Je
n'ai pas dormi cette nuit encore, il y a du bitter, des
amandes, quatre femmes et un homme, je ne cesse
de penser à lui, l'ordi qui cliquète, la fenêtre en face et
le coucher de soleil, à 23h j'écoute Eric
Chevillard sur France Culture à la lettre J comme éjaculation,
la cloche du frigo, les feuilles qui crissent, je
peux quand même rester, les lunettes et le rhume, les olives
et le vin, j'aimerais bien dormir douze heures
comme un bébé, le divan et le fauteuil, tous les tableaux de
Claude, plus le frigo qui ronronne, j'adore
écrire sans réfléchir, des nuages, du bois clair, des
carnets, des livres, une fleur de lys qui sert de décapsuleur, un
étui à lunettes, je voudrais pouvoir te voir
et te parler, du champagne, du vin, des cigarettes et des
voitures de luxe, j'aimerais discuter toute une
nuit comme en ce temps-là, des draps froissés, ni oreillers
ni couverture mais deux chats sur le tapis, je
bois pour tout oublier, la maladie, la mort, le froid en mai,
le vent du nord, j'ai toujours aimé observer
les passants, du pistou, des côtes d'agneau et des grains de
carvi, je retombe toujours sur mes pattes ça
c'est ma mère qui le disait, des rues
traversées, des pas accordés, l'avenue de la Libération, la place
Bellecour et nous deux sur le parking de la Grand'Poste, je
te regarde dans les yeux, des boucles d'oreilles, des pailles
pour boire, des bris de verre, de la limonade qui déborde et
beaucoup de fumée, je finirai bien par
m'endormir, un champ de blé, des coquelicots, une petite
fille qui court dans le soleil et tout au bout la rivière Dolon,
j'ai toujours su que ça finirait ainsi,
des arbres sombres, des verts très clairs, une belle lumière du
soir, j'ai souvent trop chaud ou trop froid,
un cinéma presque vide, un clochard, un chien et des trottoirs à la
queue leu-leu, je suis attachée à ma
chaise, un crayon noir, des boules
rouges vif et des oranges qui roulent sur le sol, je
ne retiens rien du tout, le fil de mes
chaussettes, le col de ta chemise, nos slips sur la chaise, j'aime
beaucoup toutes ces énumérations,
de la dentelle dorée et noire, des fils de toutes les couleurs et
une grosse boîte à couture en osier de laquelle dépassent
plusieurs aiguilles à tricoter, je me suis
piqué le doigt, ton cartable dans la voiture, ton écharpe
rouge et ta grande mèche de cheveux sur le front, je
m'enfuis à tire d'aile, le monde
à l'envers, les buissons, les graviers et les cris aigus des
martinets, j'aime aussi me
baigner dans les rivières, les vagues qui roulent sur la
plage, des coquillages, beaucoup de bruits d'enfants qui jouent et
des baisers échangés, je courrai jusqu'à
toi, un plongeoir, des baigneurs, des algues abandonnées par
la marée et un grand chapeau de paille, je me
jetterai à l'eau, le soir qui tombe, la lune qui se reflète
dans l'eau, les bruits qui s'éteignent, je
veux nager dans le faisceau de lune,
des étoiles de mer, un ou deux pingouins, un dromadaire et un
chinois, je finirai par me perdre, un
grand seau d'eau, des orties, des rhododendrons et un épagneul, je
traîne une journée entière ma misère, la fougère désséchée,
la morue abandonnée, le sol mal lavé et la vaisselle entassée, je
m'en vais.
4 commentaires:
Je vous avais prévenus, et il y en a encore plein d'autres en attente.
super ! ce sont des fragments, parfois la lectrice que je suis lis comme si c'était une histoire continue, puis se heurte à une "rupture" ou plutôt à un changement de cap, de direction, et on repart dans la lecture, comme en sautant à la marelle, il y a certainement une règle, une logique (ou la règle est qu'il n'y ai pas de logique entre les phrases rouges, entre les phrases noires, et entre elles toutes), et on voyage de ce que j'imagine toi dans ton jardin, dans des lieux divers, dans ton lit, chez Bipe, dans la ville, au cinéma, dans le film peut-être aussi. Oui, c'est un voyage...(enfin : comme je m'approprie ton texte, ce n'est pas forcément ce que tu as voulu faire)
j'ai relu sur ta suggestion les phrases rouges qui, il est vrai, ont une suite bien que non préméditée, il y a des phrases rouges parce que blogger capricieux refuse le noir, des énumérations écrites en écriture automatique donc associatives, rapidement (après 5 ou 6 "textes") reviennent sans cesse les mêmes associations, celles de mon petit univers, j'ai beaucoup de plaisir à laisser ainsi glisser la plume, libération, fluidité après quelques mois de silence, retour de la sève, re-plaisir de l'écrit, je suis ravie de ton voyage et de mon plaisir.
oui j'ai eu le même souci : ça ne veut pas se mettre en gras (noir) !!!! du coup pour le mien et suite aux remarques de Bipe j'ai tout enlever côté couleur (puis j'ai fait une mauvaise manoeuvre, tout s'est mis en fond blanc que je ne parviens plus à enlever), mais pour ton texte ça ne me gêne aucunement les phrases en rouge, au contraire
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