mardi 31 janvier 2012

C'est écrit dessus

Entre les pavés

Je suis dehors entre les pavés.
En haut très loin les boutures de nuit brodent les collines.
Je marche entre les pavés.
Au fond de la place pointe l'église masse de pierre et de verre.
Entre les pavés le ciel est là.
Le ciel de la mémoire d'où sort une musique sans paroles, un chapelet de bonbons, une mosaïque de verroterie, un village jaune fuyant dans le caniveau.
Je suis dehors sur une petite place.
La grande ville avec les raffineries est déjà loin.
Entre les pavés expire ce qu'il reste de vie. Je rends à l'obscur de là-haut, du milieu des collines, le lien rouge qui rattachait au temps simple.
Moderne, le ciel est peint de nuit urbaine.

Je suis dehors. Écartelé entre des pavés. Sur une petite place. Je marche au centre. Démuni.

lundi 30 janvier 2012

Une vi(ll)e

                              Je marche
                    Sur une petite place
                    Temps simple


                              Lueurs rougeâtres
                     La ville - encore la ville -


                              Pas de ciel
                      Temps vide

dimanche 29 janvier 2012

Second essai

Pour arriver à leur maison, il leur faut grimper une petite route. Eux, ce sont trois enfants : quatre ans, sept ans et huit ans et demi. Chaque jour, ils traversent LE PONT qui fut un péage, en témoigne le nom du village où se trouve leur école : Pont-Evêque.
La Gère, grosse rivière, longe la route en bas de leur maison, ils la traversent quatre fois par jour pour aller à l'école, quatre fois un kilomètre et demi. Ils adorent cet itinéraire, plus riche en découvertes que n'importe quel trajet d'école buissonnière.
Ce jour-là, tout est chamboulé. Il a beaucoup plu ces jours derniers, en bas de leur chemin, deux pompiers les attendent, avec une barque.
La Gère a débordé, elle a envahi la route, s'étale marron, boueuse. Les garages de l'immeuble des « Arméniens » sont inondés, la boutique même de Monsieur Zacharian où les olives baignent dans de grands fûts, la pâte d'abricot se déroule comme dans le Pays de Cocagne. L'eau sale recouvre tout.
Assis dans la barque, les enfants ne disent pas un mot. Un des pompiers rame. L'eau clapote contre les flancs de la barque. Un brouillard épais, plus épais encore que d'habitude efface la vieille usine gardée par une rangée de peupliers au garde à vous qui ressemblent à des fantômes.
Ils longent la Gère. Le pont n'est pas loin, le pompier qui ne rame pas leur explique qu'une fois passé le pont, ils pourront descendre et continuer leur route à pied.
Sur le pont, le bureau de tabac et la boulangerie eux aussi sont dans l'eau. Et là, tout contre la barque d'énormes poissons, ventres en l'air, morts, cadavres humains, blancs : les gros pains ont été emportés par la crue et flottent gonflés, détrempés. Leur chair par endroits a éclaté.
La petite fille regarde fascinée : elle sait depuis toujours que les noyés ressemblent à ça. Elle ne peux plus les lâcher du regard et quand le pompier la soulève et lui dit « Tu as vu les pains ? », elle reste figée et ne souhaite qu'une chose : rester là et les regarder.

( Pour que cesse la lancinante répétition des mots « gonflé, détrempé » qu'a prononcé l'un d'entre nous en voyant le crocodile Hariboo sous la pluie, je m'en suis emparée).

samedi 28 janvier 2012

des chemins en jazzerie

(cliquer sur les noms surlignés pour accéder à des pages web)

Avec Ange-Gabrielle, nous étions ce soir au concert-conférences de gaga jazzerie
Pour "Miles Davis, une histoire du jazz" De Daniel Brothier ,
quelques notes pour vous mettre en appétit, deux morceaux de Miles Davis parmi ceux présentés ce soir :
"Jean-Pierre" concert en 1991 à la Villette
et pour mieux connaître le maître de Cérémonie: Daniel Brothier




Temps pas si simple


Je suis dehors. Je marche. Au loin, très loin, une musique flotte, sans paroles.
Temps simple, l'écharpe orange magique que je ne quitte plus, où Nathalie a brodé tant d'adjectifs, un petit crocodile rouge porte-bonheur et des inscriptions sexuelles, caresse mon cou.
Je suis dehors et je m'enfonce de plus en plus loin dans cette grande ville. Approchant du café « Perle turquoise » dit l'enseigne tenue à bout de bras par deux femmes dessinées sur la vitrine, je reconnais la musique. Un air nostalgique, aux accents grecs, une musique qui me rappelle une petite place, dans un village jaune, démuni, au milieu des collines.

