Lorsque
pour la première fois – quatre jours après mon arrivée- je suis
entrée dans le parc de Monique, immédiatement la sensation de
pénétrer au paradis dans un océan de fraîcheur et de verdure m'a
envahie, sensation qui ne s'est jamais démentie.
Monique,
la bâtisseuse et son énorme frère posé sur une chaise et
surveillant le chantier en cours de construction (vingt quatre
nouvelles chambres cachées dans la verdure), Monique qui fait vivre
cinquante personnes, se logeant, mangeant, travaillant chez elle ;
des enfants jouent partout, des artisans sont installés à l'ombre,
creusant, évidant, frappant, taillant le bois dur de l'iroko, du
teck, de l'acajou pour en faire émerger de magnifiques statues,
animaux, êtres fantasmagoriques accrochés aux arbres, posés le
long des allées. J'entends encore le son de leurs ciseaux, marteaux
résonner ; Monique et ses deux crocodiles, son chien et
Marguerite l'antilope, Monique qui n'a pas d'âge mais un âge
conséquent et vient encore d'aller chercher un enfant à
l'orphelinat.
Ce
lieu magique, à la sortie d'Abomey, où l'on mange une délicieuse
cuisine sous les paillotes, où les touristes logent pour 7000F CFA
la nuit, où députés/ministres viennent se détendre à la
fraîcheur, boire bières ou sodabi (le sodabi est un alcool fort,
environ 45 degré, fait à partir du tronc du palmier. Le palmier est
abattu, on y creuse des entailles et on récolte un liquide qui
goutte – c'est le vin de palme- qui une fois distillé donne le
sodabi).
Rien
ne qualifie mieux « A la lune » que le mot « forêt »
: une forêt, une teckeraie et bambouseraie pleine de statues,
d'oiseaux et d'enfants.
Paix,
fraîcheur, propreté, allées de terre rouge ratissées par les
courts balais de bambou reposent de toute l'agitation et du bruit des
routes, dès l'entrée.
Ici
logent, heureux, sept étudiants (pharmaciens, médecins) nantais
venus pour un stage de trois mois à l'hôpital public, étudiants
que nous rencontrerons à différentes occasions.
C'est
chez Monique également que je rencontrerai Gabin, personnage aux
multiples facettes, directeur de l'Office de Tourisme, élu
municipal, communiste vrai, exubérant, chanteur à ses heures (il me
révéla GG Viké, chanteur béninois aux textes tendres ou pleins
d'humour, vieux Monsieur aujourd'hui vivotant à Cotonou), sociologue
réputé spécialiste du vaudou et Yves K'pédé artiste plasticien,
doux, tendre comme un enfant dont l'immense atelier où il nous
invitera est situé dans le même quartier. Nous y partagerons un
long repas un dimanche midi, Renée – l'amie qui m'a invitée au
Bénin, grâce lui soit rendue-, Gabin, Yves et Aimé, directeur
d'école retraité, cultivé, fin et passionnant. Monique est absente
car elle marche chaque jour environ deux heures dans la brousse
environnante – ce qui en Afrique est tout à fait surprenant et
inhabituel-. Elle est, ce jour-là, partie à pied, avec quelques uns
de ses gens portant le pique-nique sur la tête, pour une marche de
plusieurs heures avec les étudiants nantais.
J'étrennais
ma merveilleuse robe africaine bleu-nuit confectionné par Ildevert
et après avoir mangé, bu et chanté, nous finissons l'après-midi
chez Yves dans sa demeure inouïe : beauté et abandon, oeuvres
magnifiques et végétation envahissante. Au moment de se dire « A
tout à l'heure » (formule signifiant « A bientôt »
qui m'a laissée désemparée les premiers jours « Ah bon, on
se revoit tout à l'heure ?), Yves m'offre un magnifique tableau,
technique d'application sur du tissu, des rois du Dahomey, moment qui
fut un de ceux les plus chargés d'émotion parmi ceux que je vécus
pendant ce mois africain.
Nous
retournerons plusieurs fois chez Monique, elle nous fit visiter le
chantier en cours, nous ouvrit ses coffres de colliers, bracelets,
plats sculptés, masques, statues, nous offrit à manger (une fois de
plus sans elle car ce jour-là elle gisait sur son lit, incapable de
répondre à nos paroles, en proie à une violente crise de
paludisme) ; nous y passions pour nous désaltérer de sirop de
citrons fait maison, pour puiser à son énergie folle, ou tout
simplement pour nous étonner encore et encore de l'ombre et de la
fraîcheur, des taches de lumière qui jouent sur le sol et nous en
abreuver.
Nous
visitâmes tout l'hôtel – petits bungalows africains décorés par
toute la grâce et la beauté qui sort des mains d'Yves -
Monique de profil entourée d'oeuvres de Yves |
Si
vous passez par Abomey, une halte s'impose chez Monique « A la
lune », avec le risque que vous ne poursuiviez pas votre
périple tant le personnage et le lieu sont inépuisables.
2 commentaires:
c'est agréable, doux, d'avoir de tes nouvelles via tes carnets de voyage, belles photos et des commentaires qui traduisent beaucoup de joie et de bien-être.
oui, ton texte-périple nous fait rêver...tes talents d'écrivain-voyageuse te vont à merveille
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