" C'est extraordinaire, cette patience ou cette passion qu'il a fallu pour tout nommer, et par exemple jusqu'aux modes d'expression sonore des animaux, que des verbes la plupart du temps oubliés désignent. Gilles Aillaud, dans son Préambule, en a dressé chemin faisant la liste :"l'aigle glatit, le chameau blatère, l'éléphant barrit, le rhinocéros barète, la hyène hurle, la caille pituite, margotte et carcaille la chèvre bèle, l'ours gronde et grogne, le canard cancane, le cygne trompette, l'oie cacarde et nasille ..." Et ainsi de suite... Mais quels furent ces mots, et que sont-ils encore, de si faible emploi, ou si rare ? On voit bien que ce sont des énergies qui ont été captées, que la pluie de l'Un, dont le langage disperse les gouttes, est une dissémination infinie et qu'avec nos doigts pointés et nos noms brandis, essayés, comme avec nos images, nous sommes à la traîne et qu'en deçà de toute langue, de toute modulation, de tout énoncé, le silence et les cris des animaux, l'un et les autres effets de leur absence au langage tant décriée, valent au moins comme le signe répété et insistant de leur précédence."
Jean-Christophe Bailly "Le versant animal" Bayard-Le rayon des curiosités
1 commentaire:
Tant de mots rares et précieux, et si peu utilisés, tant de mots inutiles, galvaudés, vidés de leurs substances, de leur étymologie, tant de malentendus, et si peu de silence
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