Après tout ce fut lui mon initiateur à ces plaisirs irracontables ou presque… Lui qui , lorsque j’étais enfant, m’apprit à donner au temps une dimension qui ne se mesurait qu’à l’aune de mon désir. Lui encore qui peupla mes rêves d’images surannées où je mettais mes propres couleurs. C’est avec lui que je passais mes jeudis après-midi, avachie sur une mauvaise chaise, à m’abimer les yeux sur ces mots enchâssés et à m’engloutir dans une reptilienne rêverie au coeur du charnier des images. Lascivement, j’abandonnais mes doigts sur ces trésors célés, levant les voiles d’un univers inaccessible et, frissonnant dans mes élucubrations, de méandre en méandre, m’inventais des histoires éperdues. Je passais outre les cent cinquante premières pages qui n’étaient sources d’aucune rêverie, et m’envolais vers les “Hirondelles” qui m’entrainaient dans des périples verts avec les gardeboues ( c’était en un bloc solide…) et les pneus ballons garantis sans crevaison – çà c’était indispensable - et puis bien sûr la bicyclette aurait un petit timbre à deux tons pour rivaliser avec les oiseaux et serait bleue afin de me rendre invisible lorsque j’aurais atteint l’horizon.
Il y avait les pages des jouets, moins variées que sur les catalogues modernes, avec les jeux de tonneau, les patinettes, les petits billards. il y avait les pages d’instruments de musique où résonnaient les musiques que j’inventais ( j’ai bien eu ce piano jouet au son métallique un peu faux, au son indéréglable….). Il y avait les pages des bureaux avec leurs nombres infinis de tiroirs où tout pourrait enfin se dissimuler à la vue. Et il y avait par dessus tout la page des coffrets à ouvrage, particulièrement ce que l’on nommait “les travailleuses”, avec ces casiers superposés s’ouvrant en éventail, et une poignée sur le dessus pour le transport. Si l’un d’entre vous possède ce genre de coffrets , cherchez bien , sous les fils, aiguilles, morceaux de tissus bigarrés, ciseaux ou autres objets de la couturière que je ne suis pas, vous trouverez peut être les secrets d’une petite fille qui n’avait que des rêves de papier à tripoter, des mots à ressasser – bouterolles, brucelles, coulisseau, embases, happes, zéphir – , des images perdues d’où surgissait parfois le chemin d’un égarement toujours plus grand.
2 commentaires:
je venais sur à la brise car je m'apprêtais à remettre mon ouvrage sur le métier, reprendre les textes pour les agencer, y croire de nouveau, après avoir en ces heures sombres de week end fiévreux et catharsique m'être apprêtée plus d'une fois à jeter l'éponge avec le bébé et l'eau du bain,
encore une fois l'amitié a eu raison de nous, j'attends le catalogue N°2 (et plus peut être). Celui-ci me laisse entrevoir des perspectives effervescentes et comme d'habitude tout y juste, on y retrouve la grande déjà petite, on y retrouve aussi une grande qui cachait bien sa petite, ça me fait penser à ces vierges noires avec leur double en petit. Merci. MERCI
Et je continue ma lecture et en découvre encore et encore, tous plus beaux, tous plus vifs les uns que les autres, c'est pétillant comme un bien frais vino verde, allez ça n'a rien à voir avec l'eau du bain et ça fait du bien de retrouver votre verve et votre poésie
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