                                  La petite place
 
Après un temps indéfini, vautrée dans ma nostalgie,je m'ébroue, vais plus loin.
Pas autre chose, la ville, sans ciel - encore la ville -. Puis, brusquement, les raffineries se dressent devant moi, encore moins de ciel, des lueurs rougeâtres, des flammes, de grands fûts blancs, une odeur pestilentielle.



                                  Le ciel au-dessus des raffineries

Je suis dehors. Le temps n'est plus simple. Prise dans une tourbillonnante, gigantesque et tentaculaire rêverie, je m'élève dans les airs, très haut, détrempée, baudruche crevée flottant au-dessus des flammes, filant dans la fumée, planant au-dessus de l'autoroute où glissent des voitures dont je n'aperçois que les feux rouges arrières, toutes roulant dans le même sens.

                                           Bien au-delà des raffineries
 
Une pensée me sauve et me ramène sur terre. Comment du si bel adjectif « raffiné », brodé sur mon écharpe, est-on parvenu à l'horrible chose « raffinerie »?
Je rembobine le film, reprends ma marche.
Temps simple. Je reviens. Vidée.
 

 
 

vendredi 27 janvier 2012

chute simple



temps simple. je suis dehors

«sors de ma prison»

je vais plus loin

vers l’épicerie turque

dans une grand ville

istanbul

marché aux épices

du centre, au milieu

pas titubants

je tangue

«regarde»

ciel beau moderne

chaussée en échasses

grises

en haut très loin

de mes contemporains

ils marchent

on marche

«je marche»

dans un village jauni

mécanique

j’avance

perle perdue

démunie

voir

regarder

au loin

retrouver ma route

des inscriptions

des crocodiles

sur le trottoir

chute simple

sans paroles

au sol

éclatée

le ballon rouge





les mots en gras sont extraits de "le livre des ciels" de leslie kaplan






mercredi 25 janvier 2012

à contre-sens

à contre-sens des mots de l'atelier du 25/1 (http://alabrise.blogspot.com/2012/01/atelier-du-25-janvier.html) clin-d'oeil

Il y a tant de choses.
Il marche en dedans, pas complexes, enjambant les pavés et les perles et les tissus abandonnés
tout près de lui, comme s'ils voulaient entrer en lui, laids, désuets
Il marche en dedans, retenant l'aigreur sourde dans la cacophonie des basiliques sans christ
Il marche à contre-temps comme l'aveugle du pont de la cité lié aux jambes par les cordes de sa natte
là tout près des pavés, des perles, des tissus qui lui font des croche-pieds
Il marche hors du temps hors de toute gare en ce temps suspendu sans ombre ni jardin
et le pont enjambe les siècles, les monts, lauze et air, au-dessus de la foule stagnante, du cimetière arménien, du cargo toscan, des villas coloniales
Il marche vers le bas, s'agenouillant et effaçant ses traces, silencieux et détrempé
Il marche près du vide, bras ouverts collés à des ailes invisibles
Il marche là où les courants gris gèlent la mémoire
il marche vers les tréfonds où les méduses retournent l'estomac en dedans, sans faim
Il marche sur un pont effacé, pont des milles essais, sans bruit, sans prière, sans émoi
sur le pont de Michel-Ange.


atelier du 25 janvier

Matériaux :
Urbier de Natô : comme une perle bleu-vert entre deux pavés; comme un bonbon crocodile rouge détrempé sur l'asphalte; comme un tissu long sur le bitume.

