samedi 28 octobre 2017

IGN n° 3033 Est Vienne Série bleue 1: 25 000

 Quand je regarde la carte, elle correspond assez bien au souvenir des paysages que j'ai en tête.
En haut à gauche, un long ruban bleu effectuant une large courbe à droite ; « mon » fleuve, celui que de notre fenêtre, j'ai contemplé dès ma naissance et qui demeure LE fleuve. Sinon, du vert, beaucoup de vert, comme les bois que nous avons traversé chaque dimanche pendant des années et beaucoup de blanc, buttes, prairies où paissent des troupeaux de vaches, zones déboisées où s'étalent des villages généralement le long de routes ou de chemins. Aucune grosse agglomération, de simples bourgades, une zone essentiellement rurale, cela saute aux yeux. Ni montagne, ni voies ferrées, peu de grandes routes. Une campagne sans traits remarquables, au premier abord assez peu élevée et encore très boisée. Souvenirs et carte collent tellement que j'en suis étonnée. Je m'y attendais si peu, convaincue de l'abstraction d'une carte par rapport à la richesse des paysages qu'elle est censée représenter. Oui, la moitié du voyage dans ma mémoire est marquée par des traversées de bois, bois de feuillus que je ne pourrai pas appeler forêt car nous en sortions assez rapidement pour y entrer à nouveau après quelques kilomètres et aussi parce qu'ils n'étaient pas vraiment sombres mais verts, verts comme ce vert-clair de la carte ; des feuillus, châtaigniers, hêtres, noyers, frênes, chênes sous lesquels poussaient en automne girolles, trompettes de la mort, charbonniers sous les bogues de châtaignes dont nous remplissions de grands sacs de jute. Nous parcourions ces trente kilomètres en un peu plus d'une heure avec une vieille traction, plus tard avec une Dina Panhard et lorsque nous abordions ces trouées blanches, c'était comme si nous rentrions dans la lumière ; mon père prétendait qu'il allait ouvrir les ailes de la voiture et la carte me fait exactement cet effet : on prend son envol dans le blanc, on respire à fond, on retient son souffle et on décolle. La ligne rouge de la route n'est même plus nécessaire. La partie la plus sombre se trouvait dans la seconde partie du voyage, des bois noirs, serrés, d'autant plus noirs qu'ils étaient peuplés de charbonniers que l'on apercevait parfois autour de leurs feux, sacs de jute sur la tête, visages machurés par le charbon de bois qu'ils confectionnaient, vivant dans des cabanes d'hommes des bois. J'étais effrayée par la pensée que mon père – qui avait souvent des idées saugrenues – puisse un jour avoir envie de s'y arrêter.
Je découvre à explorer cette carte IGN à 1/25 000 de façon plus attentive que je suis incluse dans ces étendues vertes et blanches. J'y ai laissé quelque chose de moi ou peut-être l'inverse, quelque chose de ce paysage s'est inscrit en moi.

Je ne suis ni une montagnarde, ni une fille des côtes mais bien de ces collines et de ces bois clairs ; en l'examinant ainsi, deux cartographies se superposent, je ne sais plus ce qui distingue l'espace intérieur de l'espace extérieur. Une part de moi-même est engluée dans ces paysages doux. Durant toute ma jeunesse j'ai voulu m'en extirper, voulu découvrir autre chose, partir, tourner le dos. Aujourd'hui je ressens le besoin, le plaisir d'y creuser un sillon, de retrouver un chemin, sans nostalgie ; juste du vert pomme et du blanc, tendre, calme, apaisé, équilibré. Tel m'apparaît ce que j'ai sous les yeux.

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vendredi 27 octobre 2017

Cartographie 1-7

Pleurer, pleurer, les souvenirs de ceux qui ont tout quitté, leurs vallées, leurs montagnes, nous laissant dépositaires de ces images floues, représentations reconstituées à partir des mots et du ton employé pour les dire, et qui nous hantent: chante pourtant un sentiment d'appartenance, mais tellement diffus, tellement loin dans le temps que, rendu sur place, on en découvre seulement quelques traces infimes, traces sensitives d'images transmises par sentiments. Le meilleur support de rêve reste cette carte, sur laquelle on se penche, plein de cette énergie languide, qu'exacerbe une pénible remémoration de souvenirs nostalgiques et gais d’un temps à jamais disparu.

jeudi 26 octobre 2017

Dans les plis et sur les bords

Au bord, le ciel parsemé de nuages écrit l'introduction. Juste en dessous, la ligne grignotée par le pli du topo se dénude et s'élance vers un sommet enneigé. Des alpages chutent dans des pierriers où s'abandonnent les pieds des falaises. Quelques tâches forestières, d'abord frugales puis abondantes, encerclent une nationale. En contre-jour, les chemins de randonnées s'invitent sur les courbures de niveau.

