mercredi 29 janvier 2025

CHERCHER - VOIR/5

                                 


VOIR- CHERCHER TROUVER (5)

S'évader
Nager à contre-courant
Ne pas sombrer
Surtout ne pas sombrer
Prendre son corps par la main
Et avancer
Insidieusement
Lancer son cri avec ses bras
Précipiter l'ondulation
des vagues
Les yeux rivés sur le sable
si loin
Mais l'espérer
Jouer des pieds
Se traîner jusque vers les falaises
entrouvertes
miraculeusement
Telle la Mer Rouge devant Moïse
Puis valser valser jusqu'à
l'étourdissement
De la tête et du coeur
Valser jusqu'à l'oubli
des grilles
Alors découvrir un chemin
La liberté à fleur de la campagne
A fleur de la rivière
A fleur des gouttelettes sur
Les roseaux mouillés
A fleur de la lumière
De ses matins ourlés
Pour enfin se laisser tomber
Fermer les yeux
Respirer s'autoriser à
Exister

lundi 27 janvier 2025

L'œil et la source / 5

 

 

réemprunter le chemin des sources est-ce bon



propulser le regard loin des opacités sans fond

dans une crique une anse une matrice

une mosaïque d'un monde décortiqué à la loupe et

se laisser aspirer par l'image qui ouvre

 



dessous un rhizome

cette tige souterraine dotée de racines qui se terminent par un bourgeon, et dont on sait si peu

elle sinue, progresse creuse, improvise, cartographie des lieux des pensées des songes des espaces vitaux des vies de l'invisible

un bourgeon horizontal se redresse et sort de terre





le chaos souterrain poursuit ses avancées vers d'autres ailleurs

une chose a jailli, poussée par le milieu, a jailli comme une source haute

comme ces mauvaises herbes qui sont toujours plus hautes que les autres

plus velues, plus disgracieuses, plus voraces

et qui colonisent les domaines de l'entre





l'éclatement des bourgeons bâtit des châteaux de cartes

un chemin d'encre et de sang patine le passé

entretisse le devenir de ce qui s'écrit entre

les taches noires, ce que l'on barre ou efface

ce que l'on recouvre de la honte rouge sur le front

mais c'est bien dans ce fatras que l'on puise une sorte de lumière





cela pousse et déborde de toutes parts

des sentes inédites se dessinent, se dérobent, se perdent

des images muettes s'abandonnent

tout se fait mouvement, se fait autre

archive d'un avenir

sur le chemin des sources




 

(Les photos sont d'Hélène Bamberger, issues du coffret Marguerite Duras de Trouville aux Editions de Minuit)

samedi 18 janvier 2025


      


Le texte s'ouvre sur des secrets, sur un portrait métaphore. La métaphore de la connaissance et de la reconnaissance. Entendre pour la première fois et ne pas en croire ses oreilles. Et moi la re-découvrir et ne pas en croire en mes yeux.

Harold Whittles ouvre les siens, presque effrayé, devant ce miracle en même temps qu'il nous est révélé, car le photographe a anticipé l'image ; il a appuyé sur le déclencheur de lumière au moment précis où l'enfant de 5 ans sourd de naissance, entend pour la première fois.

Harold c'est moi lisant Le Coeur ne cède pas, suivant l'auteur dans les méandres de son enquête à la recherche du journal d'agonie de Marcelle Pichon, moi qui n'en crois pas mes yeux de ces phrases qui m'enchaînent et font écho à mon histoire, pas mon histoire de sourde, pas mon histoire de femme qui se laisse mourir de faim, mon histoire nourrie d'une faim insatiable, de coïncidences, de synchronismes. Cette photo comme un signe de celui qui me l'avait montrée pour la première fois et l'avait mise en vitrine, celui dont j'ai accompagné l'agonie. Celui dont la Grand-mère, celui...

Scène de liesse. Cette photo retrouvée par hasard 40 ans plus tard sur le mur de crime du site web qui prolonge le livre et ne correspond à rien dans l'histoire. Alors j'écris à l'auteur pour lui demander ce qu'elle fait là, et nous correspondons un temps. Il m'explique que c'est vrai elle ne correspond à rien si ce n'est à l'enfance, si ce n'est qu'elle est sur son bureau depuis  20 ans. Nous correspondons jusqu'au jour où je ne corresponds plus. Quelque part, le coeur a cédé, quelque part du côté d'une poésie non partagée. Un malentendu, un mauvais appareillage.

Alors je mets dans mon sac une photo de mon enfant qui vient de naître et dort contre moi, et je retrouve celle-ci où grande jeune ado avec des bagues sur les dents, elle tient ce gros coeur blanc entre ses mains. "Mon P'tit Coeur" je l'appelle. Celui-ci non plus ne cède pas.