auteur de la photo : Sevinçli, sur : lucileee.blog.lemonde.fr
Montchovet-Baulieu-Marandinière, faire parler les fenêtres
Le flâneur, pourtant habitué au quartier, n’avait jamais rien vu de pareil que ce contre jour ensoleillé éblouissant les façades des HLM, et les lueurs grises de la place comme si des volutes des fumées de l’implosion à venir, quelques années plus tard, recouvraient déjà la mémoire du lieu où des vieux discutaient des poches et des flaques sous les yeux, des jeunes évoquaient leur passé non encore vécu faute de pouvoir imaginer leur avenir, et, pas après pas, il discernait plus sensiblement encore l’écho des cris dans les maisonnées, des rires d’enfants, du grincement d’un volet brisé ou du battant des fenêtres usées, de l’épuisement des habitants, du désir silencieux des corps éreintés parfois mourants, prolongeant sa flânerie sur le parvis aujourd’hui immaculé, hier politique où les élus venaient chercher les votes, parvis des grèves, parvis commercial le dimanche matin, parvis des fêtes de quartier, parvis peuplé d’enfants et de manèges lors des vogues de printemps, puis parvis isolé, dépeuplé, esseulé, parking, alors il se posta devant la tour d’où un ange avait sauté gisant douze étages en contrebas, dégoulinant de sang, et il eu la conscience de sa propre odeur âcre, éponge trempée dans les regards atterrés, ruisselant les mégots de tabac froid, les poubelles débordantes, emmêlée aux effluves des spécialités du cru, aux relents de la pisse des allées, de la craie, de la javelle qui jamais rien n’efface.
cascades vitrées
On a souvent recueilli les
lueurs grises de la place de marché où des petits vieux discutent
mots de la jeunesse sur les évènements d’un passé non encore vécu
reflets de la nuit
contre-jours et soleil d’été éblouissant les longues façades des HLM
flaques en équilibre dans les poches des yeux fatigués
odeurs des spécialités du cru
des rires des familles, des pleurs des bébés
du grincement des battants brisés
des ébats amoureux se répondant d’immeuble à immeuble en été
du silence du désir accablé par la précarité
de l’épuisement du couple
du dernier souffle du mourant
les discours destructeurs des élus
le saut de l’ange de la jeune femme
la vue de son corps-éponge désarticulé
bouillie rouge, en bas de la tour de Baulieu
l’hurlement de douleur de l’enfant écrasé par l’ascenseur du bâtiment D
L’assassinat du vieux monsieur de la Marandinière
de Pissaro et de Manet entourés de prés
de l’Eglise et de la Piscine se défiant face à face
de l’inquiétude des supporters des Verts
des premiers gravas des écoles, des toits et des murs
de la cendre de l’implosion.
merci à Béatrice pour la photo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire