mardi 3 novembre 2009

Julien Letrouvé colporteur



Le pré, avec un unique arbre à mi-pente sous lequel l'herbe broutée, foulée par les troupeaux qu 'on y laissait sans garde, formait un cercle jauni autour du tronc, était clos de haies noires, presque sauvages, striées à travers la distance par la pluie qui reprenait. A sa partie la plus haute, un échalier en permettait l'accès, il cédait à la moindre poussée dans le geignement des gonds pris par la rouille. Une souche fendue sous un coudrier pouvait en servir de banc à des enfants inoccupés qu'on envoyait parfois surveiller les jeunes vâches folâtres. D'une ramée en berceau sous quoi le soldat avait trouvé refuge, de grosses gouttes froides se détachaient à intervalles réguliers, comme de la voûte d'une caverne. Immobile, les yeux écarquillés sur rien qui lui fût visible, il dormait peut-être, à la façon d'un grand oiseau de nuit en équilibre sur sa branche, qu'un claquement de mains n'eût pas fait s'envoler, ni même dresser un instant la tête pout lâcher un cri éraillé.

Pierre Silvain "Julien Letrouvé colporteur" ( Verdier 2007)

En hommage à Pierre Silvain récemment disparu.
Voir aussi le site de Poézibao et Jardin d'ombres

3 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

"Une ramée en berceau..."Quelle belle langue!Je ne connais pas P. Sylvain
Sur ces qqs lignes ça me fait penser à Mario Rigoni Stern, peut-être est-ce faux...
"Ce grand oiseau de nuit en équilibre" me plaît beaucoup

Laura- Solange a dit…

Je te prête le livre quand tu veux!

Ange-gabrielle a dit…

Je veux bien à la prochaine revoyure