Nous
avons rendez-vous avec Prosper Nyanu (dit « Prosper-papillon »),
célèbre entomologiste et botaniste à Kuma Konda – qui signifie
« carrefour » en langue Ewé – Nous grimpons sut 10 kms
le long d'une route en lacets et large couverture végétale, bordée
d'amaryllis blancs, croisons des cascades et arrivons au village que
nous visitons avec le fils de Prosper. Tout le village est décoré,
portes et volets en bois peint par les habitants. Au centre du
village, un immense arbre aux énormes racines veineuses apparentes
offre son ombre à tous ceux qui veulent s'y reposer.
Tepe
nous fait visiter son atelier de peinture végétale et nous conduit
chez son père qui nous accompagne dans une balade botanique de
plusieurs heures dans la brousse. Nous sommes à 7 kms du Ghana que
l'on peut rejoindre clandestinement par les sentiers.
Il
nous montre les yukkas géants, les irokos au bois très dur, les
baobabs autour desquels s'enroulent les ficus étrangleurs, le
moringa dont les feuilles se mangent, le flamboyant, le cailcédrat
dont l'écorce est consommée comme fortifiant, les anacardiers
tortueux qui donnent la noix de cajou , les neems dont on tire la
quinine contre le paludisme, un immense « mitrogena
stipulosa », arbre qui pousse près de l'eau, au tronc large et
très haut et qui présente un creux où peut se loger un homme.
Partout
de l'eau, des rivières transparentes, différentes fougères sur le
sol, sur les troncs, grimpantes comme des lianes et celle étonnante
dont le dessous est recouvert de spores blanches. Il l'applique sur
son bras, la fougère y laisse un tatouage blanc parfait , des
cacaoyers et leurs cabosses, des caféiers, kolatiers, rocouyers et
une plante surprenante, le « mimosa pudica » qui replie
instantanément ses feuilles dés qu'on la touche. En Ewé, elle se
nomme « Redresse-toi, ton mari arrive ».
La canopée est épaisse, l'humidité forte, les
sentiers détrempés. Nous croisons des caladiums bicolores, plantes
aux grandes feuilles vertes parsemées de taches rouge vif et
blanches, d'immenses oreilles d'éléphants. Nous entendons de tout
côté d'innombrables vols et chants d'oiseaux que nous ne voyons
pas, ils sont en général très petits et apercevons un kalao,
oiseau assez gros, noir au bec coloré.
La partie la plus intéressante de la balade sera la
recherche de plantes tinctoriales avec lesquelles Prosper peint.
La
feuille de l'indigo
écrasée
et malaxée dans la main donne une belle teinte verte
qui fonce au fil du temps quand on l'applique sur une feuille de
papier. Si l'on veut obtenir du bleu,
il faut laisser fermenter quelques semaines.
Les
grandes feuilles de teck,
par le même procédé donnent un brun
terre de sienne
que l'on obtient également avec la
terre
qui est rouge-brun.
Pour
obtenir un riche violet,
on utilise le
kola,
un
orange
vif
en
raclant l'intérieur de l'écorce de
l'arangana
(originaire de Madagascar),on
peut
y ajouter du jaune d'oeuf épaissi au kaolin ;le rouge
vif vient de l'hibiscus
bissap et le noir,
d'une liane nommée moukouna.
Prosper réalise sous mes yeux un dessin, cases, arbres ; je l'oublie
sur la table après le repas, ainsi que mes stylos.
Pour réaliser ses peintures, il enduit une toile de
kaolin mêlé à de la colle blanche. Je n'apprécie pas du tout ses
toiles stylisées mais tombe amoureuse d'un masque noir fait d'une
matière criblée de trous et très légère, avec deux trous pour
les yeux. Je pense à une pierre volcanique mais sa légèreté me
dissuade, à du bois ou du liège. Je n'y suis pas du tout. Prosper
ramasse des fourmilières désertées et taille ses masques dans
cette matière étonnante.
Nous
nous régalons d'un poulet bicyclette, de riz et de ratatouille avant
de le quitter et de redescendre sur Kpalimé pour visiter le Centre
de Formation
de l'Artisanat.
Noue échangeons nos mails. Voici son site :
www.afreak.net/aubergepapillon.php
mais il ne possède ni bouquins ni fiches écrites sur
ses connaissances et rêve pour cela de posséder un appareil-photo.
Je lui promets de lui apporter le mien l'an prochain quand je m'en
serai procuré un nouveau (une raison supplémentaire d'y retourner,
comme s'il fallait s'en inventer).
Nous ne verrons aucune de ses planches de spécimens
rares de papillons : tout est à Lomé en ce moment pour une
exposition.
3 commentaires:
Bravo, on y est et on partage cette fringale de ta decouverte.Tes mots colores chantonnent sur nos retines.Tu nous dis une Afrique illustree comme un livre de contes de patrick Chamoiseau.Ta voix chante elle aussi comme si elle savourait de nous reveler une des recettes de ton bonheur.
J'adore ces mots pépites que tu sèmes tout au long du texte! J'en veux encore...
Je n'osais pas, de peur de monopoliser le blog, alors en voilà
Mais où êtes-vous donc tou(te)s ???
Enregistrer un commentaire