Je replis le bord et déroule un autre pli. Un lac-maison impose sa rondeur bleutée. Je comprends son besoin de s'abriter au creux de la réserve naturelle inviolée. Pourtant, il ne peut échapper à la loi des reliefs qui le dominent.

Je referme la carte en totalité, j'écarte un autre bord sur lequel se découvrent deux têtes sonnées par leurs 3459 et 3559 mètres d'altitude. Dans le cou de l'une d'elles, un minuscule étang braille au soleil, pourtant je me souviens l'avoir parcouru dans le brouillard qui suit l'orage. Les corps montagneux se contorsionnent, enjambent un torrent, grimacent et se hachurent. Chut...

J'ouvre deux plis, ceux qui coupent la carte en son milieu. Le paysage s'agrandit soudainement, révèlent les glaciers, les refuges, les pics prestigieux de l'alpinisme.

Le détail est dans le souvenir. Souvenir du mal de dos, des épaules écrasées par un sac trop lourd, de la sueur et du frisson, des mains gelées. Espaces parcourus dans les reflets et dans les ombres.

Cartographie 2

Après un mois d'activité intense sur ce blog liée à la première consigne d'écriture, notre deuxième séance est arrivée!
Toujours un bouquet de textes importants afin d'entrer à notre tour dans l'écriture. En voici quelques extraits:

1/ Marcello Vitali-Rosati " Navigations" ( Publie.net):
 

écrire, c’est déambuler et structurer l’espace, bâtir le squelette de l’espace que l’on va habiter. Il n’y a plus d’histoires, il n’y a que des parcours, il n’y a plus de cartes, il n’y a que des navigations

2/ Emmanuel Ruben " Dans les ruines de la carte" ( Le vampire actif) :

...la carte aimante, la carte aiguise, la carte paralyse, la carte effraie, la carte est la peau tigrée de rêve et de réel du pays qu’elle illustre et réduit simultanément; la carte est l’écorce vive des souvenirs et le palimpseste des songes naufragés; la carte excite, la carte terrorise; la carte fait se dresser l’horizon des mondes probables, la carte hérisse les frontières de l’impossible; la carte est objet de savoir....

3/ Jacques Ancet "La ligne de crête" ( Tertium éditions): 
 


Cette montagne, je pourrais la nommer. Ainsi que la région et la ville qu’elle domine. Pourtant quelque chose m’en empêche. Comme si prononcer son nom devait l’arracher à la présence pour la placer dans la distance de la représentation géographique, historique, culturelle. Un nom arrête, classe, délimite. Or, ce dont il est ici question, c’est d’une perpétuelle métamorphose....

4/ Gilles Lapouge " la légende de la géographie" ( Albin Michel) :

 
La “Chorographia” descend dans le détail des paysages. Elle peint les accidents, les confusions, l’arbitraire. Elle est moins l’ouvrage d’un géomètre que celui d’un peintre. Elle n’est pas forte pour les horizons lointains. Elle préfère la colline prochaine, la sinuosité d’une rivière ou un bout de forêt.

Proposition d'écriture :
écrire un texte en parlant de votre propre carte ( celle que vous avez choisie) sans mettre un seul nom de lieu!

mercredi 25 octobre 2017

L'apparition du Nord



Le lieu du Nord



cartographie illustrée : les robes d'Elisabeth Lacour




Cartographie 1-6

La carte de nos itinéraires est une carte imaginaire, puisqu’aussi bien on y trouve des cartes IGN, des itinéraires psychologiques, intellectuels ou politiques, artistiques littéraires ou musicaux, des tickets de métro, de caisse, des cartons d’invitation, des cartes de visite, des plans, des planisphères, des expériences, des billets d’entrée, des billets anonymes ou signés, des billets d’humeur ou de banque, des bons de réduction toutes choses abstraites ou concrètes parfaitement incompatibles en apparence, pensées, objets souvenirs de ou leurs représentations, réflexions, sensations, impressions que le cerveau humain réussit à amalgamer en un atlas personnel qui reflète un itinéraire de vie.

