En puisant dans la boîte
à mots, m'est tout à coup apparue la solution pour ne pas finir ma
vie trop à l'étroit avec retraite de misère.
Des
rêves, j'en ai eus, en veux-tu en voilà et l'on m'a dit qu'ils sont
le bien le plus précieux …
Depuis
celui de la petite enfance où lorsque rien ne me convenait, je me
consolais d'être l'enfant trouvée dans une poubelle, recueillie par
de méchants parents, mais, en réalité l'authentique enfant
abandonnée d'une très belle actrice qui survenait pour me sauver et
m'emmener avec elle. Puis, il y eut celui de m'enfuir, loin, si loin
- sans que quiconque ne soit prévenu - que toute trace de moi
disparaissait et qu'une toute nouvelle vie recommençait. J'ai
ensuite failli être femme de ministre : un lointain correspondant
gabonais ayant un jour, inopinément, déboulé chez mes parents pour
venir me chercher, en vue de m'épouser. Je
passe tous les rêves de sensualité, polissonneries diverses, tous
les rêves érotiques et les folles passions qu'ils ont engendrés,
ceux d'ivresse et de désir pour des rencontres passagères.
Plus prosaïquement, j'ai aussi
rêvé d'être journaliste, courant le monde et parcourant tous les
continents, le monde entier me suffisant à peine. Et puis, il y eut
le rêve fou de vie à la campagne, à l'écart de toute activité,
vie au jour le jour à cultiver mes légumes et celui, encore plus
fou, d'être nonne et de méditer toute la journée, sans enfant ni
mari, sans travail ni passion.
Inutile
de poursuivre puisque tous ont été broyés, laminés par une
réalité aiguisée comme une lame de rasoir, dans un monde sans
merci et qui se délite de plus en plus, devant lesquelles il a bien
fallu plier l'échine. Et de déboires en désillusions, la vie
cahin-caha m'a menée par le bout du nez alors que je pensais la
mener à la baguette.
Donc,
ma boîte à mots me suggère de vendre tous ces rêves à l'encan :
dès la semaine prochaine, je les apporte bien emballés à la salle
des ventes de Sotheby's et les mets aux enchères.
Comme
le monde dans lequel nous vivons semble bougrement en mal de rêves,
sans doute ferais-je d'excellentes affaires avec mes rêves en prêt
à porter. Et puis, aujourd'hui, geignante comme un vieux meuble à
quoi me serviraient-ils ? Je constate que la vie est brève et le
désir sans fin, et que je n'ai plus, ni les forces pour les mener à
bien ou la naïveté, de simplement y croire. L'inétouffable
espérance qui m'animait, s'amenuise de jour en jour. Prévoyante, je
me suis fait un manteau de mes fictions, peut-être me tiendra t-il
le corps au chaud pour ce qui me reste à vivre ?
1 commentaire:
tu nous amène au pays des merveilles !
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