintenant, à l'instant même, si on lève le regard à travers la fenêtre du train c'est soudain des échancrures violentes dans les nuages et des accumulations presque noires sur l'horizon qu'ici on domine, sur seulement l'étendue moutonnée de champs immensément labourés et personne.
Ne pas relire, accumuler seulement ces notations d'instants, puisque le même train, de jeudi à jeudi, en permettra la répétition, que ne changeront, mais lentement, que le cycle perceptible des saisons et la lumière.
[...] Décider cette fois en amont du voyage ce qu'il y aura à regarder et s'y tenir. Avoir préparé sur la carte Michelin 241 vendue 30F gare de l'Est les marques au stylo de ce qui s'ordonne sur le mince et serpentant liseré noir de la ligne de chemin de fer, et savoir gérer l'attente, la posture, savoir comment l'image va se mettre en place et ce qu'il faudra alors y saisir, même si ici on en rend compte dans un ordre qui n'est pas celui des marques sur la carte, mais celui de la reprise des notes sur le bloc jaune à papier quadrillé qui a servi, sur les genoux, aux mots repères, voire à quelques croquis de disposition de masses. S'être d'ailleurs répété plusieurs fois dans la semaine, non pas à voix haute mais quand seul on pense au texte qui s'élabore, alors même qu'on n'y travaille pas, puisqu'on n'est pas dans le train : ce qui compte,  c'est la disposition de masses. Ou bien : ce qui impressionne, dans l'encadrement de la vitre du compartiment, c'est la disposition de masses."

Paysage fer (1)

"C'est à notre sol silencieux et naïvement immobile que nous rendons ses ruptures, son instabilité, ses failles ; et c'est lui à nouveau qui s'inquiète sous nos pas."
Michel Foucault

jeudi 10 décembre 2009

mon beffroi



En attendant un texte qui, probablement ne verra le jour que pendant les vacances de Noël, je vous le repropose "mon" beffroi bourdelois. C'est la vue que j'ai de mon lit, avouez que le paysage est de rêve... Vous avez droit à la version de nuit, sous la pluie, il ne manquera plus que la version "neige"

mercredi 9 décembre 2009

rétrospectif : de la part de grandpierre

J'ai un peu tardé donc ça n'a plus rien à voir au niveau du "ce soir" mais c'était pour le mettre un peu "dans le coup"
notre prochain "ce soir", c'est mercredi prochain chez Ange-G.miammiam

Désolé, je ne serais pas à l'atelier ce soir, je suis en Lozère et y reste. Faites moi passer la consigne et les dates du trimestre à venir. Je m'attellerai à l'écriture tout seul comme un grand à l'occasion. Je ne désespère ni de faire court ... ni de rejoindre le site, et pense pouvoir être là pour le banquet de fin d'année. Bonne soirée. @ + su le web ! Jean-Pierre


Bacchanales

Vernissage / Performance

7 poètes et slameurs des Bacchanales
La revue Bacchanales de la Maison de la poésie Rhône-Alpes a publié depuis 1992 près d’un millier d’auteurs.
Pour cette soirée de vernissage, 7 jeunes poètes ou créateurs aguerris de la Loire, de l’Isère, du Rhône et de la Drôme diront, rythmeront leurs textes et nous feront partager leur plaisir de la langue, leurs empreintes dans la vie et la société : Lionel Bourg, Jean-Louis Jacquier Roux, Katia Bouchoueva, Bastien Maupomé, Fabienne Swiatly, Jean-Yves Loude, Caroline Sagot-Duvauroux, Gérard Gâcon et Tomato.

Vendredi 11 décembre
19h
Médiathèque de Tarentaize (Salle Publique)

lundi 7 décembre 2009

Minaret des Balkans ou à peu près


Morceau de photo de Nuri Bilge Ceylan

une échelle pour décrocher la lune

bidonvilles

arbres sans tête



chapeaux-clochers

dong, dong, dong,

les clochers sont des chapeaux,

des zébulons pointus,

ding, dong,

«turlututu chapeaux pointus»,

les clochers portent des couvres-têtes,

en forme de parapluies entrouverts,

prêts à se déployer,

à s’envoler ?

dong, ding, ding,

les clochers sont coiffés de bonnets élancés,

comment souvent chez les fées,

ding,

des tortillons enroulés,

qui voudraient bien décoller,

et flotter,

planer,

vers les petits nuages qu’ils regardent passer,

ding, dingue, dong

Clochers

ils n'évoquent plus rien
ou des souvenirs usés
mais leur hérissement
dans une ville
l'entaille dans le ciel
ainsi consumée
traversent mon regard
qui balaie l'espace plein
et malgré des fragments d'absence
délivrent une sève
qui se dissipe
dans les ombres

je vois j'entends
je reste au seuil

vendredi 4 décembre 2009

à peignes, à Dallas, à Jeanine


qui réveille toutes les 1/2 heures : à Ange-Gabrielle


à balconnet


à bulbes


heure d'été, heurs divers


ars en ré, amer kréma


jeudi 3 décembre 2009

Atelier en action


Une photo qui en ravira certaine, et moins une autre,..., allez, si, ils sont doux tous les 2, non ? En tous cas, j'ai demandé à Bounette si elle abandonnait son droit à l'image : nous avons négocié moyennant quelques croquettes. Pour  Michelangelo, j'ai une autre marque, au poisson, j'espère que ça ira aussi.

clocher, à peigne, Cayres (43)


clocher, à peigne, Solignac sur Loire (43)


Clochers



Après avoir erré sur les chemins, couru dans les prés , arpenté les collines,  folatré dans les clairières, tutoyé les sommets, s'être rafraîchi sous une cascade, reposé sur une plage, et laissé enveloppé de nuit, la nouvelle consigne concoctée par Linette et MPB nous élève vers les clochers.

