mercredi 31 octobre 2018

à l'angle de la nuit

À l’angle de la nuit, l’hésitation cherche le passage, tâtonne et trouve le dehors incertain. Comment se laisser frissonner du manque ou comment laisser les révélations se déraciner de l’ombre, s’extraire de l’inextricable buisson de ce que nous connaissons si mal. Renaître entre les rives du poème de la nuit où chaque souffle se fait récit et l’encre sympathique. Avancer sur cette passerelle de détresse dans l’oscillation de la langue. Aux quatre angles de la nuit, les cordes nous ramènent sur le ring, les phrases ne peuvent s’achever, les mots font défaut, la syntaxe s’égare… Dire ne sait pas où aller. Ecrire la nuit ne dépend pas de nous. C’est le perdu qui prend le pas dans les tranchées de ce qui s’écrit, le vertige se cartographie, des venelles se tracent, et une véronique où le poème affleure nous fait face. Les passages secrets s’introduisent quelques pas plus loin, et l’on voit s’envoler une chouette, plonger une chauve-souris près d’un lampadaire, ou s’échapper de soi des mots que l’on ne connait pas. Reste à écrire, à laisser écrire ce qui s’impose, à se laisser embarquer dans une langue qui n’est plus maternelle, mais matricielle. Laisser les morceaux de mots déchirés s’éparpiller, se télescoper, ouvrir la terre et fertiliser.

À l’angle de la nuit, dans cet écartement où l’on est en alerte , démuni face à la forêt où l’on doit se tenir, dans la dissonance des yeux où tout est à redéfinir, on tâtonne, on avance à pas lents, on s’arrête. On bute sur cette saillance intérieure où les doutes sont cloués aux murailles. On reste dans cet arrière silence où la phrase se tient, on rêve d’un alexandrin qui donnerait le rythme au début, lancerait le pas, amorcerait le tremblement et d’un souffle pousserait des mots qui délivreraient les lumières. Il ne reste qu’ à errer dans la nuit d’un livre, se blottir entre ses pages, se laisser disperser, ensemencer, altérer .

À l’angle de la nuit, à ce point d’incidence où les majuscules et les points s’effacent, où les virgules sont passées par-dessus bord depuis longtemps , où la grammaire n’est plus d’aucun secours, le début de quelque chose peut apparaître dans les tâches du buvard, dans les coïncidences qui hésitent sur la feuille, éparpillées.

À l’angle de la nuit, pétrifié dans l’angle mort, le désir d’écriture s’écorce.



 

3 commentaires:

Linette a dit…

Ton texte me laisse sans voix. Tout simplement très beau, on se penche dessus pour en boire les mots.

MarieBipe REDON a dit…

Dire ne sait pas où aller. Mais trouve son chemin quand même plutôt que rien. Même sans lumière au bout du couloir. Même sans alexandrin. Car le désir d'écrire angle mort Toussaint tout ça écorce écorchée plus vive et sans secrets.

Ange-gabrielle a dit…

Y a tjs un alexandrin qui traîne, tjs une lumière au bout du chemin, ce sont les écorchés vifs qui le savent et les retrouvent. Bises