Cartographie 1-5


L’interrogation sur la cartographie est un prétexte à rechercher, élaborer, plus justement inventer comme trésor, ses propres cartes d’itinéraires, ceux qui sont propres, que l’on a tracés depuis le jour de sa naissance. On parle d’itinéraires donc on peut parler de cartes! Mais quelle forme prendront-elles? Celles des mots qui serviront à les inscrire comme traces? Celles d’images mentales que ces mots suscitent? Un peu tout à la fois sans doute et bien d’autres encore que l’on n’imagine pas, que l’on ne connaîtra pas, qui seront des échos de ces mots dans l’esprit de quelques personnes amener à les lire.

Cartographie littéraire Sud-Ouest

Je savais bien, pourtant, combien les courbes des dénivelés font mentir les kilomètres, comment le relief contredit les projections. Je savais à quel point on perd du temps dans les fourrés des raccourcis. Les cartes ne coincident jamais vraiment avec les lieux, encore moins avec la mémoire, elles se superposent aux souvenirs sans jamais rien ramener du passé, et les fermes abandonnées s’effacent dans le pli des vieux relevés retrouvés aux archives départementales.

Emmanuelle Pagano "Sauf riverains" (POL 2017)


C’est le livre de l’entre: entre deux régions proches que rythme le trajet de l’enfance, entre des siècles et des métiers , entre des paysages, entre des êtres et des généalogies, entre des secrets mis à jour, entre des langues (occitan, français), entre des eaux qui noient ou qui libèrent, entre des noms créant une forme de carte mêlant généalogie et géographie, le tout teinté de l’histoire, la réelle et la romancée. Le tracé des routes, des chemins, des ruisseaux, des lieux où l’on s’arrête pour se reposer, manger, regarder: un univers où les mémoires auraient bien pu se perdre.

(Sur mon blog jardin d'ombres se trouve le début de ce livre )

mardi 24 octobre 2017

cartographie illustrée #3 mappemondes de brocante

je pousse la porte, elle résiste, je crois que c'est fermé, pourtant il y a de la lumière mais finalement quelqu'un réussit à ouvrir. dedans ça sent l'encens je lui demande si je peux photographier les mappemondes de la vitrine, il dit oui, avec plaisir. il dit ça suffit à me faire voyager. je pense que l'odeur dansante de l'encens l'aide aussi d'autant que ce n'est pas la seule. il m'aide à rouvrir la porte, décidément récalcitrante, il dit non, c'est quand il fait humide, elle a tendance à gonfler. comme nous réponds-je.

Cartographie du web

Carte muette roman

                                                                                                                 Pas à pas, avec un enthousiasme d'explorateur, bnetmap.commnetmap.comigortruck.netlucigc.fr et quelques autres tentent de dresser la première carte complète d'Internet et disent l'apparition, sur le territoire, des câbles, sites, serveurs, e-mails?

Plus tard, ailleurs, quelqu'un raconte l'usage qu'il fait de cette carte, devenu un système de surveillance appliqué à l'espace tout entier. 
(Philippe Vasset - 4ème de couverture) Fayard 2004
Avis de concours : Speedial, leader mondial de l'accès à Internet, offre 100 millions de dollars à celui ou celle capable de dresser une cartographie complète du Web. Le projet est démesuré, voire irréalisable. Continent délimiter un espace virtuel de plus de 900 millions de sites dont les seules frontières localisables sont des câbles, des satellites et autres serveurs ? benjamin@geosolutions.com, tel un Jules Verne cybernaute va relever le défi. Juste le temps de réunir les membres de son équipe - parmi lesquels marc@instantmap.com, éminent cartographe, et un duo de hackers ultra-performants - et l'expédition NetMap, périlleux voyage au centre de la toile, peut enfin commencer...
toujours Philippe Vasset, la même chose