Mots : "guère autre chose qu'une lueur..." (Guillevic) texte repris d'un atelier précédent.
de Leslie Kaplan :
temps simple, je suis dehors.
Je vois plus loin, dans une grande ville du centre, au milieu des collines. Ciel bleu, moderne. Des raffineries sont là.
On est en haut, très loin. On marche sur une petite place, dans un village jaune, démuni.
Au loin, un restaurant, avec des femmes dessinées, des inscriptions sexuelles. Une musique sort, sans parole.

ESSAI DEUX.

Dans le parc, piquée de boules de houx rouge et de baies d'églantine orange, la petite statue fondante exultait.
Elle s'étira. Son corps meurtri d'amour et son coeur en charpie. Allongée sur le flanc, elle leva son bras lourd de caresses et esquissa du bout des doigts une ode au soleil qui traversait la brume de décembre.
Nue, elle frissonna. Les jambes resserrées pour ne laisser s'échapper aucun souvenir .
Autour d'elle flottait l'odeur de son amant, parfum capiteux d'une nuit.
Seins dressés, elle ferma un instant les paupières pour laisser le plaisir s'acharner sur sa peau.
Du pied, elle chassa une feuille morte meurtrie par leurs ébats amoureux.
Quand elle rouvrit les yeux, la flaque d'eau sur son côté droit, il avait plu la veille, lui renvoya l'image d'une pose lascive
Elle se laissa glisser de son piédestal de pierre. Le houx l'égratigna et les baies d'églantine l'éclaboussèrent de mille gouttes de sang mais elle s'unit à son image, passion dans l'éphémère.
Etrange couple que la créature élégante et diaphane, sensuelle comme pénétrée par ses souvenirs, perchée sur ses talons aiguilles regarda avec mépris.
Mais dans un éclat de rire sauvage, se frottant ses genoux écorchés, la petite statue fondante lui tira la langue avec déférence.
Aprés tout, c'était son histoire, une histoire d'eau pour Giacometti.

ESSAI UN.

Elle marchait, harassée. Son corps pesant sur des semelles qui n'avaient rien du vent, qui gémissaient, flottant sur le goudron mouillé. Un pas, un deuxième pas plus appuyé, plus rauque. Ils répondaient à la lumière du réverbère sinistre contre lequel elle s'appuya, chancelante. De la pointe de son soulier verni, elle agaça la naissance de sa cuisse droite et sentit que son bas était filé. Une bulle d'air s'engouffra dans l'espace laissé libre et inscrivit un souffle amer de liberté sur sa chair bien mal mise à nue.
Elle se cramponna un peu plus à son soutien improvisé et jeta un regard circulaire.
La place était vide, immense et nue dans le noir qui tombait. Les murs des maisons hoquetaient et de loin hésitaient entre le gris souffreteux et le blanc jauni, couleur lait caillé.
Un chat miaula , lui jetant sa tristesse entre les jambes tandis qu'une byciclette tous feux éteints la frôlait méchamment. Son coup de sonnette mécanique et désuet lui intima un semblant d'équilibre dans cet au-milieu de nulle part.
Elle leva les yeux et vit le ciel qui s'obscurcissait lentement. Comme une pyramide à l'envers, la ville s'étalait. De loin en loin les lueurs aux fenêtres qui s'étageaient lui racontaient qu'une vie existait,calfeutrée, bienséante.
Elle fit du réverbère sa barre assymétrique et tourna, tourna jusqu'à l'oubli. Son corps ne fut bientôt plus qu'une figure à quarante cinq degrés et la ville se mit à tanguer de lignes verticales en lignes horizontales, de zébrures colorées en points acidulés. Et le manège se déchaîna et elle tomba, cernée par les pavés tentaculaires.
Sa ville l'avait dévorée.Elle n'existait que dans les soubresauts d'une réalité qu'elle ne maîtrisait plus. Elle ferma les yeux douloureusement.
Maintenant, gigantesque pieuvre aux bras sanguinolents, la ville s'endormait.