Qu'il soit à bulbe, à dôme, à peigne ou octogonal; qu'il soit surmonté d'un coq ou d'une girouette aux quatre vents voire plus si affinité; qu'il soit appelé campanile ou qu'il serve de beffroi, le clocher élément architectural de l'église est indissociable de nos paysages ruraux ou urbains. Qu'il abrite encore des cloches sonnantes et trébuchantes ou qu'il se soit presque tu "enfin tu" aux dires de certains, il appelle les uns au rassemblement, aux sacrements, il rappelle à l'heure les retardataires et pour les autres il est un repère dans le paysage: sur le littoral, il est un amer pour la navigation.
Qu'il prenne par usurpation le nom de clocheton, on le voit de loin comme le minaret sur sa mosquée (lui-même plus discret souvent!) n'en déplaise aux Suisses et autres suivants étriqués; on s'approche de lui, on cherche à savoir à quelle époque remonte sa construction, on évoque son style, on parle de ses bâtisseurs et puis on lui donne un nom, une apparence dans la brume ou sous le soleil; il nous parle de nous, peut-être de notre avant s'il nous a bien connus ou il nous invente une vie...
Qu'il soit unique dans le paysage ou que du haut de la Tour Montparnasse vous dominiez tout un champ de clochers, et même de minarets, parlez d'eux, de ce qu'ils sont pour vous, esthétiquement, poétiquement, dans le domaine de la pensée; inventez leur une histoire, partagez vos émotions ou simplement vos impressions.





Extrait de "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust illustré par Stéphane Heuet (Delcourt)





mardi 1 décembre 2009

Altiplanant

En ex-elle, entre moi et moi, entre lui et lui et lui, avec des bouts d'avant et des restes de futur incertain, des portions de paysages qui font écho, à tel bout de Vietnam où je ne suis jamais allée, à tel mardi de décembre, Altiplano, éternité de ces atmosphères pelées, rares en air, mais pures en rareté, seule au monde mais intégrée comme un grain de terre, ici chaque instant était ainsi, chaque geste avait un sens, on se regardait vivre, non, intensité magistrale.
Il n'y a pas une minute à perdre.La réalité n'a rien à voir, rien à branler. Elle branle toute seule, et des atomes, je ne fais pas ce que je veux.

lundi 30 novembre 2009

crépuscule (1)

Les champs du crépuscule veinés de blancs.
Puis ce sont des maisons, blanches aussi, surprenantes à cette latitude, tolédanes en plein Chalonnais. A droite le ciel se distingue, jouant le jour contre la nuit tandis que le dernier rose s'abandonne à l'horizon. Je vis, parfois, pour rien. Du temps donné à l'ennui, toi tu dis à la mort. Oui. Rien ne se pose, beaucoup se consume dans l'instant. Des moments épais, lourds, on serait mieux seul, à faire ou à ne rien faire. On cherche le déclic, alors qu'il est là tout le temps, alors qu'on pourrait chercher autre chose, consacrer sa vie à une grande cause.
Mais là, il est question de traverser des espaces au crépuscule, et à grande vitesse. Car pour cela le train est parfait. Je n'ai jamais aimé stagner au crépuscule. Je me souviens de ma chambre fushia, à Londres, je levais le nez de ma table, vers la fenêtre à guillotine, et si je m'étais laissée surprendre par le noir, j'étais transie dans la gueule du loup.
Je trouve mon reflet très laid dans la fenêtre, alors je détourne la tête, de peur de l'être vraiment.
L'étiquetage des bagages est obligatoire, bien sûr on peut mettre de vraies étiquettes avec de faux noms et de fausses adresses sur des vraies valises pleines de bombes.
Nous arrivons à Châlon, le coucher de soleil brûle de ses derniers rouges. Et moi ? Où arriverai-je ? Ma maison est à l'intérieur de moi.

samedi 28 novembre 2009

La nuit du père

Cet été, j'ai écrit un texte d'une soixantaine de pages sur un petit Paul (3ans) : il s'est égaré seul durant 2 jours et une nuit. Voici un extrait : son père, la nuit.

