Ses journées sont remplies de l'aube à la nuit.
Tôt le matin, les pieds nus, elle tâte l'herbe maigrelette de la pelouse devant son immeuble aux façades écaillées. Elle s'est arrachée à la moiteur de ses draps en flanelle et grelottante, elle cherche les oeufs des papillons là où la végétation est en mesure de les protéger.
Les quelques fenêtres déjà éclairées lui sont autant d'ilôts de chaleur et de clarté dans le vent sec et froid.
Les premiers hommes déjà dehors sifflent sur son passage.
Et merde, pense-t-elle, ça commence fort. Même plus ce moment pour moi, rien que pour moi. Je vais la leur faire bouffer leur bite. Et je regarderai le soleil se lever pour moi, rien que pour moi!
La Petite Marandinière, voyait les choses en grand.
Mais à perte de vue, les barres grises ou brunes lui barrent la route. On a posé sur leurs murs les plus étroits des ibis roses chasseurs d'insectes et des martin-pêcheurs avaleurs de rêves.
Quelques buissons familiers, des papiers gras pour les fleurir, les élytres des grillons écrasés sur le sable des allées.
Ce qu'ils avaient dit avant, elle s'en contrefiche. Ce qu'elle veut, c'est son ciel familier, son décor inchangé mais qu'elle renouvelle sans arrêt sous le soleil, sous la pluie grise ou le brouillard d'automne.
Elle veut manger le monde et le mangera, elle le sait. Elle veut être étonnée tout le temps.
Le plus important, pour elle, c'est que les mecs qu'elle formera plus tard assurent et la respectent et les respectent toutes.
Les voitures sont encore muettes. Maintenant, elle danse sur le goudron. Les poches remplies de cailloux, elle danse son refrain, elle hume les odeurs du matin, charnues, parfumées par la nuit.
Ses lèvres sont rebelles, ses doigts sont gourds mais d'un geste assuré elle trace sur la vitre sale et embuée de l'abribus "Montchovet en cogénération" en grosses lettres majuscules et elle s'en va.
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