Fin de l’après-midi, fin du printemps, j’ai
presque fini le travail. Mes mains sont endolories. Soins du corps, bronzage
artificiel, manucure, lissage des rides, maquillages. J’ai perdu trois kilos ce
mois-ci, trop de stress depuis que j’ai mis une annonce sur internet : trois
séances d’amaigrissement à moitié prix. Mon agenda est plein et je ne sais comment
placer les rendez-vous à venir. Une dame est passée tout à l’heure. Elle m’a
dit qu’elle était retraitée, ancienne charcutière. Quarante kilos de trop,
c’est ce que lui a dit son médecin, maintenant...
-
Je suis végétarienne. Un jour sur deux. Et
ici, en cure thermale je ne goutte pas à la charcuterie. J’ai vu votre annonce,
et je passe vous voir. Votre machine là... la lipo... cavitation, elle peut
faire quelque chose pour moi ?
Je lui ai expliqué qu’elle devrait faire deux
dizaines de séances d’abord sur tout le corps avec des lampes qui chauffent la
graisse, puis avec des électrodes qui envoient des ultrasons, puis...
- Vous voyez, c’est un peu comme les bulles
de savon que les enfants soufflent, les ultrasons activent les bulles de graisse puis les
éclatent, PAF.
- ah ? et on perd beaucoup ?
- Si vous dites que vous êtes végétarienne
certains jours pourquoi pas ? Les jours où vous n’êtes pas végétarienne
c’est plus délicat, plus tendre, plus... vous mangez quoi quand vous
n’êtes pas végétarienne ?
- Un peu, du saucisson, une côte de porc et
de la salade. Pas davantage.
- Et à la cure ? ?
- Je souffre. Je me sens vide. Mon
métabolisme, vous comprenez ?
- oui... bien sûr. Je peux vous proposer
aussi des massages drainants et la lipocavitation quand vous aurez commencé à
fondre.
- Les soucis fondent avec la graisse ?
- si on veut. C’est une manière de voir les
choses. Vous avez quel budget ?
- Ben... si j’économise sur la viande, le
jambon, les saucisses, les... Tout dépend du prix, c’est cher ?
- Quand on a un besoin de santé, on ne compte
pas.
- Oui bien sûr, mais...
- Et votre mari, il fait quoi, enfin vous
êtes mariée ?
- un peu. Euh... il était charcutier aussi.
Nous travaillions ensemble depuis quarante ans.
- comment « un peu » ?
- depuis que je suis végétarienne, mon mari
ne mange plus à la maison, il va... je ne sais où... d’ailleurs. Tant mieux
finalement. Quand il n’est pas là je n’ai pas des envies de charcuteries.
- et il n’est pas en cure ?
- non, si, il est là bien sûr, mais je le
vois encore moins souvent qu’à la maison. Il s’est fait des copines. A table,
il se place loin de moi, et il rigole avec elles.
- et vous ? vous ne vous êtes pas fait
d’amis ?
- A part lui, non. Je pèse trop lourd.
J’embarrasse à table, vous comprenez. Mes voisins rétrécissent des coudes.
- Venez, je vais vous mettre sous les lampes,
c’est cadeau, un essai.
-
Merci madame.
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