La campagne autour du village |
Après
le couperet de samedi « Madeleine en soins palliatifs »,
Trump à la Maison Blanche, Alep à feu et à sang, la Syrie
exsangue, le contexte mondial mortifère dans lequel nous baignons
chaque jour ..., j'étais à deux doigts de me laisser sombrer dans
la morosité générale et j'ai bien failli décliner l'invitation de
mon amie Myriam au Festin des Arts & Les portes de l'imaginaire
qui se déroulait le lendemain dans son village de St Didier sur
Rochefort. Et puis, par amitié et respect pour elle et son travail,
je me suis résignée. Partie, le moral en vrille, j'en suis revenue
l'espoir retrouvé. Oui, la vie est là, palpitante, comme l'âme en
chacun d'entre nous, cette partie si essentielle dont aujourd'hui on
n'ose à peine prononcer le nom.
Depuis
plus d'un an, Myriam avait un projet : réunir les différents
créateurs éparpillés et travaillant seuls dans leur coin, les
faire se rencontrer et travailler avec la Communauté Thérapeutique
des Portes de l'imaginaire (Association Rimbaud) qui est un lieu
d'accueil résidentiel ouvert à tous ceux et celles souhaitant
s'engager dans une démarche de soin de leur addiction, lieu de
reconstruction basé sur la vie communautaire. Par son énergie
débordante, sa foi en la vie, Myriam est parvenue à fédérer
toutes ces bonnes volontés, à les faire se rencontrer, discuter,
élaborer ensemble un projet qui, après des mois et des mois de
travail a abouti à cette merveilleuse réussite : des expositions
dans onze lieux différents de ce petit village (le salon du
coiffeur, l'ancien bar, le jeu de boules, la Maison d'accueil rurale,
la mairie, l'épicerie, l'église …).
Tous les habitants
étaient concernés, chacun y est allé de sa contribution. Mais ce
n'est pas tout : une oeuvre collective a vu le jour, résultat de
toutes les discussions, des idées de chacun, réalisée au fil des
mois par toutes les mains présentes. Ce dimanche : dévoilement de
l'oeuvre, repas festif, fête au village. Nous étions tous réunis
dans la Salle des fêtes, les bénévoles avaient préparé les repas
(plus de 100 repas ont été servis), de grandes tables ont été
dressées. J'ai choisi de m'asseoir parmi les personnes de la
communauté thérapeutique, les discussions se sont engagées, les
jeunes enfants riaient, lisaient, jouaient. Ils m'ont conté les
souffrances des premières semaines, les joies de vivre ici, ce
qu'ils avaient perdu et les espoirs devant eux, la nouvelle vie
qu'ils projetaient. Il régnait en cette salle une telle chaleur
humaine, une telle fraternité, tant d'ardeur et de joie, tant
d'espoir que l'âme de chacun -vous savez cette petite chose si
essentielle, si première et si dernière puisqu'elle nous accompagne
depuis toujours et pour toujours, cette flamme de vie – était
visible. Et quand l'âme est perceptible, le coeur se gonfle de joie,
à moins que ce ne soit le contraire, en tout cas, les hommes et les
femmes peuvent alors faire des miracles. Quand le repas fut terminé,
en un éclair les tables furent pliées, les spots éclairés et
l'oeuvre collective dévoilée.
C'est alors que les notes d'un piano s'élevèrent et qu'une danseuse
apparut, légère, serpentine, ondulante … sous les yeux
émerveillés d'une assemblée encore plus nombreuse. Myriam fit un
beau discours où elle conta qu'au Japon, lorsqu'un bol est cassé on
le répare et c'est la face réparée que l'on présente à l'invité
pour le thé, qu'en Afrique aussi on répare les calebasses et c'est
ainsi que l'oeuvre collective a été réalisé. Puis nous avons
admiré la brodeuse - spécialisée en broderie-or - œuvrer, les
tisserandes de matière noble, les peintres, sculpteurs, graveurs,
mosaïste.
Je ne vous dis pas que tout était des chefs-d'œuvre mais tous les
cœurs étaient là, avaient donné de leur temps, s'était investis
corps et âme. Et quand on sait ce qu'il faut d'énergie pour
rassembler tant de gens et de talents et les faire travailler
ensemble, on se dit que là, a eu lieu un petit miracle, avec un chef
d'orchestre hors pair.
J'ai
repris la route, le cœur gonflé à bloc, pleine d'espoir et de
courage pour affronter la nouvelle semaine, tenir la main de
Madeleine avec confiance et force et certaine de pouvoir l'aider.
Alors,
lorsque j'aurai peur de paraître ridicule en parlant de mon âme, je
ne l'étoufferai pas. Je la laisserai s'épanouir, j'oserai le
dépassement, le désir, j'oserai croire en la puissance de nos
désirs réunis. En ces temps troublés, je sais qu'il faut oser
rêver, œuvrer, avec cette foi en la vie.
PS :
Pour ceux qui auraient encore un doute sur l'existence de l'âme, je
tiens à préciser que Myriam, entre autres qualités, est
non-voyante.
4 commentaires:
En ce matin bien humide et froid, avec ma petite forme et mon espoir vacillant, je te lis avec admiration. Merci pour ce message, ta force aussi. Merci d'être le messager de cette belle aventure, de cette belle initiative et de cette belle journée qui t'a redonné des ailes. l'âme de ton texte aussi. Bon, je vais me lever et repartir à l'ouvrage.
Merci pour le commentaire, car nous "écopons" notre sous-sol depuis mardi (plus de 100 aspirateurs jusque là) et nous relayons quand je ne file pas sur Lyon. La flamme a donc bien besoin d'être entretenue et même si je me dis que c'est une belle leçon de vie "tenir bon, ne pas se laisser déborder (c'est le cas de le dire", être tenace" et que c'est dans les difficultés qu'on apprend le plus, parfois ça vacille. Le plus difficile est de bien flotter d'une impermanence à l'autre pour se tenir à flots. Il est sûr qu'à deux, ça aide.... écrire ce texte entre deux serpillères pressées m'a fait du bien. Haut les coeurs !
et si notre âme était un cadeau de naissance, à vivre tout simplement , très humblement , sans en faire de la littérature ...
Bien sûr qu'elle est un cadeau et la littérature en est un autre. Merci pour le commentaire et la visite
Enregistrer un commentaire