lundi 23 janvier 2012

A l'angle


C'est à l'angle, à l'angle de la langue, enfin sur l'angle qui n'est pas du côté de ma rue, quand on arrive par le haut – ce qui est bien sûr contraire à toutes les habitudes - . On arrive par la rue que l'on prenait dans l'autre sens pour aller à l'école l'après-midi main dans la main du père. La rue qui longe l'hôpital de la Charité, donc qui longe le père, cerné de murs qui le cachent au regard pour le faire oublier – mais comment peut-on oublier - , et là , à l'angle, une galerie de peintures, abandonnée peut-être, avec des murs vert sombre, écaillés, où d'éphémères collages se désintègrent, se décollent, donnant à chaque passage une texture différente, une lecture à renouveler. L'envie, bien sûr, est de toucher, d'aider à l'usure du temps, d'enlever à son tour quelque morceau de peinture pour voir derrière, comme sur les platanes qu'on écorçait dans la cour de l'école et où se dessinait une cartographie de songes.  Une main posée là, comme une invitation à pénétrer au centre, même avec les  inévitables éclaboussures, le passé en palimpseste, les traces à déchiffrer, un ciel à gratter, des enchevêtrements à démêler. Et ces points rouges qui pointent ce qu'on ne veut pas voir, ce qu'on souhaiterait enfoui à tout jamais et qui ressurgit, alors qu'on voudrait choisir ce que l'on regarde, maintenant qu'on le peut.
 
Probablement, il devait y avoir un bras, une tige sous cette main pour pouvoir la relier, la tenir, non comme un étendard mais comme une fleur qui, dans un geste d'apaisement, effleurerait les peaux, leur dirait enfin à quel point il est bon d'être en vie. Et si le sens de cette main posée là, était plutôt la main d'un avertissement : STOP ! Ne t'aventure pas plus loin, regarde ailleurs et tiens si tu partais dans l'autre sens, cela pourrait être sympa...tu pataugerais un peu dans la vie, la nouveauté, tu allégerais un peu ta besace . Pourquoi toujours revenir ici, moi dedans, dans cette histoire des sédiments, avec ce poids dont on ne se déleste  jamais. Et puis la couleur verte associée pour toujours à cette rue et qui ressurgit là au premier regard. Le vert des petits placards sous la fenêtre où étaient rangés les trésors d'un enfant, enfin rangés est un mot particulier pour dire entassés ce qui était à moi et auquel personne n'avait accès. Le secret du sacré.

vendredi 20 janvier 2012

correspondances

échange fictif entre Cl. (Claire sans doute) et P. (sans doute un Paul ou un Pierre) intégrant les mots envoyés par des personnes de mon carnet d'adresse auxquelles j'avais proposé d'écrire sur le corps des hommes ou le corps des femmes (jeunes, âgés, enfants, amants, maîtresses, qu'importe la "nature" du corps scripturaire); le texte se tricote donc avec leurs mots et parfois avec plusieurs lignes d'un-e même correspondant-e.

Les lettres, se résumant parfois à un petit bout de papier griffonné, étaient rassemblées avec soin, sans date, cousues avec un fil de coton à la façon nippone. Une correspondance conservée par une femme, duo de chorégraphes scripturaires. A Chacun ses cachettes.

Chère Madame, Le matin quand nous allumons nos cuisines, le soir quand nous fermons les volets, parfois, je vous aperçois. N’ayez crainte. Cette lettre est certainement des plus maladroites. Je ne sais pourquoi je l’écris et la dépose dans votre boîte aux lettres. (...) Bouteille à la mer. Un mot abandonné dans une enveloppe. Qu’est-ce que je vous veux ? Un frôlement d’ombres, sans arrière-pensée. Je nourris seulement le désir d’une correspondance anonyme avec une inconnue, à corps défendus, à corps devinés...

Monsieur. Je ne suis pas d’une nature méfiante, j’aime quand un grain de sable enroue le quotidien, quand le mécanisme des habitudes s’enrhume. (...)

