Cher R,
J’ai parcouru ta longue lettre avec une pincée frémissante aux commissures des lèvres et la gravité de ton discours ne m’a pas empêché de penser que tu dois souffrir et le devras toujours.
Pardonne moi, je ne me moque pas des difficultés que tu évoques. La terre peut maintenant trembler, je ne te sauverai pas de tes égarements, de tes errances, de tes humeurs chagrines.
Que te dire? Rien n’a changé.
Nous nous sommes liés quand un monde chancelait. Rien n’a changé. Ou plutôt si, les choses sont bougrement plus complexes qu’autrefois. Plus subtiles. Non, pas plus subtiles, plus embrouillées. Est-il possible qu’on ait toujours de son époque une vision pessimiste, pour peu qu’on se retire de loin en loin dans sa marge? A lire tes lettres c’est ce que je me suis demandé.
Mais qu’avons nous perdu? L’essentiel peut-être.
Etre seul, un peu chancelant au bord du flot tumultueux et accepter la béance de sa solitude intérieure. D’ailleurs, il n’est pas indifférent qu’un garçon tel que toi, qui fut l’inquiétude même, non, il n’est pas tout à fait négligeable qu’un bonhomme dans ton genre vive ici, sur cette lande où la mort cogne sans faire d’histoire.
Mais tu le sais, je garderai toujours en moi ces rêveries toutes bêtes des récits de notre enfance qui ne nous suscitent encore que parce qu’elles se sont insinuées dans le silence des jours.
Je te quitte à présent. Je t’envoie toute mon affection et puisse ma paix, ou ce qu’il en reste, arriver jusqu’à toi.
(lettre écrite avec le concours de morceaux d’autres lettres réalisées à l’atelier, et d’emprunts à des lettres de Lionel Bourg, René Pons, Lou Salomé…)
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