1.Promeneuse d'un bois dormant :
Trente
kilomètres de la maison de la mère à celle de la grand-mère,
parcourus chaque dimanche pendant vingt ans, à l'arrière d'une
vieille Terrot puis d'une Traction noire. Il faut pour cela traverser
les Bois Noirs, espace intermédiaire, dangereux. On ne saurait trop
se méfier du « Bois qui dort », lieu de métamorphoses
obscures. On y rencontre aussi bien des fées et des génies que les
crapauds et les charbonniers. L'adulte d'aujourd'hui vient y
rencontrer l'enfant d'hier, le suivre dans ces sentiers inquiétants,
en état de dormance depuis tant d'années. Le perce-forêt ouvre les
ronces et les épines qui aussitôt se referment sur cet univers.
2. Béances :
Un
voyage avec les yeux dans une vieille carte IGN, son atlas intime,
son livre de géographie, son livre tout court. Un voyage avec les
noms à qui elle fait dire ce qui a marqué sa vie, une recherche du
sens de ses paysages inscrits en elle. Se compose peu à peu un atlas
intérieur où chaque sentiment, chaque émotion, heureux ou
malheureux, s'incarne dans un ou des lieux. Les noms éveillent des
échos sans lien avec la géographie et n'obéissent à aucune
hiérarchie des distances. Aussi impossible de retourner dans ce
cimetière qu'à Montréal : les lieux les plus proches comme les
plus éloignés se situant à la même latitude, c'est à dire aux
antipodes de la vie. Au coeur de l'atlas intérieur se sont inscrits
et ouverts des territoires en creux – indélébiles.
- Au centre exact de mon corps :
Là,
au plexus ; là où tout se passe ; là où est la vie, le souffle ;
là où ça fait mal si on vous atteint ; qu'y a t-il là, caché au
plus profond ? Quelles routes y conduisent ? Et que découvre t-on au
bout du chemin qu'on ne savait pas connaître ?
- La piste ancestrale :
Lorsqu'on
observe le paysage de loin, s'inscrivent d'immémoriales pistes,
suivies jadis et de tout temps, autant par les humains que par les
animaux. Accepter de les suivre pas à pas, jour après jour, nuit
après nuit, accepter qu'ils hantent nos rêves, c'est pour sûr
accepter le risque de se retrouver nez à nez avec ses ancêtres.
- Le pays dans lequel je suis née par hasard :
Vous
vous croyez citoyen du monde, vous avez voyagé, vous vous pensiez
sans attaches. Ni ligne verticale vous reliant vers le bas à vos
ancêtres et vers le haut à des croyances, ni ligne horizontale vous
rattachant à un territoire et une culture. Vous - au croisement
exact de ces lignes - un électron libre, libéré de toutes ces
entraves. Et si, un jour, une année, pas très loin de cette fin qui
s'approche à grands pas, le pays, votre pays, votre minuscule bout
de pays vous rattrapait ? …
- D'où monte ce bruissement ? (ou « Ecoute la carte murmurer d'anciennes histoires d'aujourd'hui ») :
Une
carte anodine, des routes, des villes, rien que du banal. Peu à peu,
la carte se met à murmurer, doucement d'abord ; au bout de quelques
mois, tous ces chemins bavardent tant, ont tant à dire que l'auteur
est étourdi, abasourdi. Du fond des ravins, en lisières de bois, de
chaque clairière, du plus petit cours d'eau, de chaque pierre, des
animaux près du tas de fumier et même des tombes recouvertes de
lourdes pierres tombales depuis tant de temps, montent des histoires
tues.
- 100 000 vies sur une ancienne carte :
Comme
dans les rêves, des souvenirs se croisent et s'entrecroisent quand
on suit des yeux les routes de la carte. Le temps n'existe plus, vous
découvrez des millions de vies parce qu'il y a là, à la fois hier,
aujourd'hui et demain ; vous n'êtes jamais seul, votre vie se mêle
à celle de tous les autres, vos gestes s'entremêlent, vos pensées
se fécondent, vos vies rejoignent le grand cours de la vie. Tant de
vie, tant de temps en une seule vie, si peu de temps sans savoir le
commencement ni la fin, on embarque accompagné, on est des milliers.
- Imprécis de géographies passionnelles :
Nez
au vent, sac en bandoulière, esprit léger, vous embarquez pour une
balade dans ce paysage familier ; vous connaissez chaque tournant,
chaque arbre, chaque maison, à peine si les volets ont été
repeints durant toutes ces années ; même les nuages au ciel
semblent être au rendez-vous, identiques. Vous réalisez que ce
paysage c'est vous, vous n'êtes rien d'autre que ce paysage, vous en
êtes sa transsudation.
- Ces chemins qui pénètrent dans l'épaisseur du temps :
Qui
a dit que les chemins nous emmènent loin dans l'espace, que « tous
les chemin mènent à Rome » et qu'il suffit de mettre un pied
devant l'autre pour avancer dans le territoire ? Et si les chemins, à
l'inverse, nous conduisaient à l'intérieur du temps, s'ils étaient
des machines à remonter le temps ? Peut-être suffit-il de leur
laisser la parole.
- Tous ces inconnus qui circulent dans mes veines :
Vous
vous croyez seule, vous êtes tranquillement assise seule avec
vous-même et décidez de réfléchir une bonne fois pour toutes
« Mais, qui suis-je ? Qui suis-je donc à la fin ? » …
et voilà que se mettent à bruisser une voix, puis deux, puis
d'autres se mêlent au concert appelées par les premières. Au bout
du compte, après quelques heures, vous êtes une foule dans ce
fauteuil, tous sont venus. Vous êtes une somme.
- On n'en aura jamais fini avec ces vies 11) Voix emprisonnées (ou « Ces voix qui sont miennes) 12 ) La carte des visages perdus 13 ) Egarée dans ce coin de pays 14) Ecoute la carte murmurer d'anciennes histoires d'aujourd'hui 15) Intimes territoires :
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