Aube hivernale:
L'aube m'est chère. Eté comme hiver, elle m'est indispensable. Elle est parfois violente -surtout l'hiver, surtout en ville- même si elle porte l'espoir d'un jour à venir où tous les miracles sont encore possibles.
Je me précipite systématiquement à la fenêtre dès le réveil. Le ciel … Urgent.... Voir le ciel, et si possible, le soleil se lever. Chambre et cuisine donnent plein Est, je suis aux premières loges.
L'hiver, je suis aux aguets souvent avant l'aube.
En tout premier, une lueur le long de la ligne d'horizon, là où régnait la nuit apparaissent de gros nuages noirs. La ligne rosit et sur un ciel de plus en plus clair se découpent des ombres chinoises immobiles. La nappe rose se diffuse par capillarité et surgit alors toute la laideur de la ville : immeubles ternes, bâtisses vieillies, neige sale, arbres nus, fenêtres mortes, antennes enchevêtrées, panaches de fumée horizontaux.
(Excepté s'il a neigé pendant la nuit, la terre enneigée éblouissante me ramène alors à la blancheur argentée des hivers de l'enfance et des années québécoises.)
Bien que je ne quitte pas le ciel des yeux, que rien ne semble changer, il n'y a tout à coup plus d'étoiles.
Le jour est là.
Les fenêtres des immeubles se sont éteintes, seuls les lampadaires restent allumés par inertie. L'endroit exact où se lèvera le soleil se précise, ce sera là-bas, beaucoup plus à droite que pendant l'été. Le ciel entier est clair, seul le soleil n'est pas arrivé, la ville l'attend dans le silence et je pense aux villes indiennes, africaines qui klaxonnent, hèlent, crient bien avant l'aube.
Les freux de Solange traversent le ciel.
Une grosse masse de nuages charbonneux monte de l'horizon tandis que des trainées rose pâle s'étirent à mi-ciel. Un, deux, trois, ..., six têtes chercheuses lumineuses zèbrent le ciel. Les roses palissent encore, les luminaires s'éteignent. Les gros nuages noirs s'ourlent de crêtes orange et prennent feu.
Miracle. Le soleil apparaît et mes yeux doivent se cacher pour le regarder : à travers un arbre, sur le bord d'un toit. IL lui aura fallu une heure trente pour se lever, pour que la terre se prépare. Que l'on ne me reproche plus d'être trop lente !
Crépuscule hivernal :
L'été il m'arrive de manquer au rendez-vous du crépuscule, rarement l'hiver.
16h30-18 heures, je me dirige vers la fenêtre du salon pour regarder les immeubles s'éclairer sur le ciel érubescent. Les nuages se pommellent, violets, oranges, cinabres, améthystes … Peu à peu, le ciel se plombe de gris, tourne à l'ardoise. Toutes les fenêtres s'éclairent à la fois, les candélabres tracent des boulevards, grimpent aux collines.
La nuit d'un coup de baguette magique chasse le sale, le laid pour une nouvelle vie scintillante.
Je ne sais ce que je préfère : un ciel étoilé de mois d'août ou les lumières d'une ville la nuit.
(L'été, je préfère la nuit au crépuscule même si je peux m'émerveiller d'un ciel céruléen jaspé de pervenche, quadrillé de vestiges évanescents laissés par les avions, zébré de nuées roses jacinthe.)
3 commentaires:
un jour, en journée, en été, à la mer, sans aucun avion dans le ciel, un peu de mistral à peine, les nuages se sont tintés subitement comme ton texte, ton texte était déjà prêt on dirait, nuages allant lentement de toutes couleurs de l'arc en ciel mais avec des teintes encore plus étranges, c'était donc toi ? tu te cachais là-haut au-dessus des maisons et de la crique ? ah... sacré Ange !
"Mes" freux chez toi? contente de voir qu'ils sillonnent la ville!!!Et je vois que tu es plus courageuse que moi le matin....Ton texte me donne envie de mettre mon réveil et de profiter de tout ce que tu écris...
Tu as l'art de mettre en couleur.
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