mercredi 6 mai 2020

A VOUS, DEMON TERRITOIRE,

     Je vous écris de mon petit bout de territoire perdu dans les brumes ocre-rose, entre   ondées et arcs-en-ciel. Les gouttes d'eau s'agrègent en pampres transparentes sur les rebords des branches. Pleurent leurs sonatines qui s'égrainent lentement. Pleure leur mélancolie qui s'évapore à la recherche des âmes mortes. Flotte dans l'air le doux murmure d'un au-delà, d'un ailleurs qui exulte.
     Les verts des feuillages hier encore incertains expriment maintenant leur identité appuyée de teintes tendres mais expressives.
      La Dorette frémit et glisse ses eaux transparentes vers d'autres horizons. Elle laisse se pencher dans ses reflets moirés les étincelles vives des libellules ivres des souffles du printemps. De plongeons en sauts périlleux , elles s'arrogent le droit de conquérir l'espace ténu au-dessus des ondulations enthousiastes de la rivière. D'un vol silencieux et fébrile, elles auscultent les berges-fouillis, impénétrable lieu avant que de se poser sur la courbure d'une herbe pâle.
     Assise sur une pierre grossière, taillée dans le granite perdue je suis, entre la joie de l'éternelle renaissance, de ses parfums-mosaïque, de ses couleurs-cicatrices et la tristesse infinie que leur beauté engendre. Capturer ce moment où soudain tout se tait, où pourtant tout est murmures, palpitations, ondoiements, cris étouffés avant que tout explose, tous ces riens en rafales, chants-mélopées que les oiseaux se confient d'arbres en arbres, comptines acidulées reprises par les peuples des herbes.
     Sur l'asphalte de ma mémoire vacillante, germe le souvenir d'une caresse légère. Est-ce le vent d'avant ou ta main qui frôle ma joue? De doutes et d'incertitudes mêlés, le passé affleure et avec lui ses nuages de sanglots étouffés.
Non, d'un bond se lever et courir pour attraper le rayon du soleil qui joue avec mon ombre et le reflet des marguerites. Courir pour étreindre le tintement furtif que j'entends dans le creux du vallon. Courir pour rejoindre les rebords de ma carte noyée dans la douceur de notre territoire que j'écris depuis longtemps au singulier.

2 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Hier soir, je t'avais mis un commentaire, déception ; ce matin, il n'apparaît pas.
Alors ... Tu vois, point n'est besoin d'aller bien loin, la Dorette est là, à portée de main ... confinée dans ton salon depuis tant de semaines, elle est plus réelle que la "vraie". Parfois, on cherche bien loin ce qui est là, tout près de nous, si près que c'est à l'intérieur de notre coeur qu'on le trouve, tapi derrière les mots que tu as l'art de trouver. Ton texte fait vibrer la Dorette, je l'entends couler, la vois, la sens. Les derniers paragraphes sur la nostalgie me touchent moins, car, non, ta mémoire n'est pas vacillante mais fraîche comme ton coeur, et le passé n'est pas triste mais merveilleusement beau,riche et doux... et de toute façon, nous sommes toujours au singulier.
Merci d'avoir joué avec les qqs pauvres mots de mon panier ma douce soeurette

Laura-Solange a dit…

Le ruisseau de ton texte a délivré mes eaux...Merci à toi pour cette vision offerte. Ah la Dorette!!! Elle est dans les 100 km!