(...) Pourriez-vous m’initier, pudiquement, à la vie d’une femme, ses sensations, ses habitudes et son sens pratique, ces questions vous paraissent-elles inopportunes ? Confuses ? Scabreuses ? Qu’est-ce vivre un corps de femme, de fille, de mère, de grand-mère ? Comment naît la parole féminine au-delà des masques discursifs ? Votre ombre derrière les rideaux me rappelle ce tracas, suis-je fou ? A la recherche d’un souvenir enfoui, caché. Enfans.

(pour ne pas saturer le blog, 8 pages, la suite se trouve sur le lien suivant ou en cliquant sur le titre : http://www.scribd.com/doc/79097397)

mercredi 18 janvier 2012

ça change un peu

"Des Lettres. Alphabet de ciment. De briques. De parpaings. De ferrailles. Les murs se vendent. S’occupent. Comme on occupe un territoire conquis. Check-point rouge. Coup de tampon. Frontière. Les murs construisent des murs. Les murs construisent des mots. Des laissez-passer. Des tickets de rationnement. Des terres libres."

"L'horizon, c'est ce que tu dessines sur ce qui te résiste – les murs construisent des murs."
publie.net - 22/08/2011
Collection Art & portfolios
Langue Français
Livre électronique Les murs
 Toute cité est un état d’âme. Berlin est féconde, à ce que l’on m’a dit, en vastes murs aveugles dressant dans la ville des pans semblables à celui-là qui obséda Bergotte dans la vue que Vermeer fit de Delft. Peut-être la ville s’érige dans ces mystèr... à suivre sur PUBLIE.NET


photos MPB, itinéraire AngeGabrielle - Bellevue

non itinéraire

Cela est clair désormais, je ne peux que rester au bord. Il est impossible, après maintes tentatives, de réaliser l'itinéraire tracé, sacré, emmagasiné, délimité, choisi pourtant, élu parmi tant d'autres possibles. C'est celui-ci et il ne peut pas être. Alors biaiser, l'attraper par surprise, en un angle d'approche inédit, une digression, une transgression même. L'emprunter quelques pas et puis s'en éloigner, très vite. Rester au bord de ses limites, et même un peu plus en retrait, et écrire par éclats de regards. Le récit ne peut plus être. Mais écrire le minuscule avec la pulsation intacte, toujours dans l'alerte, où  le regard et le réel s'affrontent et, dans cette tension, les mots donnent la respiration. Jusqu'à ce que la langue gouverne et lève un peu l'enceinte du peu.*

*Caroline Sagot-Duvauroux


mardi 17 janvier 2012

Un trajet entre Cotonne et Bellevue : retour

Photos Jean-François Barthale


Qu'en aurait pensé l'infréquentable et antiféministe Pierre-Joseph Proudhon que Zola décrit comme "libertaire, anticapitaliste et antimarxiste"
D'ailleurs qui se souvient de lui en ces temps de capitalisme débridé ? 

Sur l'ange de l'itinéraire il y a

En quelques centaines de mètres on passe d'un presque palais, équivoquement appelé "grande Beausseigne" -il me revient que je travaillais avec sa propriétaire, grande dame bien mal attifée, toujours frigorifiée, bien sûr que pour chauffer cette bâtisse ! il devait falloir en jeter des sous par les courants d'air - à l'ancien entrepôt Tadduni -je croyais que c'était un pseudo !-, tagué, brûlé, ouvert aux vents colorés des défricheurs de ruines. C'est dimanche, la promenade de l'après repas, si copieux, si bien mitonné. Le ciel est sans amertume, la lumière sans faux-col, et plus je regarde et plus tout m'émerveille, encadré dans le viseur de l'appareil photo. On partage. on se regroupe, on se gêne, on se disperse, on se fait des grimaces, on s'immortalise. On fait des récoltes, il en sortira des mille feuilles et des salades. Le noeud, ce sont ces voûtes. On pourrait se croire dans un tuyau d'évacuation, à un coude sous le lavabo. C'est crade pareil, et ça débouche. Pas loin des 2 "maisons sans escaliers". Plus loin, on fait école buissonnière, on dévie ; on téléphone d'une oreille, on photographie d'un oeil, on avance des 2 jambes, on grimpe à califourchon, sans peur d'abimer les vêtements. Comme des enfants dans leur terrain de jeux secret, sans les parents pour surveiller. Sans transition, on passe de la marge à la civilisation, c'est le quai de la gare, les passagers en attente de train rare. Nous, nous sommes toujours de l'autre côté de la barrière, du bas-côté, entre voies abandonnées se perdant dans les herbes sèches, et maisons en contrebas qui jouent aux Cyclades avec leurs volets peints en bleu, les messages secrets excluant les néophytes, tout est peint et repeint, même l'herbe.

