Liliana
Elle a 30 ans, elle
est journaliste, vit à Paris et côtoie Albert Camus et Louis
Guilloux, elle aime cette vie d'intellectuelle.
A 8 ans , dans une
école de Venise, elle s'oppose à une enseignante qui a puni
injustement une de ses camarades : elle ne supporte pas une
vérité dénaturée.
Elle a 33 ans , un
premier roman écrit dans sa langue maternelle est refusé chez les
éditeurs italiens, alors elle le réécrit en français : La
Vestale sera publiée chez Gallimard .
Elle a 18 ans,
vient de quitter son lycée à Venise pour s'inscrire à la fac de
Padoue, en philosophie.
Elle a 40 ans et
traduit Camus, Gracq, Breton en italien.
Le 10 mars 1950, à
43 ans , elle va au théâtre juif de la rue Guy-Patin à Paris avec
Louis Guilloux, voir les marionnettes. Elle vit une histoire d'amour
discrète avec lui. Elle lui écrira plus de cinq cent lettres.
A 50 ans, elle est
journaliste pour la Rai et des radios françaises.
Elle a 39 ans, elle
habite un appartement dans le palais situé de l'autre côté du
canal qui borde la place San Zanipolo et, chaque matin elle peut
fixer le terrible Colleoni sur son cheval de bronze. Entre les
visites de Guilloux, elle arpente Venise, scrutant et narrant dans
Carnet vénitien le temps
éclaté de la vie dans sa ville tout
au long d'une année.
Elle
a 28
ans, elle est une jolie femme
brune, élégante , raffinée et mystérieuse :
la petite Angelina la fille de sa voisine lui murmure un soir qu'elle
est si belle qu'elle ressemble à un ange ; Liliana se sent des
ailes !
Au mois d'avril
1951, pendant une dizaine de jours, elle découvre la Bretagne avec
Guilloux : ce sera Carnac, Brest, les calvaires. Elle emplit son
regard des couleurs de la Bretagne, entre le gris tendre des maisons,
le jaune des ajoncs et le bleu doux du ciel.
Elle
a 63
ans, vit très seule, mais assure des conférences au sein d'une
association oeuvrant pour le rapprochement des pays d'Afrique avec
l'Europe et fait de nombreux
voyages. Elle est
toujours obsédée par la vérité.
Elle
a 42 ans et traduit en français Les Fiancés
de Manzoni avec Guilloux, elle se prénomme alors Silvana par
discrétion.
Elle a 68 ans ,
c'est le 2 juillet 1985 : elle meurt à l'hôpital de Mestre.
A la fin de sa vie,
elle découvre le Japon , la philosophie zen, la littérature, la
poésie et durant sa dernière année se consacre à composer des
haikus. Ce sera sa dernière activité littéraire.
Elle
Elle a 45 ans et se
trouve être une habituée des halls de gare et des arrêts de bus :
ce matin, c'est pour l'île d'Aix qu'elle s'évade avec sac à dos ,
où est arrimée sa canadienne, un couteau à huîtres dans une
poche et un livre dans l'autre : il lui faut l'air de l'océan
et la solitude pour quelques jours.
Elle a 24 ans,
rejoint un stage de zen et on vient de lui voler son sac avec ses
papiers et son argent ; c'est la troisième fois que çà lui
arrive, elle se pose des questions mais ne trouve pas de réponses.
Elle a 33 ans avec
plein d'enfants autour d'elle, c'est la vie qu'elle a choisie , enfin
pas tout à fait quand même, des rêves continuent de la hanter
qu'elle rejoint dans les livres qui la sauvent de tout.
Elle a six ans,
avec son père et son frère elle construit des châteaux de sable
sur une plage de l'océan. Un jour, elle partira elle aussi comme ces
petits voiliers qui voguent là-bas très loin.
Elle a 18 ans ,
l'avenir l'angoisse, elle ne sait pas où elle va. Elle est très
solitaire et regarde autour d'elle avec une inquiétude d'ombre
au fond des yeux: elle n'est pas faite pour ce monde là.
Elle a 40 ans et a
compris qu'on ne construit pas sa vie uniquement sur des rêves,
alors elle jette le sac de matelot de son grand-père sur l'épaule,
où elle a glissé le nécessaire pour quatre jours de vie et un
livre de poèmes qui ne peut se lire qu'à Venise, et elle réalise
le rêve , après des heures de trains avec changements, attente,
angoisse, de déambuler seule dans Venise.
Elle a 55 ans, n'a
prévenu personne et s'est affalée dans un train, elle ne sait pas
où elle va et çà lui est égal. Elle se dit qu'elle voudrait bien
retourner à Venise.
Elle est à Venise
.
2 commentaires:
les détails d'une vie, détails minuscules du quotidien qui font la matière et la beauté de tes deux personnages.
Mais cette Venise, au fil de tes textes, me donne une envie de plus en plus pressante... d'Italie ! (ça se soigne?)
je peux te faire une ordonnance: un billet de train! mais je ne crois pas que la sécu rembourse....
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