...« Le père,s'éloignant du gîte se dirige dans le chemin
à découvert et lève la tête vers le ciel. Lui, plutôt enclin à tourner en dérision toute superstition, se surprend à chercher des réponses à ses peurs dans le ciel étoilé. Il se convainc que Véga, là si lumineuse au-dessus de lui, veille sur Paul. Paul, ne peut pas -ne pas la voir- et se consoler auprès de sa brillance. Hier soir, tous les deux, Paul juché sur ses épaules, étaient allés observer le ciel, ici si noir et tellement criblé d'étoiles, alors qu'à Paris le ciel semblait vide. Il lui avait montré Véga, fichée au-dessus de leurs têtes, « au centre du ciel ».Le triangle de l'été qu'elle formait avec Deneb et Altaïr, dans son équilibre parfait, lui semblait être le garant qu'aucun malheur aussi grand que perdre un fils, n'était possible dans un monde aussi parfait.Le ciel étoilé ne l'apaisait pas, il y cherchait des signes, et chaque étoile lui apportait l'exacte réponse à sa peur.Une de ses constellations préférées était celle du Dauphin, fine, aux scintillations tremblantes, à l'est d'Altaïr. Ce soir, toutes étaient visibles : Cassiopée, le Dragon, Hercule, la Couronne Boréale et son diadème l'étoile Margarita, si brillante,le Scorpion d'un côté de l'immense Serpent et le Sagittaire de l'autre.Au Nord-Est se levait lentement Jupiter et l'on commençait à apercevoir sur le haut de la montagne tout à l'est le lever des premières étoiles de Pégase et la galaxie d'Andromède. A chaque constellation il posait une question et selon la brillance, le clignotement de ses étoiles, il savait la réponse. Il obéïssait totalement aux étoiles, tout son destin en dépendait.
Maintenant que ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité, il pouvait voir des pluies d'étoiles filantes partant des Perséïdes traverser le ciel du Sud au Nord.Le ciel crépitait. Des souvenirs d'adolescence remontaient : quand, pour la première fois lors de vacances d'été, les copains et lui s'étaient rendus dans ce pré hors du village en compagnie du pasteur passionné d'astronomie. Ses mots et les histoires qu'il leur avait contées pour leur insuffler sa passion pour ce ciel d'été percé d'étoiles et si énigmatique pour qui n'a aucun repère. Ce pasteur était intarissable et communiquait son savoir et sa passion avec sagesse, sans superstition ni didactisme.
Ce grand bol d'air frais et de brasillement d'étoiles l'avait un peu calmé. »...

crépuscule



le silence d'un souffle
soudain
quand le jour se dérobe

les barques d'ombres
accostent
plurielles et singulières

et la crue de la nuit
ruisselle
en rêveries de craie

l'immensité sombre
s'insinue
comme une haleine

et c'est un ciel de suie
sur le sol
qui suinte

des buissons de silence
glissent
dans le cercle de nuit

un goût de crépuscule
salive
sur mes lèvres

jeudi 26 novembre 2009

Nous marchions


Nous marchions dans la forêt, là-haut, dans la parenthèse, accrochant plus fort nos mains à chaque craquement de brindille.
Nous marchions sur la route longeant l'Urubamba et le joueur de flûte n'avait pas de bonnet péruvien mais des dreadlocks avant la mode
Nous marchions dans la campagne encore endormie fiévreux d'une nuit blanche et tout était blanc, même nous, qui en une nuit avions vieilli de mille ans d'un coup.
A chaque fois je - nous marchions vers notre destin quotidien.
Quelques lumières de civilisation nous raccrochaient au monde dont nous nous étions extraits, mais si loin, nous liant par un fil incassable à ce décor qu'il nous faudrait réintégrer le jour venu, remettre nos masques diurnes témoignant alors du chemin nuitamment parcouru. Indélébiles traces de ce chemin voulu, sous les étoiles, à mille miles de toute raison raisonnable. Seul importait ce temps de la nuit, la présence furtive des bêtes qui continuaient leur vie sans trop se préoccuper de nous, mais si quand même, et la nature bruissante, à l'affût, qui ne nous traitait en intrus que dans la mesure où nous omettions ses codes les transformant alors en embûches. Je me disais alors qu'il est bon de ne pas tout voir, de ne pas tout savoir. Je me disais qu'être attentive à mes pieds, à la musique de la flûte, au dessin des constellations, aux infinis mystères, aux cris des animaux, au chuchotement des brises, tout cela suffisait amplement.
Et les étoiles de briller davantage, à la proportion du nombre de regards tournés vers elles.

de la part de la petite souris (message provisoire)

Bonsoir,

lorsque vous choisissez un libellé, merci de ne pas faire de doublon, ainsi pour le libellé : Atelier D'après.... il faut choisir celui qui a les guillemets fermés. d'accord ?

chemin (2)

chemin, chemine,
cheminer à côté de mon grand-père,
promenage, marcher côte à côte,
ma main dans la sienne ou pas, à petits pas,
nos chemins, de petites routes frangées en vert sur les côtés,
(à vélo aujourd'hui, je les regarde encore ces bas-côtés,
à la recherche des mottes de gazon rebelles qui mordent le goudron,
contente si les herbes reprennent le dessus sur l'asphalte gris, contente)
lorsque nous cheminions mon grand-père et moi,
silencieusement parfois, ou en compagnie des mots,
de mes questions comme : "qu'est-ce qui se passera quand tu sera mort pépé ?",
en cheminant, nous recherchions des branches, de beaux morceaux de bois, à la bonne taille...
ce seront nos bâtons de promenade, chacun le sien, des cannes idéales ;
et le soir venu, nous les cachions dans les hautes herbes qui bordaient notre chemin,
certains de les retrouver le lendemain.

