dimanche 1 avril 2018
statues tombales
Sur son promontoire, il regarde l'au-delà des pics et des glaciers, s'adosse aux murs de l'Eglise, tandis que les pierres tombales résistent sans se briser aux vents et au gel, bercées par les flots du torrent, en contre-bas.
Comme le mourant suppliant ses proches de le laisser glisser dans le sommeil inévitable, les défunts font face à la trop grande sollicitude accordée à leurs noms, souvent illustres, mais qui les empêche de vivre leur mort, en paix. Ce n'est pourtant pas Le Père Lachaise. Juste un minuscule cimetière de l'Oisans. L'indécence touristique a le même visage.
Alors non, je n'irai ni cracher ni prier sur vos tombes. Je n'irai pas vous parler, ni vous écouter, ni lire vos patronymes et dates de vie et de décès, ni voir qui a la plus belle tombe, la plus originale ou la plus sobre. Nous, les vivants provisoires, vous devons le silence contre le bavardage, la sobriété contre la curiosité. Bien sûr, je passe régulièrement sur les bords du grand mur protégeant votre repos et je pense à vous. Bien sûr, vos sépultures sont visibles depuis le bas de la route qui gravit en souffletant jusqu'au village, et vous rappellent à nous. Mais je n'irai pas déambuler entre vos croix. Vous ne faites pas musée. Vous n'êtes pas des statues tombales que l'on viendrait visiter comme des ruines étrusques.
Vos existences ont sculpté le paysage, chaque maison accolée aux autres a été construite par vos mains, habitée par vous, chaque cailloux des sentiers conserve vos énergies passées, chaque sente a été creusée par vos pas courageux, chaque goutte d'eau se souvient de vos luttes contre l'hésitation. Alors, pourquoi irais-je sur vos tombes ? Vous Êtes l'Oisans, vous êtes ces montagnes, vous êtes le Vénéon, vous êtes partout dans le souffle, la pluie, les rayons du soleil, la neige, la glace, les pierres, les forêts. Partout, sur et dans la carte.
Non. Définitivement: je n'entrerai pas dans le cimetière de Saint-Christophe.
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4 commentaires:
Et pourtant c'est un 1er Avril... Mais n'empêche texte très fort et ode aux vivants. Hauts les morts!
c'est bien comme ça
Comme je partage ce que tu écris avec une telle force. Nous ne nous sommes pas concertées, nos démarches sont légèrement différentes, mais nos réactions identiques. C'est là, partout autour de nous qu'ils sont tous, nous façonnant ainsi que le paysage. Mon texte attend encore un peu, je veux avoir le temps de copier qqs photos. Le tien est superbe, cette ode au silence très forte
Il y a de la révolte dans l'air!!!! J'adore...
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