lundi 23 octobre 2017

Cartographie I # #

Le cervelet ou la vie éparpillée.
     Dans ses ramifications  internes supérieures inférieures fourmillent les autoroutes de l'équilibre se croisent les chemins neuronaux du précaire menant bataille à l'établi. Tout un galimatias de cellules s'animent et s'allument pour énoncer les itinéraires où balbutient les mains les pieds qui pataugent pour exister se situer convenablement.. S'il s'enfonce trop dans le canal médullaire  pressurisé il perd le Nord et se fourvoie jusqu'à errer zombie et ne plus jouer son rôle de guide du bien droit sur ses pieds. Sa carte mémoire s'éteint progressivement. Viendra le temps où blessé tourmenté d' "arbre de vie" il deviendra "arbre de mort."

de mes voyages de bibliothécaires

Un jour, j'ai eu le privilège d'aller visiter la salle des cartes et mappemondes de l'Université d'Utrecht

















Cartographie littéraire Nord-Ouest

Julien Gracq:
 
 Debout penché sur la table, les deux mains appuyées sur la carte (…) Un bruissement léger semblait s’élever de cette carte, peupler la chambre close et son silence d’embuscade .
 “Le rivage des Syrtes”


Ce petit monde des hauteurs, avec ses replats, ses portants, ses redans, ses ravins, ses arêtes monde que j’ai en vue presque à portée de la main par delà la gorge ombreuse et verticale de la rue de Grenelle, dont le fond m’est caché et d’où monte seulement jusqu’à mon balcon la lointaine rumeur de torrent est déployé, étalé, inondé de soleil comme la terrasse d’un alpage suspendue au dessus de la muraille verticale des forêts. 
Lettrines 2”


...sur ces hauts plateaux déployés où la pesanteur semble se réduire comme sur une mer de la lune, un vertige horizontal se déclenche en moi qui, comme l’autre à tomber, m’incite à y courir, à m’y rouler, à perte de vue, à perdre haleine. 
Carnets du grand chemin”


C’est toute l’écriture de cet auteur qui s’insinue dans les plis de la carte où il nous invite à nous plonger une fois celle-ci déployée . On entre dans une géographie mythique et à l’évidence poétique, infiltrée par l’imaginaire ou le rêve, et l’on arpente son grand chemin , sachant toute l’admiration qu’il vouait à cet objet vraiment magique qu’est la carte dont on il nous reste à déchiffrer les énigmes. Dans les forêts, le long d’une rivière, sur les routes des causses, au sein d’une ville, s’abreuver à cette mythologie routière recherchant de probables attouchements entre dehors et dedans.

dimanche 22 octobre 2017

Cadeau : Atlas imaginaire

« Chacun recèle dans son imaginaire un atlas amoureux qu'il compulse selon sa fantaisie.
Un atlas amoureux est forcément extravagant, illustré de cartes et de planches qui ne respectent pas toujours la bonne échelle, jouant des disproportions, surlignant certains lieux, en estompant d'autres, exaltant certains noms, en minimisant d'autres. C'est un imprécis de géographie passionnelle. Dans le mien, la Sibérie … a pris très tôt une dimension particulière. Car c'est un espace imposant … par son étendue physique et son climat extrême, et remarquable par la splendeur de ses paysages, mais aussi par son histoire, par la littérature qui lui est liée, par les noms des villes, des fleuves, des peuples et des montagnes. » (100 mots)

«  J'ai feuilleté mon atlas par la vitre du train, les pages défilaient à vive allure, elles s'enchaînaient en une narration fluctuante. J'ai décrypté les noms des villes au fronton des gares, j'ai marché dans certaines de ces villes – quelques rues, guère plus. Voyage-feuilletage, glanage d'aperçus – des fragments, pas plus.
C'est peu, et c'est tant ! Mon atlas amoureux a changé de format, il a pris la forme d'un accordéon, il se plie, se déplie, se distord, il musique des couleurs, des images, des odeurs et des bruits. » (95 mots)

Sylvie Germain « Le monde sans vous » chap. « Variations sibériennes » Albin Michel




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Cartographie littéraire

En écho avec la cartographie qui nous occupe, la présentation d'un texte de Béatrice Brérot,  (que certaines ont pu écouter lors de la soirée Ecrits- Studio à la Médiathèque) et le lien vers le texte en question, "dix mille êtres dedans", si la présentation vous a alléché-e-s