lundi 23 novembre 2009

sans voir

nuit,
ville la nuit,
dans les villes de nuit,
marcher,
déambuler,
quand le ciel passe au noir,
parcourir la ville,
courir les rues,
quand tout s’assombrit,
s’assoupit,
se calme ;

une nuit,
jouer aux «yeux bandés» dans la ville,
accrochée à un bras qui me guide,
m’entraîne,
en essayant de me perdre,
et moi,
mettre mes sens aux aguets,
une odeur de foin ?
la rue du poisson ?
des pavés ?
mes pieds remarquent les reliefs du trottoir,
l’inclinaison des rues,
la pente ;
percevoir d’autres sons,
grésillements d’éclairages publiques,
invisibles ;
surtout ne pas me perdre,
garder mes repères,
allumer mon «système de positionnement global»
sens de l’orientation sur chemin urbain,
visualiser mentalement le fil du parcours ;
du noir devant les yeux,
je sens mieux la nuit,
la ville,
ma ville ;

bientôt, on me fait toucher une chose,
et puis,
j’entends la question attendue,
«où sommes-nous ?»

samedi 21 novembre 2009

NOCTURNE

Entre chiens et loups
les arbres gémissent.
Languides
leurs branches se drapent
de tristesse ouatée.
Le vent chuinte.
C'est le moment où pleurent
les morts
les sentinelles de la nuit.
Pourtant
d'on ne sait où
jaillissent des odeurs colorées.
Carnation de crépuscule
sur lit de mousse noctambule
exhalaison fragile et tendre
d'un ruisseau murmurant.
C'est le moment
vaste et charnel
où dans un ciel de bleu
et de violine ourlé
la lune vague tangue
sur les franges de la voie lactée.
Le temps avance.
Un long frisson
tourmente la campagne.
Les chiens se taisent.

Les loups hurlent maintenant.
Leur ombre fantomatique
en errance
au bord de mes nuits monochromes.

Nocturnes

D'après Pierre Gilloire « Nocturnes »
Plein été à la campagne. Le repas pris au jardin s'est étiré et la nuit est maintenant bien installée. Têtes renversées, certains repèrent étoiles et constellations dont ils nous font partager leurs connaissances. D'autres hument, chacun parle bas, le silence s'infiltre, le temps se distend et se dissout dans l'obscurité. Quelqu'un suggère : « Et si nous allions marcher dans cette nuit étoilée ... ». Rapidement, nous sommes tous d'accord, mais ce sera sans lampe, laissant nos yeux s'accoutumer à la pénombre.
Pendant les premières minutes, des discussions à voix basses se poursuivent ; peu à peu le silence s'installe. Nous longeons la rivière, l'odeur verte et fraîche de l'eau nous fait presque frissonner, le courant sur les cailloux nous indique à l'avance que, là-bas, le chemin fait un coude. Des effluves de lavande et romarin annoncent que nous approchons d'une maison ; subitement,à hauteur de narines un parfum de chèvrefeuille vient à notre rencontre bien avant que nous atteignions la haie.
De la terre remontent toutes les odeurs surchauffées pendant le jour, moins suffocantes mais plus nombreuses. Mes yeux n'essaient plus de percer, j'avance guidée par l'odorat, et suis peu à peu capable de détecter les distances auxquelles se trouvent les différentes odeurs, leurs reliefs, leurs intensités, leurs puissances, leurs saveurs, leurs nuances. Toute une gamme prend corps... Là, il y eut un feu, là-bas plus loin, nous allons vers de la mousse et par ce fourré un animal est passé.
Les perspectives ne se dessinent plus en lignes de fuite mais en strates et couches, en nappes et volutes. Parfois, la surprise d'un couïnement furtif me rend à ma perspective habituelle. L'absence de lumière, bien vite, avale à nouveau tous contours et j'avance guidée par des effluves sucrées, chaudes, sèches ou miellées dans un monde dilaté. Mon pied écrase une herbe anisée dont j'ai la certitude que le bouquet a réveillé le flair aiguisé de ce chien qui aboie au loin par intermittence.
Mes narines, totalement dilatées, sont devenues ma principale boussole ; les rares sons -étouffés-, le visible -toujours découvert à la dernière minute-, sont relégués en informations subsidiaires. Je flotte dans un univers sans angles dont j'ai une intime connaissance bien avant d'avoir atteint chaque lieu défini.

Les odeurs débordent des contours comme la couleur d'un mauvais coloriage.
La musique aussi déborde. Le lait déborde. Le fleuve déborde. Ma vie déborde.

Nuit saturée.
Nuit surabondante.

jeudi 19 novembre 2009

Nuit

Le paysage nocturne est un théâtre d'images. Ses couleurs sont ombrées, ses formes incertaines. Ce qu'il donne à voir entrouve les portes de l'imaginaire. Il inspire les voyants et les passeurs. La musique, tout particulièrement, a des affinités avec les arcanes du monde de la nuit".


