Consigne de l'atelier - court - d'hier soir : se servir d'une phrase de Gaëtan Soucy - écrivain québécois décédé l'été dernier - pour débuter notre texte (la phrase extraite de "La petite fille qui aimait trop les allumettes" est ci-dessous en italique)
Nous avons dû prendre l'univers en main mon frère et moi car un matin peu avant l'aube papa rendit l'âme sans crier gare. Et ce ne fut pas une mince affaire car il fallut d'abord franchir cette incommensurable transformation qu'est le passage de l'aube au jour avec tout ce que ce passage inclut comme modification des couleurs, des perceptions de l'espace, des changements d'humeur, avec cette immense fragilité de l'aube qu'un rien peut faire voler en éclats. Une mutation totale, ce passage de la nuit noire au matin qui passe par toutes les subtiles nuances de l'aube blanchissante, rosissante, éclatante. Et c'est l'univers tout entier que nous dûmes saisir à bras le corps, pas seulement ce petit bout de terre où s'écoule notre vie mais toute notre galaxie qu'il nous fallut faire basculer sur son axe. Papa l'avait toujours tenu ce rôle, cette évidence nous saisit. C'était lui qui maintenait la marche du monde, nous ne nous en étions jamais occupés, ne l'avions jamais aidé ni secondé. Si peu de temps s'écoula entre le début de sa maladie et sa mort brutale qu'aucun d'entre nous n'eut le temps ni la présence d'esprit d'être conscient de ce qui allait advenir. Et c'est pourquoi, pendant de nombreux jours, le monde connut un tel cafouillage. D'aubes ratées en aubes trop lentes ou trop rapides. Les gens arrivaient en retard, rataient leur train, certains en vinrent même à ne plus quitter le lieu où ils étaient la veille pour être sûrs de ne pas rater leur entrée le lendemain.
Nous avons dû prendre l'univers en main mon frère et moi car un matin peu avant l'aube papa rendit l'âme sans crier gare. Et ce ne fut pas une mince affaire car il fallut d'abord franchir cette incommensurable transformation qu'est le passage de l'aube au jour avec tout ce que ce passage inclut comme modification des couleurs, des perceptions de l'espace, des changements d'humeur, avec cette immense fragilité de l'aube qu'un rien peut faire voler en éclats. Une mutation totale, ce passage de la nuit noire au matin qui passe par toutes les subtiles nuances de l'aube blanchissante, rosissante, éclatante. Et c'est l'univers tout entier que nous dûmes saisir à bras le corps, pas seulement ce petit bout de terre où s'écoule notre vie mais toute notre galaxie qu'il nous fallut faire basculer sur son axe. Papa l'avait toujours tenu ce rôle, cette évidence nous saisit. C'était lui qui maintenait la marche du monde, nous ne nous en étions jamais occupés, ne l'avions jamais aidé ni secondé. Si peu de temps s'écoula entre le début de sa maladie et sa mort brutale qu'aucun d'entre nous n'eut le temps ni la présence d'esprit d'être conscient de ce qui allait advenir. Et c'est pourquoi, pendant de nombreux jours, le monde connut un tel cafouillage. D'aubes ratées en aubes trop lentes ou trop rapides. Les gens arrivaient en retard, rataient leur train, certains en vinrent même à ne plus quitter le lieu où ils étaient la veille pour être sûrs de ne pas rater leur entrée le lendemain.
Heureusement que l'univers avait acquis un certain nombre d'habitudes et qu'il se mit lui-même quasi automatiquement dans ses anciens rails, sans quoi nous courions à la catastrophe.
Après quelques semaines, tout rentra dans l'ordre et nous nous demandions, mon frère et moi, si de là-bas papa ne s'était pas remis au travail.
2 commentaires:
j'aime beaucoup, c'est dense, un texte qui a de la pulpe, du corps tout en finesse: quel courage et quelle énergie dis-donc pour fabriquer "prendre l'univers en main" en quelques minutes hier soir !
"ça c'est écrit tout seul, sans aucune volonté, ni courage. Etais-je vraiment là ?"
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