" J’imagine que la pensée chemine dans nos cerveaux comme nous marchons sur les chemins de la Terre. D’abord informe, elle parcourt des kilomètres entre les lisières, les côtes. Je l’imagine qui avance dans les prairies herbeuses, qu’elle se déroule le long des crêtes et s’enfonce dans les forêts, les mangroves, qu’elle traverse des fleuves, des frontières et que, influencée par l’air et le sol (fûdo en japonais : de fû, air et do, sol) d’où elle émerge, elle devient conscience et se constitue langue ".1
dix milles êtres dedans est un voyage à la source de la pensée, abordant les rives de territoires volontiers assimilés aux jardins intérieurs, au jardin des Hespérides, au paradis que chacun porte au fond de soi, profondément enfoui.
Remonter les courants, les rivières, les circonvolutions du cerveau, c’est en découvrir ses strates. C'est comme mettre à jour des couches géologiques, les écarter pour pénétrer la forêt primaire cérébrale et être témoin sans filtre, au plus près de l’origine, des possibles interactions
entre milieu cérébral et milieu naturel, de la symbiose entre les langues, les organismes vivants et la Terre. C'est une balade dans les forêts, les constellations de la pensée avant qu’elle ne rejoigne les rivages de la conscience. C'est une invite à arpenter les territoires mobiles du vivant.
Entre texte et image, dix mille êtres dedans explore les chemins du cerveau et ceux de la Terre, les structures en réseaux qui créent de véritables cartographies à la surface du globe jusqu'au cosmos en passant par nos neurones et les fines nervures d'un pétale de rose. Ces ramifications si fines, parfois invisibles, peuvent-elles relier toutes ces strates, ces espaces entre eux, et créer ainsi des passages entre territoires mentaux et territoires physiques ? Se pourrait-il que les territoires, les lieux qui nous traversent, nous habitent, se déposent comme décalcomanies dans nos corps ? Ils s’inscriraient alors dans nos langues et notre cerveau (où se loge le cervelet autrement nommé arbre de vie) et laisseraient à leur tour trace sur Terre, et dans sa mémoire, et dans son cervoTerre."

samedi 21 octobre 2017

Vous avez dit "Cartographie" ?

Depuis plusieurs jours, je me questionne pour tenter de comprendre ce qui, dans cette invitation « Cartographie », suscite tant notre imaginaire ? Ne serait-ce pas une attraction pour l'insituable patrie des rêves, de la fiction, une aimantation pour la géographie versatile du récit qui nous a réuni dans cet atelier ? Les mots en littérature se combinent, ondoient, se délient entre rêve et réalité comme au gré du vent les merveilleux nuages. Ne faut-il pas être géographe ou amoureux des cartes, quelles qu'elles soient, pour avoir envie d'explorer -en lecteur ou écrivain, même en herbe- ces intimes territoires ?

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vendredi 20 octobre 2017

Liste de cartes

Ce 20 octobre, pendant la cure, les idées pullulaient se bousculant au portillon. Il y a même des textes entiers qui se sont écrits et qu'il faudra, en me concentrant, que je retrouve : comme en rêve, bien sûr, ils étaient parfaits, moi macérant dans l'eau et eux s'écrivant dans l'air, sans un mot de trop, chaque mot parfait et à la bonne place.


  • carte  à déchiffrer dans la tasse de café
  • carte sur les vitres quand il pleut
  • carte des traces laissées par les animaux sur la neige, le sable
  • carte de la glace de l'étang qui craquelle
  • carte de la maladie qui gagne ton corps, le gangrène comme le réseau souterrain des catacombes qui m'a toujours fascinée
  • carte de tes veines sous la peau que je suivais du bout de mes doigts
  • carte que les anciens navigateurs des mers savaient lire, connaissaient par coeur et suivaient comme une côte qu'on longe
  • cartes intérieures qui se projetaient dans les tapisseries et les plafonds de l'enfance, qui se dessinent dans les plis des draps lors des insomnies et contre le mur que je fixe, installée sur mon coussin de méditation, suspendue à la pointe de l'aiguille de mon souffle
  • ... et ces cartes du ciel qui se modifient à l'envie et devant lesquelles on peut rêver à l'infini … (cf « Atlas international des nuages ")
  • carte de la toile d'araignée aperçue dans la rosée
  • carte que dessine le réseau de livres quand l'un nous conduit vers le suivant qui nous mène vers deux autres encore et ceci sans fin car la vie n'y suffira pas
Et tant d'autres, il y en a pour une vie entière.

