mercredi 17 novembre 2010

départ

Ce matin-là, le père avait décroché le fusil de chasse suspendu au-dessus de la cheminée, avait quitté la maison aux premières lueurs de cette aube glacée de mi-novembre. Un profond silence, à peine troublé par quelques cris d'oiseaux, enveloppait la campagne embrumée. Ses bottes s'enfonçaient dans les ornières jonchées des dernières feuilles rousses que le vent violent de la veille avait arraché aux arbres. Il laissait derrière lui, Emma encore endormie dans la douce moiteur des draps,le visage noyé dans la masse rousse de ses cheveux. Préssentant son départ, elle avait esquissé vers lui un geste un peu gauche à la fois tendre et suppliant pour le retenir un instant et prolonger un peu l'étrange magie de cette nuit où le plaisir s'était si bien mêlé à la nostalgie des étreintes passées. Sans un mot,il la repoussa et le geste avorté vint mourir entre les draps ,sa main se crispa dans un ultime appel puis se relâcha en une dernière caresse sur son dos fuyant. Elle entendit ses pas lourds se diriger vers le lit de l'enfant dans le fond de la pièce derrière le rideau de velours fatigué .Elle le vit se pencher doucement sur le visage du fils ,sans doute pour emporter avec lui,un souffle tranquille, une image apaisée qu'il garderait derrière ses paupières ,comme un baume pour adoucir la douleur qui le submergeait.
Maintenant, il avançait dans le sous-bois, sentant s'éveiller autour de lui,les oiseaux surpris par sa présence. L'image des corbeaux se rassemblant en silence, sur les fils électriques,quelques instants avant l'attaque dans le film d'Hitchkock,lui apparut avec étrange nettetée.Cette évocation,qu'il rejeta avec violence,avait eu le temps de noyer son cou d'une sueur glacée. Tout à coup, des frôlements d'ailes l'enveloppèrent puis un bec agressif raya sa joue gauche tandis que de lourdes griffes tièdes enserraient son crâne.
Il n'avait plus le choix;il devait se battre,il l'avait promis à son fils .Il ferma violemment les paupières ,le visage diaphane de l'enfant apparut auréolé d'une mousse violette

1 commentaire:

Lìn a dit…

quel bonheur de trouver Amorgos sur le blog avec sa sensibilité cinématographique, les détails d'une écriture observatrice, scrutant l'odorat, les sons (des frôlements d'aile par exemple), la sensations kinesthésiques, la complexité des relations (à la femme, au fils).