
L’ailleurs se dissimule aussi dans les bas-fonds de soi. Il faut s’infiltrer, creuser, se laisser guider par les rayons de lumière qui suintent d’entre les ombres, avancer à tâtons dans l’obscurité des galeries à emprunter. Croire ou espérer qu’il y a toujours un fil auquel s’accrocher qui traverse ces zones embrumées et confuses où malgré tout le pas se dirige. On est tous, un jour ou l’autre, cet homme prostré sur une chaise, à laisser décanter en lui le trop plein d’événements, d’informations, de souvenirs bons ou moins bons qui le hantent et l’empêchent d’avancer. Il ne reste qu’un vêtement de silence à endosser et suivre, trouver, chercher à voir, à dire ce qui, dans l’intériorité de chacun peut arriver à être suscité, effleuré, espéré. Ce fil de soi à retrouver et à ne pas lâcher. Ce que l’on n’a jamais vraiment pris la peine de regarder, ou que l’on a trop vite recouvert des hardes de la bienséance, ou que l’on a délibérément enfoui au plus loin de son épiderme. C’est là dans un lieu reculé, solitaire et silencieux, sur une chaise de simplicité, bancale peut-être, que l’homme se fait face et peut, dans sa singularité première, tenter de dénouer obsessions, vertiges, questionnements, incertitudes, tout ce qui l’empêche d’être, ou qui l’a conduit sur des chemins dont il veut se déprendre. Et si son visage disparaît c’est qu’il est sur le sentier d’une métamorphose, celle qui se doit de s’accomplir si l’on a le nom d’homme. La lumière filtre, s’insinue, met au jour ce qui doit l’être .Le visage ne peut encore être éclairé, il n’a pas achevé sa mue, il ne peut être déchiffré. Nous sommes sans visage. Nous ne savons pas qui nous sommes tant que nous nous n’avons pas acquis cette conscience d’être sur un chemin de mutation. Dans le vécu de tout homme la ligne droite n’existe pas, tout est méandres et arabesques, adieux et abandons, rencontres et retrouvailles, décompositions et recompositions. En un mot, création. Prophète de soi-même, c’est à cela que l’on est appelé. Tout se passe constamment entre moments d’ombres et poussées de lumières, vagues de voiles qui cachent puis délivrent les veines de ce qui qui grandit en soi. Approcher à petits pas du mystère que l’on est à soi-même, poursuivre notre propre création et recréation de qui on est, un travail à mener, à peaufiner tout au long de ses jours. Se sentir alors vivant et non vécu.
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