mardi 20 janvier 2015

Comme un écran de veille


Un univers plat où rien ne vit. De temps à autre l’image se referme sur elle-même, s’envagine, disparaît en volute et dans l’instant une autre image est là, immobile à son tour.
Mais l’image n’est pas forcément, parce qu’immobile, sereine.
Parfois elle laisse transparaître l’enfer d’une pensée, qui s’est figée, à la lisière du front ; ou bien l’éternité d’un souvenir aux bords sucrés. Bien sûr les yeux font presque tout le travail. La lumière qui y passe ou bien s’en enfuit décide à elle seule du climat. On pourrait le croire. Ce serait tenir à l’écart ce léger mouvement de paupière, cet infime pli de la bouche qui tire vers le ricanement. Cette mèche de cheveu échappée du couvre-chef.
Combien de milliards de choses, de visages, de paysages, de mots, de ciels de tables, de chaises, d’assiettes, de bouches de lèvres, d’oiseaux ce visage a-t ’-il contemplés ? Combien de milliards d’images s’y sont-elles imprimées ?
Je  te dévisage, Monsieur, je pose sur tes traits des histoires qui ne sont pas les tiennes, je t’envisage, te vole tes pensées. Dans cet espace restreint où nos 2 vies attendent, à l’arrêt, ton visage est happé par mes yeux. J’en regarde la surface, la croûte plus que la peau, le masque. Tu peux faire de même, nos visages ainsi posés en devanture, ne nous appartiennent plus.
Je te lis mais me trompe sans doute de chapitre. Je t’image tout à ton futur voyage alors que peut-être tu penses à ton prochain repas, ou à tes brûlures d’estomac. Le paysage ici abandonné, parce que tu n’as pas la force d’en offrir un autre, cette neutralité qui n’advient pas, est-elle la somme provisoire et momentanée d’une vie passée à regarder sans être vu ? Quelqu’un a-t'il imprimé la trace de ses caresses sur tes joues ? Quelqu’un a-t’-il laissé le goût de ses lèvres sur le bout de ton nez, sur tes paupières ? Quelqu’un a-t’-il chatouillé les oreilles ?

Il n’est plus temps sans doute. L’image s’est à nouveau figée. Mais pendant un bref instant, j’ai cru y voir glisser un sourire.
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[Et puis, mais ça n'a rien à voir,!!!, voici le beau visage d'Hubert Haddad, (sur une photo aussi dorée et croûteuse qu'une installation de Giuseppe Penone) auteur d'un livre intitulé "Du visage et autres abîmes" (que m'offrit en son temps, notre chère Anne Marie Bredy, à l'origine de cet atelier) et dont voici l'argumentaire.
"Le visage humain est assurément la surface la plus passionnante de l’univers. Sur cette "peau d’âme" s’inscrivent les fugacités de la prétendue "nature humaine". Hubert Haddad en explore ici tous les aspects, toutes les mimiques et expressions. Le visage est l’envers trahi du décor, l’image inverse du monde, son reflet souvent si mystérieux. À vrai dire, il est pur effet de culture. Hubert Haddad évoque tour à tour les multiples états du visage, de sa formation utérine à ses divers rôles sociaux et physiologiques, comme la gemmelité, la vieillesse ou la monstruosité.
Une suite d’illustrations commentées vient étayer cette réflexion : visages de la sorcière, de l’homme public, de l’hystérique ou du phénomène de foire..."
 EXEMPLES





et auteurs(du coup j'en mets un "s") aussi de tous ces magnifiques machins magasins sur les ateliers d'écriture.] 

et une émission sur FranceCul Hubert Haddad sur France Culture


photo Hubert Haddad © ZULMA/HANNAH ASSOULINE

3 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Passionnants, tous ces "portraits" et la lecture de H Haddad
Merci

Lin a dit…

déjà j'aime beaucoup le titre ! et puis le texte avec ses mots, son rythme. Pas trop les photos (il y en a peut-être trop) mais bon... pas grave

MarieBipe REDON a dit…

j'ai voulu faire 2 messages en 1, je n'aurais peut-être pas dû.
les photos se rapportent au livre de Hubert Haddad, mais ne font pas partie de mon texte !
merci pour le reste