Vous pouvez continuer si vous voulez bien ...

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jeudi 19 octobre 2017

Cartographie littéraire Sud-Est




 
Per me si va ne la città dolente,                  "Par moi l’on entre en dolente cité
per me si va ne l’etterno dolore,                    par moi l’on entre en infinie douleur,
per me si va tra la perduta gente.                  par moi l’on va parmi les égarés.

Giustizia mosse il mio alto fattore ;               Justice a mû mon souverain auteur;
fecemi la divina podestate,                           ce qui m’a faite est divine puissance,
la somma sapïenza e ’l primo amore.           sagesse extrême et amour antérieur.

Dinanzi a me non fuor cose create               Auparavant il n’y eut nulle engeance
se non etterne, e io etterno duro.                 que l’éternelle, éternelle je dure.
Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate”.       Vous qui entrez, laissez toute espérance.”

 Dante Chant III “ Enfer La Divine Comédie “ traduit par Danièle Robert
 

Comment ne pas songer à Dante , à l’Enfer, - car ne suis jamais arrivée au Purgatoire encore moins au Paradis – et à cette carte entonnoir menant au centre de la terre et faisant toucher du doigt l’obscur, la peur, la puanteur . Guidée par les illustrations de Gustave Doré mon esprit s’enfonçait, passé l’Achéron, des Limbes à Lucifer. Et je cherche aujourd’hui le chemin de jadis où erraient Francesca da Rimini et Paolo enlacés dans le vent ou plus loin encore dans les cercles infernaux je pars en quête du dernier voyage d’Ulysse et de la terrible histoire d’Ugolin.

mercredi 18 octobre 2017

CARTOGRAPHIE # 4.

     Du plus loin que me reviennent, l'ombre de mes amours anciennes... mes paysages tant de fois visités, autant de grottes sombres où je me reposais fourbue des délices de nos corps au retour des voyages en nos territoires interdits. Soleil brûlant des étés experts en indicibles balançant entre terre et mer entre espoirs et naufrages; ciel gris des hivers amoureux des soieries plumes caresses sur la peau carte de géographie animée en intentions vagabondes. Découvertes jardin des merveilles  aux fleurs multicolores ondoyant sous le poids des baisers au parfum de mille et une nuits soupirées. Plaisirs. Carte du Tendre revisitée.

Cartographie XXL

"Haute laine pour la savane, poil ras pour le désert, les tapis sont les atlas des enfants : chaîne et trame où se noue le destin, sous un lustre transparent qui projette au plafond sa lumière irisée.
En esprit, je me promène dans ces cartes muettes où dominait le rouge, pour retrouver les détroits que je traversais pieds nus, la terre plate et l'océan carré, les colonnes d'Hercule entre les pieds de la table.

Et sous le tapis les hommes des antipodes, minces comme un fil, qui se nourrissaient de poussières et de miettes de pain"

Gérard Macé "Filles de mémoire" Chapitre : L'invention des souvenirs  nrf Gallimard p. 39

Pour accompagner ma cure, cette lecture ... et ce matin, je tombe sur ce texte en 98 mots SVP !!!

CARTOGRAPHIE I # 3

     Ma carte leur territoire ballotée par le balancement de leurs syllabes. Aventurière sans bateau mais en mal de rivages je me les répétais les yeux noyés sur leurs abrupts qui écorchaient mes lèvres comme les littoraux sur lesquels j'abordais. Et je les apprenais en vrac même sans les comprendre puisqu' à mon oreille ils chantaient litanie douce et rugueuse à la fois ports d'attache de mon adolescence. Un synclinal un isthme le carroyage les portulans et l'astrolabe la cosmographie et la cosmogonie l'harmattan et l'estran  eux et les autres tous mes Vasco de Gama de l'Univers.

