#1. Plan des transports en commun
Ma première carte a dû être un plan de transports en commun
qui est à la carte routière ce que la radiographie est à la photographie. Un
squelette à vif laissant voir l’anatomie dépareillée de la ville. Des
itinéraires rouges, bleus, roses comme autant de lignes de force musculaires,
de réseaux veineux encombrés, d’amoncèlements de peau. Se placent en leurs seins
les arrêts représentés par des points noirs parfois fermés pour cause de
maladies urbaines nécessitant une longue hospitalisation. Des cœurs rouges et
gros dessinés de manière apparemment aléatoire sur le croquis de
l’écorché : le terminus des bus tachycardiques.
#2. De la lampe et du bar
Si aujourd’hui google earth révèle la terre, les continents
et les mers, le ciel et les étoiles, il y eu deux mappemondes qui m’initièrent
au voyage. Le planisphère s’allumait le soir tout près du lit, tournant à mille
vitesses. Le mystère pour l’enfant résidait dans le fait qu’il était tout à
fait identique à celui de son oncle, à une différence près : ce dernier ne
s’allumait pas, en revanche il s’ouvrait par l’équateur, passant sur l’Amérique,
en bas de l’Afrique, traversait l’océan entre Asie et Australie. L’oncle
séparait parfois les quatre A et laissait deviner les promesses de l’ivresse.
#3. Fond de tiroir
Dans le fond du tiroir, des vieux dictionnaires, les pays
disparus décachètent des territoires immuables. Yougoslavie, URSS, Empire
d’Akkad, Abyssinie. Des royaumes et des Républiques se sont dissous. Des villes
ont rejoint le continent des contes et légendes. Babylone, Massalia, Byzance.
Des saints ont regagné le pays des anges déchus. Saint Pétersbourg. Alger a
gagné un Al qui semble aimer le jazz . Al Jazâ’ir. Bombay est dans le
mouv’. Mumbay. Benarès a voulu voir plus loin. Varanasi. L’Helvetie s’est
assagie et la Dacie s’est dotée de nouvelles manies. Roumanie. A trop gagater,
Furano s’est oublié dans une autre identité.
#4. Topo
Il existe quelque part des chemins qui se déchiffrent avec des
cordes, des baudriers, des lampes frontales, poignées jumar, dégaines, longes. Grimper
sur du calcaire, de la glace, dans la boue. S’engouffrer dans des cavités.
D’ailleurs, comment dire la verticalité quand celle-ci s’enfonce au
sous-sol ? Il n’est pas possible de s’esquiver quand le topo devient
réalité. Pas de chemin de traverse, pas de recul envisageable. La carte
topographique est moins un guide prudent qu’un présage ambigu. Derrière le tracé,
un inexprimé message… vous vous engagez dans du vertige. Méfiez-vous des
fausses étroitures, montée des eaux, dévers renversant et étourderie.
5 commentaires:
Vous avez toutes trois bien travaillé et que d'idées à saisir ! Je suis toujours en chemin, sans carte je m'égare, prends des chemins de traverse, reviens sur mes pas, trouve des champignons et c'est bien passionnant.
Bravo, sur le fil des mots, et le fil des 100 mots. Analyse vraiment intéressante.
Belle exploration du sujet! Je suis sûre que tu aurais pu en écrire encore!
j'aime tous ces angles d'approche et celui des baudriers n'est pas des moindres. Un présage ambigu.. dans le #2, le mystère de l'oncle me fascine ! et l'analogie dans le #1 corps et carte (je n'arrive pas à finir ma phrase, je fais un petit bruit qui salue la chose)
Des vues diverses, au ras des pâquerettes, du cosmos, les mondes perdues et sous la surface, des messages précieux.
Attirant comme le vertige!
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