"Le mot est le substratum de toute pensée ; il en est la nécessité ; il en est aussi la forme, et la couleur, et l'odeur ; il en est le véhicule : et bai ou rubican, isabelle ou aubère, pie ou rouan, ardoise ou jayet, doré ou vineux, cerise ou mille-fleurs, zèbre ou zain, le front étoilé ou listé, peint de tigrures ou de balzanes, de marbrures ou de neigeures, - le mot est le dada qu'enfourche la pensée. Mais ce n'est pas pour cela que j'aime les mots : je les aime en eux-mêmes, pour leur esthétique personnelle, dont la rareté est un des éléments ; la sonorité en est un autre. Le mot a encore une forme déterminée par les consonnes ; un parfum, mais difficilement perçu, vu l'infirmité de nos sens imaginatifs. ..."
Rémy de Gourmont "Le chemin de velours" L'ivresse verbale
(Le correcteur d'orthographe semble avoir la tête sens dessus-dessous, il affiche beaucoup de rouge ; quant à L Bourg, tous ces points-virgules doivent lui mettre du baume au coeur. A jeudi ...)
2 commentaires:
on en mangerait
Quel gourmand de mots, de Gourmont ; le festin s'annonce royal.
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