J'aime voir décliner le jour, s'étirer le crépuscule jusqu'au moment où s'installe, à la brune, non pas la nuit noire, mais la nuit bienveillante qui métamorphose le paysage sans totalement l'effacer. 
Pierre Gilloire


Consigne d'Ange Gabrielle: Vos balades la nuit dans les lumières des villes quand tous dorment ou vos marches en pleine nature vous guidant à votre connaissance du terrain, à votre odorat, aux bruits ou à la lueur de la lune.

dimanche 15 novembre 2009

1 dimanche, rivage

1 dimanche, rivage ; souffle une bise glacée, le lac entre les montagnes, tangue, tout bouge, bruit du ressac, vent dans les branches, gris roulis liquide ; automne ; serais-je au bord de la mer ? gerbes d'eau, froides, flaques sur le ponton de bois panoramique, bâtons plantés en lignes, verticales contre le grève, brise-lames pour petites tempêtes ? assise sur la plage après choix d'un gros cailloux plat, je me laisse prendre par la houle, champ de bosses ; mouvement ; hypnotiser par les surfeurs à voile, ils se jouent des vagues, accrochés aux cerfs-volants géants, des virgules ; couleur ; au moment où je m'éloigne de ma mère, encore un peu, je m'imagine vivre au bord de l'eau, venir voir la mer tous les jours ; l'idée me plaît, m'apaise, et puis, je regarde le sol, le sable mouillé entre mes pieds, il y a des coquillages, minuscules ; surprise.

mercredi 11 novembre 2009

Colline

Quatre maisons fleuries d'orchis jusque sous les tuiles émergent de blés drus et hauts.
C'est entre les collines, là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras.
Le sainfoin fleuri saigne dessous les oliviers. Les avettes dansent autour des bouleaux gluants de sève douce.
Le surplus d'une fontaine chante en deux sources. Elles tombent du roc et le vent les éparpille. Elles pantèlent sous l'herbe, puis s'unissent et coulent ensemble sur un lit de jonc.
Le vent bourdonne dans les platanes.
Ce sont les Bastides Blanches.
Un débris de hameau, à mi-chemin entre la plaine où ronfle la vie tumultueuse des batteuses à vapeur et le grand désert lavandier, le pays du vent, à l'ombre froide des monts de Lure.
La terre du vent.

Jean Giono "Colline"

lundi 9 novembre 2009

Ka ï dan

Spectacle vendredi 13 et samedi 14 à 20h30
KaIdan - Billetterie 04 77 80 30 59 - à la Salle Louis Daquin -Centre Culturel de la Ricamarie

vendredi 6 novembre 2009

plage



l'oeil se fait bleu avec
l'ombre qui creuse
les traces serrent ces riens
qui ont été
on s'enfonce 
dans ce qui ne cesse


                   on est déja passé là
                   et c'était autre
                   on revient toujours
                   il y a les mouettes
                   il y a ce qui frémit
                   il y a ces mots qui passent


sur le sable 
on se sent 
un peu flou

mardi 3 novembre 2009

Julien Letrouvé colporteur



Le pré, avec un unique arbre à mi-pente sous lequel l'herbe broutée, foulée par les troupeaux qu 'on y laissait sans garde, formait un cercle jauni autour du tronc, était clos de haies noires, presque sauvages, striées à travers la distance par la pluie qui reprenait. A sa partie la plus haute, un échalier en permettait l'accès, il cédait à la moindre poussée dans le geignement des gonds pris par la rouille. Une souche fendue sous un coudrier pouvait en servir de banc à des enfants inoccupés qu'on envoyait parfois surveiller les jeunes vâches folâtres. D'une ramée en berceau sous quoi le soldat avait trouvé refuge, de grosses gouttes froides se détachaient à intervalles réguliers, comme de la voûte d'une caverne. Immobile, les yeux écarquillés sur rien qui lui fût visible, il dormait peut-être, à la façon d'un grand oiseau de nuit en équilibre sur sa branche, qu'un claquement de mains n'eût pas fait s'envoler, ni même dresser un instant la tête pout lâcher un cri éraillé.

Pierre Silvain "Julien Letrouvé colporteur" ( Verdier 2007)

En hommage à Pierre Silvain récemment disparu.
Voir aussi le site de Poézibao et Jardin d'ombres

dimanche 1 novembre 2009

Clairière


l'enclos
de la clairière
des sillons de lumière
lacunes de silence

des elfes au pied des pins ?
mais qu'ils dansent
qu'ils dansent!

l'éclaircie
l'espace
qui se creuse
les mots
en écho

vendredi 30 octobre 2009

Cascade


on attend d'elle
qu'elle exhume
les mots
qu'elle chante
l'autre côté de la nuit
qu'elle dise
ce quelque chose
du silence
qui sous les plis de l'eau
pleure

