Ouidah,
berceau du vaudou, nous commençons notre visite avec le Temple des Pythons.
Le
gardien – que je questionne sur ses scarifications, m'explique
qu'avant l'existence d'un état civil, elles renseignaient sur
l'identité des personnes (origine, peuplade, famille) – puis, avant
d'entreprendre la visite, nous parle des deux sortes de pythons
le
python anaconda ou boa constrictor
qui étouffe sa proie en s'enroulant autour d'elle et ne la lâche
plus
le python royal,
espèce en voie de disparition qui lui ne pique ni n'étouffe
Le python royal est
un animal sacré, une des divinités vaudou et pour cela très
respecté. Lorsque quelqu'un a la chance d'en trouver un dans sa
demeure, c'est signe de bonheur et de grande chance, de même si l'on
voit un python royal dans la forêt. On peut aussi l'emporter au
temple. Cet animal pond des oeufs (gros comme ceux d'un canard), les
enfouit dans le sable où ils éclosent grâce au soleil.
Un prêtre vaudou
est présent dans le temple où il préside aux cérémonies. La
légende raconte qu'il ouvre la porte du temple pour que les pythons
puissent sortir et aller manger et qu'ensuite, ils rentrent seuls au
temple, connaissant le chemin. Il leur faut 90 jours pour digérer.
A l'entrée de la
cour, un immense iroko sacré , vieux de 600 ans, enserré dans les
lianes d'un ficus étrangleur, sert d'autel pour les sacrifices. Tous
les 10 janvier de chaque année se déroule une grande fête vaudou
pendant laquelle sont faites des offrandes
Dans la cour, une
très grande zingbin (vieille de 200 ans), jarre de terre servant à
la purification. Tous les 7 ans, 41 jeunes vierges (aujourd'hui 41
femmes ménopausées car on ne sait plus qui est vierge ou ne l'est
pas !) vont chercher de l'eau au marigot qu'elles mélangent à des
herbes et du sang de boeuf. Alors a lieu une grande cérémonie avec
offrandes et purification. On puise l'eau sacrée du zingbin et on va
purifier les maisons.
Le moment-clé
arrive lorsqu'on entre dans le temple lui-même où glissent,
dorment, grouillent une trentaine de pythons royaux que le gardien
saisit délicatement et vous offre pour qu'ils s'enroulent
lascivement sur vos épaules, cou et bras. J(y pénètre, m'en
approche, les photographie mais ne parvient pas à me résoudre à
m'en faire un collier.
Aimé -16 ans –
qui nous accompagne dans ce périple sur la côte atlantique, n'est
là que pour ça. Un autre de ses émerveillements fut l'Océan,
qu'il n'avait jamais vu, mais ça c'est une autre histoire. Au début
de ces caresses froides, Aimé est peu rassuré, sa moue en atteste.
Puis, il s'enhardit et se laisse enlacer par plusieurs, caressant
même un bébé.
Juste en face du
temple s'érige la cathédrale de Ouidah. Le gardien nous explique
que le vaudou est bénéfique mais qu'il peut être aussi maléfique ;
un vaudou qui est aussi chrétien, apprend de Dieu à ne faire que le
bien. C'est la raison pour laquelle ces deux religions sont indispensables l'une à l'autre et que la cathédrale a été construite en face du temple, nous déclare t-il dans un syncrétisme partagé par beaucoup.
... et la plage, l'immense plage, la plage aux cocotiers, on n'ose y croire.
Là
ne s'arrête pas notre visite. Maintenant nous attend le fort
portugais, où se trouve aujourd'hui le musée de Ouidah. La visite
du musée sera peu enrichissante par la faute d'un guide pressé,
débitant son laïus en nous faisant traverser les différentes
salles au pas de charge. Cependant, comparé à celui d'Abomey, ce
musée récèle peu de trésors. Nous y avons essentiellement vu des
reproductions de photos, dessins parus dans le journal
« L'illustration » et un très beau vase en porcelaine,
utilisé comme tam-tam dont on se servait pour annoncer la mort du
roi.
Ce
fort servait à parquer les esclaves avant leur départ. Ils étaient
stockés dans la cour, mis aux fers par les chevilles et le cou, sous
le soleil et la pluie jusqu'à ce qu'un négrier arrive et les
embarque. Ils avaient auparavant été capturés, les rois y ont
largement participé, de même que nous,
colons qui
échangions ces captures contre des briques, du whisky, du fer, du
tabac, des boutons ou des perles. On pouvait encore échanger ces
esclaves contre des canons. Un canon valait sept hommes robstes ou
vingt et une femmes.
Il est des lieux où
l'on aimerait ne pas être qui on est, ni traîner comme un boulet la
honte qui nous fait baisser la tête et désirer rentrer sous terre.
Lorsqu'un négrier
arrivait dans le golfe de Guinée, les esclaves avaient sept
kilomètres à parcourir pour se rendre du fort à la plage. Sept
kilomètres que nous parcourrons à pied : « la route des
esclaves » jusqu'à la Porte du non-retour.
Cette
route est aujourd'hui un parcours mémoriel . Tout au lon de ce
chemin, des statues (malheureusement non-entretenues) de Cyprien
Tokoudagba ( dont on célébrait justement ce jour-là l'enterrement
à Cotonou). A mi-chemin, un mémorial, marqué par une plaque,
inaugurée en 2000 par C. Tobira, au-dessus d'une immense fosse
commune où l'on poussait les esclaves trop faibles dont on estimait
qu'ils ne supporteraient pas la traversée et on les enterrait
vivants.
On débouche sur une
immense porte
la Porte du Non-Retour entourée de monuments qui ouvrent sur l'Océan grandiose
une perspective sur la beauté et l'horreur.
J'y appris, entre
autres horreurs, que dans les négriers, les hommes étaient
enchaînés nus, à plat-ventre et les femmes sur le dos, ainsi les
maîtres n'avaient pas beaucoup à hésiter sur le choix de qui ils
violeraient.
Tout près de la
porte du non-retour, un monument où est creusé la carte du Bénin,
La
Porte du Retour par
laquelle une partie des esclaves est revenue sur sa terre
d'origine.
... et la plage, l'immense plage, la plage aux cocotiers, on n'ose y croire.
Les esclaves étaient
essentiellement emmenés au Brésil, à Cuba ou à Haïti, pays qui
ont reçu une influence culturelle forte du vaudou béninois. En
contrepartie, les métis qui sont revenus au pays ont également
rapporté des coutumes, fêtes, (la fête des jumeaux très
pratiquée au Bénin, vient du Brésil), légumes, recettes,
croyances du pays où leurs ancêtres avaient été déportés.
Mais, chut, ne le
répétez pas, les béninois préfèrent penser que ces coutumes sont
les leurs, ancestralement. Qui leur en voudra ?
Nous manquerons « la
forêt sacrée » car Patrice, notre ami et chauffeur,
originaire de Ouidah, nous emmena rendre visite à toute sa famille
de pauvres fermiers. Cette visite s'avéra si riche de rencontres et
de gestes quotidiens que nous ne regrettons rien.
2 commentaires:
"Manquer" la forêt sacrée pour aller rencontrer des gens, c'est le style dans le voyage.
Pierre Bergounioux dit du style que c'est une manière de pensée.
Ta relation de voyage me donne à pensée, et ton style me touche.
Amitiés
Et tes commentaires me font un tel bien dans les moments que je vis
Merci
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