ce Noël de l'année 1914 dans son hiver tant rigoureux. Tous les gars du canton de La Chaise-Dieu bons pour le service étaient partis. Ne restaient que les femmes et les gamins avec dans leurs souliers deux oranges et un bâton de chocolat. Les femmes, elles, n'avaient rien.
Je me remets
le visage émacié de l'homme, le pli soucieux de son front, les yeux jaunis, vieilli trop vite et resté à la ferme. Inutile pour le front, inutile pour les travaux des champs, le corps en catafalque. Une bouche inutile à nourrir.
Je me remets
la foire d'automne sur la place du bourg, les vaches maigres à faire peur, toutes côtes saillantes, trop mal nourries, Les hommes absents, les femmes assuraient les transactions. Transactions miteuses qui donneraient à peine à manger le temps d'une saison.
Je me remets
le mois de juillet 1915, sa chaleur moite. Les hommes au combat. Les femmes courbant l'échine sous le poids du foin et de la paille, rouges et transpirantes, s'essuyant le front dans les larges mouchoirs à carreaux, mais fortes, ô si fortes!
Je me remets
ton grand-père, Jean-Marius Bonnet résidant à Cistrières, du canton de la Chaise-Dieu, incorporé au 142ème régiment d'infanterie le 9 avril 1915 , qui passera de régiment en régiment, qui sera blessé aux Chambrettes le 9 mai 1917 puis proposé à la réforme en juillet 1918. Il viendra se retirer à Cistrières son village natal. Pour lui, la boucle sera bouclée.
Je me remets
les couchers de soleil, sur la petite rivière, la Dorette, ignorant la laideur du monde, fardés comme de jeunes mariés dansant autour des feux de la Saint Jean.
Je me remets
les quelques jours heureux où l'on aurait dû emmagasiner les rires, les cris de joie, les bruits qui frissonnent pour animer les soirs funestes devant les cheminées sans âme.
Bulletin de réforme de JM BONNET, yeux gris-bleu, nez ordinaire... |
1 commentaire:
Moi, ce que je veux retenir ce sont les qqs jours heureux, les rires, les couchers de soleil, les jeunes mariés et ton sourire, ta gentillesse.
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