jeudi 29 octobre 2009

Côtes rocheuses : la côte basque


Quand on quitte Biarritz, bien vite on atteint Bidart et la côte basque.
Un sentier pédestre de vingt-cinq kilomètres permet de relier Bidart à Hendaye en passant par Saint-Jean de Luz, La corniche, Abbadia. On y longe des arbres prostrés, tourmentés par le vent, la mer souvent grosse, des huppes, buses, pies, corbeaux, milans et une flore non moins riche. Ici, depuis des siècles la côte recule sous l'assaut de la mer. Les rochers se creusent, le recul des falaises de la corniche est encore accentué par les innombrables infiltrations d'eau entre les strates de roches.
Quand le vent se lève sous la brume le matin, les vagues se gonflent -pour le plaisir des surfeurs-, et plus le jour avance, plus les bourrasques se font violentes ; les marées atteignent parfois des coefficients énormes. Sous le ciel gris, une mer violette et verte déchaîne les crêtes blanches de ses vagues ronflantes.Tout là-haut, dans les falaises, spatules blanches, barges à queues noires et barges rousses, mouettes, goëlands, bécasseaux, courlis, chevaliers aboyeurs nichent et fientent dans les corniches. Mais cette côte sait aussi se faire hospitalière : elle fut un haut-lieu de la pêche à la baleine au 17° siècle et aujourd'hui encore on y récolte l'algue rouge (agar-agar), à l'aide d'étranges portiques en bois que l'on peut croiser sur la plage.

mercredi 28 octobre 2009

Conte de la clairière


Es war einmal... A la tombée du soir, Opa nous prend tous les trois par la main : il-va-nourrir-les-biches.
Dans la forêt, il fait sombre, ta langue aussi est sombre. Nous, les petits ne comprenons pas vraiment ce que tu nous dis. Est-ce une incantation ?
Bientôt le chemin s'élargit, un cercle d'herbe tendre clouté de champignons rouges et de pommes de pin surgit de l'obscurité. Des écureuils fuient.
Nous nous approchons d'une construction de bois. Du sac que tu portes sur ton dos, tu extrais du foin dont tu remplis la mangeoire.
Tu poses ton doigt sur la bouche et nous repartons sur la pointe des pieds.

mardi 27 octobre 2009

Pré


Couchée dans l'herbe sur le dos, elle est maintenant devenue si minuscule que personne ne peut la voir. Les gigantesques graminées oscillent dans l'immensité bleue et les stridulations des grillons font vibrer le sol. De drôles de formes blanches s'effilochent dans le ciel et recomposent sans cesse d'étranges figures qui vont encore se déformant. La petite fille n'entend plus le bruit du monde, l'incroyable roulis de la terre l'a embarquée sur ses vagues.

lundi 26 octobre 2009

Pré




"Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte" (Arthur Rimbaud)

Il y a la terre, l'herbe berçante, les épis de plantain, quelques roses des prés à la fin de l'été mêlés aux colchiques qui signent le retour à la ville.
Il y a cet espace immense qui s'énonce en terme d'hectares dans la langue de là-haut et que je nomme Verdier.
Il y a, disséminés, de petits pommiers dressés comme les sentinelles d'un passé qui n'en finit pas de suinter.
Il y a une sente au bas du talus foulée par des centaines de pattes et de pieds, creusée par des pensées pas toujours apaisées.
Il y a ces bardanes le long du muret de pierres éboulées où des bouts de ficelles de souvenirs s'accrochent avec l'insistance des importuns.
Il y a cette pente douce ou plus forte selon les âges...
Il y a ce trou d'eau, caché dans un repli de terrain cerné d'un fil de fer barbelé pour nous interdire à nous les enfants d'approcher ou plus certainement de dissuader les bêtes de s'envaser.
Il y a l'ombre des pommiers où paresser un peu, loin des regards, une pomme acide dans une main et un livre dans l'autre.
Il y a les jeux de ballons, les courses, les roulades, les discussions, tous ces souvenirs qui ont poussé drus là dans ce pré.
Il y a ce point de vue sur le village, lieu "décalé" qui permet de suivre sans être vu les déplacements de chacun, fixer les habitudes entre les courses faites par la Ménie, les tangages d'ivrogne du Trantoût, les gesticulations et vociférations du Colibri après ses chiens, ou la silhouette sombre de Jean Lafine qui précipite le retour.
Il y a à la cime, de gros rochers de granite qui ourlent le contour de l'étoffe verte et d'où, le regard posé sur les lointains, se comptent les hameaux naufragés qui s'éclairent le soir et dont les noms se murmurent: Saint-André de Chalencon, Vérines, Saint-Julien d'Ance, Laprat, L'air, Chaumont...Un chapelet de mots.

C'est sans doute là qu'est né ce regard que je pose sur les plis, les parenthèses, les espaces, les ciels qui se consument devant moi. Et sur les bleus du temps.

