lundi 3 décembre 2012

Lettre à Moriane

 
Très chère Moriane,


Je ne suis arrivée que depuis quelques jours et l'atterrissage n'a pas encore eu lieu. Je plane quelque part en grand écart, apnée, écartelée entre songe et réalité, Afrique et Europe. Le plus simple encore est de me laisser porter par cet état de rêve éveillé. Mes yeux se posent indifférents à mon entourage et mon esprit n'est capté que par des objets insolites sur lesquels mon imagination peut s'évader en de fantasques rêveries. Cette pierre de rêve, ce matin de jour anniversaire, a drainé toute mon énergie vers une rêverie verte et tendre.
A l'orée de la forêt, vert d'eau et de stries noires, une biche blanche, tête levée, oeil et oreille noirs, hume le frais de l'air et frôle le ciel de son museau gris. Un cerceau de branches lui fait un berceau.
Elle avance sur une mer de vaguelettes boueuses, recouverte en surface d'innombrables feuilles tombées des arbres, de ces arbres irisés, en tache d'encre sorties d'un tableau chinois.
Ce paysage jailli de la pierre m'appelle aux caresses. Froidure immédiate au toucher, douceur, rondeur de l'ovale, sensations de froid et de lisse s'opposant dans ma main, la douceur l'emportant rapidement.
La pierre ovale, dressée sur son socle, ses douces formes et couleurs, son inertie m'extraient de l'été.
Je glisse dans l'automne, dans une faille de temps identique à la faille me séparant de vous, de vos présences chaleureuses, dans un non-temps fait d'absences, d'attente qu'un autre printemps se lève.
Quand je la tourne d'un quart de tour, un oiseau noir traverse le ciel, puis deux bouleaux sombres, en négatif, annoncent l'hiver dans un paysage d'où tout feuillage a disparu. Seul le ciel garde sa couleur, vert d'eau, ciel identique pour tous, le seul qui nous relie encore.




Sans doute auras-tu quelques difficultés à me suivre dans mes rêvasseries ; elles sont l'exact reflet de mon esprit sans repères.


Prends bien soin de toi. Serre les tous dans tes bras pour moi. Donnez vite de vos nouvelles.



                                                              Anne-Marie

1 commentaire:

lin a dit…

par tes mots, on y est dans cette forêt !