Les rêves bougent sans
cesse. Ils courent, volent, s'envolent, s'interpénètrent. Quand on
veut les écrire ou les raconter, ils s'échappent, s'évadent. J'ai
bien essayé de les collectionner, de les épingler comme des oeuvres
dans un musée, de les mettre en conserve, de les consigner dans un
grand cahier. Quand j'ouvre le cahier des année plus tard, je ne les
reconnais pas, ils ne sont plus miens, ils n'ont l'air de rien. Tout
a fondu dans le papier. Envolés les images dynamiques, les
glissements de sens, les changements d'époques, de personnages.
Disparues les superpositions de lieux et les paroles immédiatement
intelligibles. Les rêves résistent mal au bocal. Ces traces sur le
papier ne sont que résidus mémoriels sans vie. Ce n'est qu'en
rêvant à nouveau que je plonge dans cet abîme de visions et de
mise en abyme.
Dans un musée, bien sûr,
je peux rêver, voler des images qui viendront hanter mes rêves. Je
peux thésauriser sans m'en rendre compte tout un bestiaire qui
viendra alimenter un imaginaire que j'ai longtemps cru personnel. Des
figures de Goya, Dali, Ensor et tant d'autres hantent mes rêves ou
leur donnent figures et formes.
Enfant, un temps, j'ai eu
la capacité, en fixant le plafond, les rainures dans un plancher ou
une quelconque tache d'humidité sur un mur, d'y voir tout un peuple merveilleux d'elfes et lutins ou
grouillant de visions de monstres et de loups. Les murs parlaient, sous les
lits se glissaient des fantômes, cachés derrière les rideaux, des
yeux me regardaient. J'habitais alors des lieux peuplés d'un monde
qui s'est, peu à peu dépeuplé, vidé asphyxié. Où sont allés
ces vivants habitants, nombreux, mouvants, fidèles compagnons
quoique rarement bienveillants. N'auraient-ils pas été épinglés
sur un mur ?
1 commentaire:
par rapport au commentaire du texte précédent, tu donnes à sentir la tension (enfin, je trouve) entre musée et rêves, entre deux mouvements, deux forces: yes ! I Like !
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