dimanche 25 octobre 2009

Mon chemin



Il était rose et bleu le matin, orange sur le coup des midis et virait au violet vers le soir. Il dégringolait la campagne, traversait la forêt et sentait bon la mousse et la résine qui pleurait le long des troncs racornis des vieux arbres. Il serpentait comme un chien fou, sans respect pour le plan cadastral mais existant juste sous les pas des gamins qui l'empruntaient pour aller à l'école ou sous les semelles lourdes des paysans pour aller à la ville.
Mes petits pieds d'alors avaient juste leur place dans la rigole tapissée de poussière et d'épines et j'aimais les laisser traîner, abîmer mes souliers pour laisser une trace de mon passage et chaque matin je me voyais Petit Poucet le soir à la recherche des indices déjà disparus. Quelques fois, au milieu du sentier, des rochers poussaient à fleur de terre et les grandes couleuvres venaient s'y réchauffer et faire peur à mes dix ans à peine. Elles ont habité mes cauchemars pendant longtemps et aujourd'hui encore je tressaille en pensant à leur long corps lustré me barrant le chemin, à leur langue fourchue et insolente qu'elles dardaient sans aucune pudeur.
Je l'ai aimé comme un père ce chemin! Et lui, je le revois, les dimanches matins, grimpant difficilement la côte raide mais s'extasiant pourtant sur ses quatre gamins qui couraient dans tous les sens, s'amusaient à attraper les papillons, riaient d'un hanneton qui s'enfuyait à tire d'élytres. Savait-il seulement qu'il allait mourir bientôt, qu'il ne les verrait pas grandir ses petits, qu'un grand vide se creuserait là où ses semelles se posaient ?
Ce sentier, il a guidé mes pas à toutes les saisons. Je revois mes pieds de petite fille, sautillant dans des sandales en plastique. De fines particules de terre venaient se coller sur ma peau d'enfant et avec mes doigts, j'aimais y dessiner des paysages improbables. Accroupie, je traçais sur le sol des ronds, des carrés, des grands, des petits; d'une main, je creusais à vif dans les empreintes laissées par mes sandales tandis que de l'autre, on me tirait pour aller à l'école.
C'est en hiver qu'il me faisait peur. La neige était si haute que je devais mettre mes pieds dans les pieds des plus grands. Leurs pas étaient très longs, les miens étaient petits, les chutes étaient fréquentes. Mais la neige complice s'amusait alors à me chatouiller. Ses grains blancs et soyeux me titillaient le visage pour me faire oublier les rafales cinglantes qui me fouettaient le corps, les jours de grands vents. La nuit tombait vite et, quand je l'empruntais le soir, j' avais une peur bleue de l'ombre des grands arbres qui se tordaient complaisamment. Je les entendais rire des mauvais tours qu'ils me jouaient.
Douces terreurs de l'enfance qui se nourrissent du jour et de la nuit, des saisons et des heures.
ItaliqueEt c'est après avoir dévalé la pente, que tous les printemps, il m'offrait ses grandes aubépines. Petite, j'étais fascinée par leur couleur immaculée aux nuances de moire. Mon cartable à la main, j'avançais, protégée par leurs épines, autant d'épées prêtes à massacrer le quidam qui aurait voulu m'agresser. J'attendais avec impatience le jour où je serais ensevelie sous leurs pétales blancs qui tombaient à la moindre chiquenaude. Tombe légère, temporaire et fragile qui rassurait déjà ma peur du grand après. Adolescente, je m'enivrais de leur senteur, tranparente, sensuelle et que je voulais éternelle.
Quand je pense à elles, une mélancolie soyeuse m'envahit. J'entends un refrain qui me murmure que des pétales tournent, tournent et m'entrainent; je suis le derviche tourneur des aubépines. Plus je tourne et plus je grandis, plus je grandis et plus j'avance sur le sentier.
Après le sentier, c'était la voie de chemin de fer. Fini de gambader, finis les jeux. Elle était là, rectiligne et remplie de rectitude. Je l'ai suivie le temps de l'école puis ses traverses se sont mises en travers de mes chemins que j'ai toujours essayé d'avoir buissonniers.

samedi 24 octobre 2009

"Petit traité d'éducation lubrique"

Lecture musicale de Lydie Salvayre accompagnée de Bruno Chevillon à la Contrebasse.
Dimanche 8 novembre à 18 heures - L'autre Salon - Salon de l'édition et des médias indépendants -Centre Edouard Brenot - à Grigny (200 m. de la Mairie)
Renseignements : Espace Pandora 04 72 50 14 78 - espacepandora@free.fr www.espacepandora@free.fr
On peut en profiter pour dire bonjour à Sylviane C.


vendredi 23 octobre 2009

Livre d'artiste


Vernissage demain à 11h30 de l'expo Livre d'artiste"  à la galerie Une image, 14 rue Honoré de Balzac. Il y a en même temps une expo intitulée "miniatures" concernant Honoré de Balzac, c'est très joli.
Prochainement dans la même galerie, une expo intitulée " Chemins de traverse" (et non pas "Paysages")



Sommets



Un des éperons de la forêt de Saoû se nomme Roche-Colombe, à l'autre extrémité dominent les Trois Becs. Quand on longe des yeux les crêtes de ce long synclinal, la ligne d'horizon se prolonge par la montagne de Couspeau dont le sommet a forme de téton, appelé Le Grand Delmas. Puis suivent les sommets de la montagne d'Angèle, ceux de la Lance, de Saint- Maurice et tant d'autres. D'où que je regarde, à partir de la vallée, mes yeux sont inlassablement attirés par ces sommets : pour y guetter les premiers rayons de soleil du matin, les gros nuages de pluie, le brouillard en fin d'été ou les cimes neigeuses l'hiver, mais surtout pour leur faire signe ou répondre à leurs appels. Chacun d'eux me hèle pour y grimper.

