II. Ecriture
chirurgicale
Prenez une pointe de crayon
Dessinez les contours du récit
Gommez les adverbes, le trop-plein des substantifs
Puis posez un voile parfumé sur l’énigme que vous souhaitez
développer
Donnez vous pour règle d’ajouter une beauté simple à la
narration
Procédez à l’endormissement de vos dispositions correctives
Ne vous acharnez pas sur votre labeur, vous ne partez pas
pour une terrible bataille envers et contre vous
Renoncez à la force guerrière du bien dire
Ecrivez comme si vous posiez une caresse crissant sur le
grain du papier
Dites vous que vous faites apparaître un sens non-né
Il n’y a rien de plus majestueux qu’une douleur de l’écrire
soumise à l’anesthésie du mouvement de l’être en-train-de-devenir-l’écrivain-qui-s’ignore-encore
Pansez les blessures noires de votre amour propre, de vos
humeurs moroses, de vos désirs déçus
Avec un phonoscript enregistrez vous, puis écoutez le
nouveau monde qui commence à poindre
Recousez les morceaux de chair de vos brouillons épars, comme
si vous entriez dans une maison génoise : respectueusement
Ajoutez de la ferveur à vos ultimes mots
Le dernier jour, relisez-vous à travers le miroir magique de
l’oubli de la nuit. Vous y verrez les rouages de la machine à explorer l’imaginaire
qui se sont joués de vous.
Faites lire votre texte : le lecteur, l’éditrice, s’y
verra comme si vous aviez écrit pour elle, pour lui, sur elle, sur lui
Cette lecture recomposera votre récit, le réinterprètera, y
déposera sa propre légende, sa propre patte.
Vous aurez peut-être le sentiment de vous éteindre comme une
peau de chagrin, d’être une lanterne qui a épuisé son huile d’avoir trop
brillé, constellé, scintillé.
Ne croyez pas que vous avez raté, n’arrachez pas les pages
Abandonnez délicatement votre texte comme on offre un filtre
d’amour à l’absente, portez au bûcher votre possessivité, votre lâcheté, votre mélancolie.
Laissez le texte s’incorporer en nous : il
deviendra œuvre, abandon de la simple présence.
2 commentaires:
les 2 à la suite, c'est encore mieux. J'ai entendu que quelque part en France il y avait la fête des mots (vers chez George Sand je crois), je trouve que c'est bien la fête ici aussi
Comme finalement, je ne m'y suis pas mis (ça viendra...), n'y tenant plus, ce soir, j'ai lu tous vos textes les uns derrière les autres. J'aime particulièrement celui-ci : quelle belle leçon d'écriture, quelle poésie, quelle justesse
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