Il peut arriver que la photo d’un pigeon écrasé contre un mur ressemble de loin au bouquet non intercepté de la fraîche mariée. Il peut se faire que le mur ressemble à de l’asphalte, il peut arriver qu’un matin qui s’annonçait bien se transforme en un jeune cauchemar, et que pour délayer sa peine on se dise qu’il serait bon de prendre un bain - essentiel. Abandonné dans la tiédeur du ventre blanc, on pense alors à la photo du jeune garçon-fille aux boucles de mousse, les yeux grands ouverts pour le petit oiseau qui va sortir, mais le petit oiseau est mort, on pense à la petite soeur jumelle qui veut tourner le dos, on pense à la violence des anges, on se voit soi-même allongé dans sa baignoire, les yeux dans le vide, on ressent la souffrance, des oiseaux, des enfants, de ceux qui n’en peuvent plus de grandir, de ceux qui sont empêchés de voler, et puis dans un sursaut, parce que les huiles du bain, parce que ce jour est en vacances, parce qu’il faut bien continuer, parce qu’il faut bien que quelqu’un garde sa lumière allumée quand celle d’un autre vacille, on se dit que peut-être cet oiseau était mort de sa mort naturelle, et que ce petit enfant flottant entendait sous ses boucles de mousse le chant des coquillages, et qu’une fois ses larmes nettoyées, on ira respirer l’automne rougissant sous les arbres. Et que ce sera bien.
6 commentaires:
je suis heureuse de lire tes lignes, parce qu'elle me prouve encore que tout est question de regard, que la vie, le beau, le doux peuvent arriver après le choc de l'écrabouillage, qu'à partir de deux images pourtant si particulières, on peut écrire tant de choses différentes ... tu m'encourages
je suis heureuse aussi de te lire, c'est magnifique, et si "vrai" (tu sais le pourquoi du comment du vrai), cependant l'oiseau mort comme l'enfant et le bain ne sont que photos, illusions, "bonno" (en japonais) et derrière l'illusion l'assurance d'un regard réel, celle de la photographe, de l'écrivaine (toi), de la commentatrice Natô, un jour après l'autre tranquillement, la pluie, l'eau, la mort, le soleil, le chaud, la vie.
ce texte est vraiment très beau.
Des yeux extérieurs à l'atelier peuvent y ressentir cette atmosphère de consolation, d'encouragement, qui enveloppe une multitude d' éléments tranchants, angoissants,douloureux: les affres singuliers des individus avec lesquels chacun doit composer dans un monde qui nous englobe tous et où il convient cependant de continuer.
Ceux de l'atelier peuvent s'y reconnaître, dans ces rappels, dans cette évocation délicate que tu fais de ce que chacun a écrit l'autre jour: un rassemblement de regards différents autour de deux photos, elles même à priori antagonistes...
oui ton texte me fait sentir ça: diversité, rassemblement, consolation...
Le regard de la photographe s'est élargi, et tu rassembles, tu fédères dans ce texte tout ce qui peut rentrer dans son objectif, et ça va continuer... tous ensemble , tous ensemble, tous!...
à mon avis elle en sera ravie...
de la part de Jeannine de Dallas
Commentaire au texte de Marie Pierre
même fatiguée tu vis pleinement,ce regard perçant, ces yeux comme des billes roulent et nous interrogent : ce n'était qu'un pigeon,qu'un bouquet fané, mais cette vie meurtrie l'espace d'une lecture tu l'as ressuscité et j'ai aimé cela, c'est la Toussaint et cela tombe bien
Je découvre vos deux textes en rentrant de Bourdeaux et ça fait du bien ...
Alors avant de repartir (dimanche) ça m'encourage à publier sur le blog ce que j'ai écrit là-bas, suite à un rêve dû aux deux photos.
Je le ferai ce soir, bisous à tous
Oui, il faut continuer car derrière qu'est-ce qu'il y a? ça vaut la peine d'aller voir, de creuser, de ne pas se laisser choir, de ne pas se laisser envahir par le chagrin,il y a l'illusion, la photo, et il y a le vrai, tu le cherches, tu en souffres mais cette quête rapproche de quelque chose de beau quelqu'il soit
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