cartographie 1 en cent mots #6 VOUS ETES ICI -


Je collectionne les photos « VOUS ETES ICI », dans toutes les langues, la palme revenant toujours au Chat de Gelück, où il répond : « LES NOUVELLES VONT VITE ». Ô combien ! Nous sommes tellement suivis à la trace que nous en devenons tracés, comme des poulets depuis leur naissance jusque à notre assiette, avec à présent la vidéo du producteur qui l’a « pondu ». Avant de partir à l’étranger, nous nous inscrivons sur des sites.gouv pour qu’on puisse nous protéger de loin, au besoin prévenir un proche. Il suffit de dire jour par jour JEG ER HER

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dimanche 15 octobre 2017

Carte et territoire

Cartographie # 0





Bassin du château

Fief
Il faut parfois beaucoup d'efforts pour faire coller carte et paysages ...

Parc du Pilat







La carte n'est pas le territoire
Le mot n'est pas la chose
Le nom n'est pas la personne  ... et quand la réalité apparaît, sa splendeur et sa richesse me saute toujours aux yeux.

samedi 14 octobre 2017

Papiers SVP !

Cartographie # 0

La carte d'identité comme la carte géographique tend à définir le plus pauvrement possible une personne par des données anthropométriques, l'une fournit des éléments pour une classification statistique, l'autre sur un territoire. Mais peut-on dire qu'elles définissent une identité ? Qui suis-je ? Impossible de cerner cet enchevêtrement dans une embrouille de fils indémêlables. Des identités, j'en ai plusieurs. Mon nom est-il mon identité ? Que révèle t-il de mon être ? Il ne dit ni qui je suis, ni d'où je viens ou ce que je deviens, ni pourquoi je suis là, pas plus que la carte ne révèle le territoire.

cartographie à l'encre sympathique

Il m'arrive de plus en plus souvent de m'échapper, nez au vent, sans préméditation, je ne pourrais même pas dire le matin ce que je vais faire, un souffle d'air me prend par la main, parfois un rayon de soleil, je me laisse conduire en souriant. Parfois à un tournant de rue, le bonheur me saute sur les épaules, une terrasse de café me hèle, sans prévenir, je suis comme une onde ce chemin d'encre sympathique, indiscernable, je m'y glisse. Alors, terminés les « Je dois faire ! ». Je ne dois plus rien, j'erre sourire au coeur jusqu'au soir, de surprises en surprises. Tout s'emboîte, ma vie et moi faisons corps.

cartographie intérieure

Vaïnui de Castelbajac - Docteur Rorschach

Cartographie littéraire Nord-Est




Alors tous deux, penchés sur la carte, étudièrent le pays.
Julien, de son côté, s’était assis sagement auprès d’eux, s’efforçant de retenir ce qu’il pourrait. Le garde parlait, montrant du doigt les routes, les sentiers, les raccourcis, faisant la description minutieuse de tous les détails du chemin. André écoutait ; puis il essaya de répéter les explications ; enfin il dessina lui-même tant bien que mal sa route sur un papier, avec les différents accidents de terrain qui lui serviraient comme de jalons pour s’y reconnaître.
« Ici, écrivait-il, une fontaine ; là, un groupe de hêtres à travers les sapins ; plus loin, un torrent avec le gué pour le franchir, un roc à pic que contourne le sentier, une tour en ruines.»
Enfin rien de ce qui pouvait aider le jeune voyageur ne fut négligé. — Tout ira bien, lui disait Fritz, si vous ne vous hâtez pas trop. Rappelez-vous que, quand on se trompe de chemin dans les bois ou les montagnes, il faut revenir tranquillement sur ses pas, sans perdre la tête et sans se précipiter : c’est le moyen de retrouver bientôt le vrai sentier.

G. Bruno "Le tour de France par deux enfants" 1877


Il y avait des noms de lieux sur le mauvais papier de ce bréviaire républicain - Baccarat au son cristallin où tant d’hommes ont péri le 25 août 1914 avec mon grand oncle - , maintes épreuves traversées un baluchon sur l’épaule et ce mot désormais associé à ce livre. Face aux incertitudes , deux enfants sur la frange de leur vie faisant vibrer la corde de notre compassion.
Le regard aujourd’hui habitué aux images de corps en attente, dérivant sans visage entre deux côtes, sur une mer confuse et sauvage où meurent trop souvent les migrants de nos jours.