lundi 19 mai 2014

Cadavre délicieux (2)

 
Je n'ai pas dormi cette nuit encore, il y a du bitter, des amandes, quatre femmes et un homme, je ne cesse de penser à lui, l'ordi qui cliquète, la fenêtre en face et le coucher de soleil, à 23h j'écoute Eric Chevillard sur France Culture à la lettre J comme éjaculation, la cloche du frigo, les feuilles qui crissent, je peux quand même rester, les lunettes et le rhume, les olives et le vin, j'aimerais bien dormir douze heures comme un bébé, le divan et le fauteuil, tous les tableaux de Claude, plus le frigo qui ronronne, j'adore écrire sans réfléchir, des nuages, du bois clair, des carnets, des livres, une fleur de lys qui sert de décapsuleur, un étui à lunettes, je voudrais pouvoir te voir et te parler, du champagne, du vin, des cigarettes et des voitures de luxe, j'aimerais discuter toute une nuit comme en ce temps-là, des draps froissés, ni oreillers ni couverture mais deux chats sur le tapis, je bois pour tout oublier, la maladie, la mort, le froid en mai, le vent du nord, j'ai toujours aimé observer les passants, du pistou, des côtes d'agneau et des grains de carvi, je retombe toujours sur mes pattes ça c'est ma mère qui le disait, des rues traversées, des pas accordés, l'avenue de la Libération, la place Bellecour et nous deux sur le parking de la Grand'Poste, je te regarde dans les yeux, des boucles d'oreilles, des pailles pour boire, des bris de verre, de la limonade qui déborde et beaucoup de fumée, je finirai bien par m'endormir, un champ de blé, des coquelicots, une petite fille qui court dans le soleil et tout au bout la rivière Dolon, j'ai toujours su que ça finirait ainsi, des arbres sombres, des verts très clairs, une belle lumière du soir, j'ai souvent trop chaud ou trop froid, un cinéma presque vide, un clochard, un chien et des trottoirs à la queue leu-leu, je suis attachée à ma chaise, un crayon noir, des boules rouges vif et des oranges qui roulent sur le sol, je ne retiens rien du tout, le fil de mes chaussettes, le col de ta chemise, nos slips sur la chaise, j'aime beaucoup toutes ces énumérations, de la dentelle dorée et noire, des fils de toutes les couleurs et une grosse boîte à couture en osier de laquelle dépassent plusieurs aiguilles à tricoter, je me suis piqué le doigt, ton cartable dans la voiture, ton écharpe rouge et ta grande mèche de cheveux sur le front, je m'enfuis à tire d'aile, le monde à l'envers, les buissons, les graviers et les cris aigus des martinets, j'aime aussi me baigner dans les rivières, les vagues qui roulent sur la plage, des coquillages, beaucoup de bruits d'enfants qui jouent et des baisers échangés, je courrai jusqu'à toi, un plongeoir, des baigneurs, des algues abandonnées par la marée et un grand chapeau de paille, je me jetterai à l'eau, le soir qui tombe, la lune qui se reflète dans l'eau, les bruits qui s'éteignent, je veux nager dans le faisceau de lune, des étoiles de mer, un ou deux pingouins, un dromadaire et un chinois, je finirai par me perdre, un grand seau d'eau, des orties, des rhododendrons et un épagneul, je traîne une journée entière ma misère, la fougère désséchée, la morue abandonnée, le sol mal lavé et la vaisselle entassée, je m'en vais.

4 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Je vous avais prévenus, et il y en a encore plein d'autres en attente.

Lin a dit…

super ! ce sont des fragments, parfois la lectrice que je suis lis comme si c'était une histoire continue, puis se heurte à une "rupture" ou plutôt à un changement de cap, de direction, et on repart dans la lecture, comme en sautant à la marelle, il y a certainement une règle, une logique (ou la règle est qu'il n'y ai pas de logique entre les phrases rouges, entre les phrases noires, et entre elles toutes), et on voyage de ce que j'imagine toi dans ton jardin, dans des lieux divers, dans ton lit, chez Bipe, dans la ville, au cinéma, dans le film peut-être aussi. Oui, c'est un voyage...(enfin : comme je m'approprie ton texte, ce n'est pas forcément ce que tu as voulu faire)

Ange-gabrielle a dit…

j'ai relu sur ta suggestion les phrases rouges qui, il est vrai, ont une suite bien que non préméditée, il y a des phrases rouges parce que blogger capricieux refuse le noir, des énumérations écrites en écriture automatique donc associatives, rapidement (après 5 ou 6 "textes") reviennent sans cesse les mêmes associations, celles de mon petit univers, j'ai beaucoup de plaisir à laisser ainsi glisser la plume, libération, fluidité après quelques mois de silence, retour de la sève, re-plaisir de l'écrit, je suis ravie de ton voyage et de mon plaisir.

Lin a dit…

oui j'ai eu le même souci : ça ne veut pas se mettre en gras (noir) !!!! du coup pour le mien et suite aux remarques de Bipe j'ai tout enlever côté couleur (puis j'ai fait une mauvaise manoeuvre, tout s'est mis en fond blanc que je ne parviens plus à enlever), mais pour ton texte ça ne me gêne aucunement les phrases en rouge, au contraire