Mon métier est un métier
d'homme.
Il nécessite jeunesse, souplesse, absence d'arthrose car il
se pratique à genoux, dans une position relativement inconfortable
mais récompensé par tant de plaisirs suaves qu'aucun ne saurait
l'égaler. Un seul inconvénient, il est saisonnier, on ne peut
l'exercer que lorsque les températures commencent à chuter
suffisamment pour que ces dames commencent à avoir leurs menus pieds
tout froids. Par conséquent, sa pratique est inexistante sous les
climats tropicaux.
Je remplis une
chaufferette métallique - délicatement ouvragée – de braises
rougeoyantes et scintillantes. Je referme son couvercle surmonté de
trois tasseaux de bois et le prends par sa poignée de bois. Ce chauffage
portatif et individuel en main, je propose mes services aux belles
dont je vois les joues ravivées par le froid, celles dont le bout du
nez est rougi par le frimas, celles qui soufflent sur leurs doigts en
accélérant le pas, celles qui tapotent des pieds pour réchauffer
ces doux animaux blottis dans deux bottes d'agneau garni.
Une fois, arrivés chez
elle, une fois qu'elle est installée dans son fauteuil, je glisse
sous ses jupons l'heureux objet brûlant, j'installe délicatement
ses doux petons gelés sur la bouillote, puis je me glisse à sa
suite dans les froufrous, et blotti là-dessous, dans le noir, le
douillet et le chaud, j'attise les braises avec beaucoup de doigté.
Il ne faut ni souffler trop fort, ni laisser la braise s'étouffer :
tout un art délicat à pratiquer à quatre pattes. Art du souffle
qui attise mais point trop. Discret. Retenu.
Avec beaucoup
d'expérience, j'ai appris à souffler très lentement et longuement
et à inhaler à pleins poumons les parfums délicieux et parfumés
là-dessous prisonniers, ces sucs révélés par la douce chaleur des
braises de bois tels ceux d'une volaille annoblie par le foie gras
glissé sous sa peau et qui mijote lentement au coin du feu, des
heures dans une cocotte.
Je suis totalement
récompensé lorsque j'entends le souffle lent et régulier de la
dame qui règlant sa respiration sur la mienne, s'est assoupie.
Mon métier est vraiment
un métier d'homme.
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