Il fait très chaud même si l'après-midi touche à sa fin ; la chaleur exaspère l'odeur pénétrante de l'herbe fauchée qui sèche depuis plusieurs jours au soleil. Mes bras et mes jambes nus démangent. Les hommes, en maillot de corps bleu sont collants de sueur et quand ils enlèvent leur casquette pour s'éponger le front, j'aperçois leur crâne blanc, à la peau fragile de ventre de poisson. Ils soulèvent d'énormes fourchées de foin qu'ils entassent sur la charrette déjà bien ronde et dorée, tractée par deux vaches attelées, qu'une femme vient parfois faire avancer, s'aidant d'une longe. Quelques femmes aussi soulèvent le foin, en plus petites quantités et se relaient tout au sommet de la charretée pour équilibrer le chargement en répartissant le foin. D'autres trainent d'énormes râteaux de métal, à l'emplacement des andains déjà ramassés par les hommes. Plusieurs voisins et voisines sont venus donner la main, c'est déjà signe de fête. Nous, les enfants repassons en tous sens, par tout le pré, avec de doubles râteaux de bois pour qu'il ne reste pas un brin du précieux fourrage que nous nous dépêchons de traîner jusqu'au prochain andain, là où les hommes s'en saisiront pour le hisser.
Parfois, une courte pause : une femme est allée chercher un panier de bouteilles mises au frais sous les arbres au bord du pré. Le choc des verres et des bouteilles éveille tout à coup une fraîcheur ; la piquette fait rire hommes et femmes, et leurs rires, si rares, nous désaltèrent plus encore que l'antésite.
La journée, déjà bien avancée, dure jusqu'à la nuit, parfois les premières étoiles apparaissent lorsque les charrettes s'ébranlent lourdement pour la grange. Ultime récompense, les bras des adultes nous hissent au sommet des charrettes surchargées et nous rentrons avec les attelages, dominant le pré, plus haut que les adultes dont nous surplombons le sommet des casquettes et des foulards des femmes. On ose à peine bouger, enivrés de foin, calés dans notre nid, heureux, épuisés. Si le temps ne menace pas, le foin sera déchargé le lendemain matin, sinon il sera rentré immédiatement par le porche arrondi de la grange, derrière la maison.
Nous sommes envoyés au lit. Avant de nous endormir, nous tournons beaucoup sur le matelas de feuilles de maïs, le corps encore suant, les brindilles de foin nous titillant la peau, du soleil emmagasiné sous les paupières brûlantes.
Parfois, une courte pause : une femme est allée chercher un panier de bouteilles mises au frais sous les arbres au bord du pré. Le choc des verres et des bouteilles éveille tout à coup une fraîcheur ; la piquette fait rire hommes et femmes, et leurs rires, si rares, nous désaltèrent plus encore que l'antésite.
La journée, déjà bien avancée, dure jusqu'à la nuit, parfois les premières étoiles apparaissent lorsque les charrettes s'ébranlent lourdement pour la grange. Ultime récompense, les bras des adultes nous hissent au sommet des charrettes surchargées et nous rentrons avec les attelages, dominant le pré, plus haut que les adultes dont nous surplombons le sommet des casquettes et des foulards des femmes. On ose à peine bouger, enivrés de foin, calés dans notre nid, heureux, épuisés. Si le temps ne menace pas, le foin sera déchargé le lendemain matin, sinon il sera rentré immédiatement par le porche arrondi de la grange, derrière la maison.
Nous sommes envoyés au lit. Avant de nous endormir, nous tournons beaucoup sur le matelas de feuilles de maïs, le corps encore suant, les brindilles de foin nous titillant la peau, du soleil emmagasiné sous les paupières brûlantes.
2 commentaires:
Je découvre aujourd'hui ton "Foin", et je m'ennivre de l'enfance que je revis dans tes lignes. A la campagne, dehors il fait si chaud, les guêpes bourdonnent autour de moi, je ferme les yeux, j'ai neuf ou dix ans,l'après-midi se tord au soleil, il va falloir retourner dans le pré, une larme tombe sur le clavier de mon ordinateur...
Pourquoi le mot "foin" entraine-t-il forcément vers des souvenirs d'enfance: peut-être est-ce l'odeur qui domine...J'ai plongé aussi !
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