Ce matin, la vallée est encore dans le brouillard. Arrivés au col de la Chaudière, nous surplombons une mer d'épaisse mousse blanche mais rayonnons dans le soleil. Nous sommes dans le ciel. La montée est longue jusqu'au Grand Delmas, un peu plus d'une heure, six cents mètres de dénivelé raides, en éboulis, parfois en sous-bois comme une récompense. Après beaucoup d'efforts et brusquement, on débouche sur un vaste espace dénudé, d'herbes rases, de rares arbustes, de profondes ravines creusées par les moutons. Encore plus près du ciel. Deux gros chiens blancs accourent en jappant, s'arrêtent près de nous. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'on perçoit , faiblement, les sonnailles des moutons. Il faut encore monter, fouler les cardabelas, ces immenses chardons porte-bonheur, suivre les drailles qui prennent légèrement sur la gauche avant que s'ouvre un second espace, plus vaste encore aux flancs parés de plusieurs rangées de colliers de moutons. Parvenus au sommet, le Grand Delmas s'offre en un immense pâturage vallonné. L'espace entier occupé par le ciel et l'herbe. Derrière nous, la mousse épaisse s'est dissipée : Bourdeaux, Les Tonils, Le Rastel, Fondoresse … villages, hameaux ou fermes ramassés, apparaissent. Au loin, la grande plaine de Montélimar et la vallée du Rhône. Pour ouvrir l'éventail à trois cent soixante degrés, il suffit de tourner lentement sur soi-même : Le Vercors, Saillans, le Diois, des routes à flanc de montagnes, d'autres villages …
Aucun autre sommet ici n'offre une telle douceur de paysage. Tous sont découpés, en rocs ou pics, en abrupts ou aplombs. De tous ces sommets, ces croupes sont mes préférées. Ils me sont une caresse au regard, m'invitent à m'allonger pour contempler le ciel ou à continuer plus loin puisqu'ils sont moins une cime atteinte qu'une partie du prochain paysage à parcourir, un voile soulevé vers le futur.

jeudi 22 octobre 2009

Plage


C'est le matin, peut-être tôt. Le ciel trop bas pèse sur la mer à l'écume assagie. De vaguelettes en bulles grises elle vient lécher le sable de la plage endormie. Elle la caresse, sensuelle ; joueuse, elle la mordille. Les grains de sable roulent, s'enroulent et tourneboulent, long ruban qui s'étire, à la frontière de l'eau. Cachée dans les roseaux, je suis comme l'ampoule qui veille sur la lumière bleutée et sur le sable encore brun de la nuit. Tout bas, elle respire, la plage. Elle veut garder pour elle, les empreintes du chien qui la nuit en courant, aboyait à la lune. Elle veut garder en creux les coquillages, timides ou facétieux et s'en faire des colliers pour les jours de vacances. Elle respire tout bas, la plage. C'est l'heure où, ensorcelleuse, elle s'offre aux promeneurs. Solitaire, je m'avance et d'un long pas traînant je la blesse, voluptueusement. Il est si bon alors de sentir la fraîcheur s'insinuer entre les doigts de pied.

Je ferme les yeux et j'attends. J'écoute le silence mollement traversé par l'empreinte de l'eau. J'écoute la voix du sable qui commande au soleil de se lever enfin.

je rêve de faire court


Pour JP
l'art du bref

Clairière

J'écrivais à mon ami bûcheron dans ce même cahier : "Toi tu fais des clairières avec ta tronçonneuse". Drôle de métier. Ca ne lui a jamais passé. A Noël, il vend des sapins au pied crucifié ; le reste de l'année, plus raisonnable, des fleurs artificielles, comme je les hais.

Cascades

Moi, ce qui m'intéresse, c'est de passer derrière le rideau

Plages


Mes plages d'Agnès sont moins nombreuses que les siennes ; il faut dire qu'elle a 80 balais et quelques balayettes et qu'elle a commencé à les collectionner dès le ventre de sa mère, ce qui est loin d'être mon cas.
Plage de Toulon des galets pour une première rencontre, inoubliable de marins à pompons.
Plage de Crète, octobre 1978 et je continue d'écrire sur ce cahier acheté à Hania. Un petit fleuve y avait son embouchure, et pour le reste l'éternité retrouvée d'Arthur. L'éternité du vide et de l'immensité, pas le moindre bateau à l'horizon ; une encoignure de grotte pour écouter le ressac, regarder le bleu et se protéger du soleil à pic. Une plage oasis, pour la paix qu'elle procurait et la verdure dispensée par la rivière en bout de course, ruban vert au pays des pierrailles. On disait : "la Haute Loire nous manque".
Plage immense 360° de Trousse chemise ; j'écris une carte postale à Lionel après avoir lu Montagne Noire. Plage rose interdite de Budella en Sardaigne, les gens "volaient" le sable. Plages nudistes de l'Atlantique, Plages noires de monde, folie estivale de la Méditerranée.

Plages du Nord : Novembre 2006, Brighton. Presque impossible de tenir debout. Le vent souffle de partout.
Novembre 2008, La Haye.C'est la nuit, lumières de luxe qui clignotent dans le lointain. Ai pris le bus jusqu'à son terminus, accompagnée d'une vieille dame indigne très belle qui allait jouer au casino.