A short Chaufferette's story
Mon métier fut
un métier de chien. En effet, les hommes contemporains de mon époque
d'activité, tendaient vers le feu leurs pieds entortillés de chiffons, par la
suite habillés de chaussettes de laine, après les avoir retirés des sabots de
bois, puis plus tard des bottes de caoutchouc. Lorsqu'ils passaient à table
leur chien, et c'est là que nos métiers se rejoignent, souvent venaient se
coucher sur leurs pieds l'hiver. Pour réchauffer les leurs, délicats, les
femmes, elles, m'utilisaient, une fois mon ventre de fer gavé de braises
brûlantes, durant les veillées et les journées où elles devaient travailler à
la table pour quelques fabrications de commande, broderie, chapelet ou fleurs
artificielles, croix et couronnes de perles de verre à déposer sur les tombes.
C'est ainsi que je vis passés quelques générations de pieds de toutes les
sortes, des droits, des plats, des crochus, des tordus, des élégants, des
altiers, des fiers, des humbles, des déformés par la maladie et des parfaits.
Ah! délicieux moments passés sous des effleurements lissant à force de caresses
mes éléments de bois protecteurs qui de brut devinrent sous les cajoleries
tendre aussi lisses et luisants qu'un vieux meuble amoureusement ciré.
Hélas, ces
temps-là sont révolus. De nouveaux appareils de chauffage ont fait leur
apparition et condamné les chaufferettes à l'oubli, sonnant ainsi le glas de
leur utilité, entraînant par là même leur destruction massive.
Je ne dois
d'être en vie qu'à la piété filiale qui me sauva de la décrépitude.
Mais prenez
garde, êtres humains, qu'un jour on oublie à quoi vous serviez, et qu'alors
quelques plantes vertes, ou quelques pierres ayant surpassé l'homme, leurs
descendants ne vous envisagent avec un air tout aussi dubitatif que celui que
vous affichez lorsque vous m'examinez aujourd'hui.
2 commentaires:
destruction massive de chaufferettes : 3 morts et 150 000 blessés, sans compter les disparus et les grands brûlés.
Et une rescapée, celle de Bern.
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