Sur l'ange de l'itinéraire, il y a une capuche, c'est le nom de la rose.

à suivre

lundi 16 janvier 2012

sur l'itinéraire d'ANGE il y a






sur l'itinéraire d'Ange il y a des parallèles, plus ou moins fatiguées, rouillées, enfouies, emmurées








Sur l'itinéraire d'Ange, il y a des messages codés, des pièces de puzzle qui n'ont pas trouvé chaussure à leur pied

Sur l'itinéraire d'Ange, il y a de drôles d'énergumènes, qui ont des têtes de papier marché ou de composites colorés






Sur l'itinéraire d'Ange, il y a des matières entre 2 vies,
puis y a aussi des poules

à suivre...

dimanche 15 janvier 2012

itinéraire en chantier sur le chemin d'Ange-Gabrielle


Couleurs délavées, suintantes, fraîches
Chemin ferré, abandonné, voies sans son
Sonate hip-hop dans le gravier sans luxe
Luxuriant jardin dénudé, fictif puits sans O
Au-dessus de la ville, beau site, Beausseigne, belle vue
Vulcan a travaillé ici, hier encore, débris de feu, débris de verres
Vers l’horizon ensoleillé et gelé
Légèreté du vent dans les tasseaux, casque fendu
Du swing dans les herbes folles,train fantôme entre HLM et maisons cossues
Sueurs d’hiver en mitaines, sur un chemin en-chanté

vendredi 13 janvier 2012

dates ateliers

Rappel des 3 prochaines dates de l'atelier :

- mercredi 25 janvier, chez Lin
- jeudi 16 février, chez Ange-Gabrielle
- mercredi 7 mars, chez Lin


jeudi 12 janvier 2012

I was just a poor girl, lie la lie

Je venais. Je roulais mais je me souvenais que je marchais. J’écoutais cette chanson tant aimée des années 70 et je restais pétrifiée dans mon passé. La nostalgie. Partout il y en a des poches, mes yeux mêmes en témoignent. Je marchais dans Londres. Je marchais dans Amsterdam, je les entendais chantant marcher dans New York. Ma jeunesse enfuie refluait, cette jeunesse qui fait pleurer 2 fois, 1 fois quand on la quitte, une fois quand on s’en souvient. Je marchais sur les trottoirs mouillés luisants des enseignes. C’était toujours l’hiver. Je cherchais ma vie. J’allais quelque part sans savoir où j’allais. Mes désirs étaient déjà des souvenirs. C’était toujours à l’étranger, là où l’on peut se perdre plus facilement, racines flottant au ras du bitume, langue en pointillés. Il n’était pas toujours très tard mais le septentrion apportait la nuit plus tôt, la nuit tombait d’un coup. Parfois je n’étais pas seule, mais si, quand même ; car je marchais sur mes traces ; seulement en compagnie. On a souvent fait parler les fenêtres. Celles-ci ne me disaient rien. La solitude empilée des gens qui s’agitaient dedans pour préparer le repas, s’endormaient devant leur poste de télévision, racontaient des histoires à leurs enfants. Je n’étais pas concernée. J’étais dehors. D’autres fenêtres énigmatiques. Celles des bureaux dans les grands immeubles où le jour se tissent les affaires du monde, tours de garde dans la nuit, torches, phares, négativant la lumière des étoiles, tirant sur nous le couvercle du ciel. Personne au monde ne savait où j’étais.
La chanson s’est tue. Les images ont repris peu à peu leur place dans mes poches. Ma gorge s’est un peu dénouée, je suis sortie de ma voiture en respirant à grandes goulées l’air humide de la nuit.

Prisonnière de toi

J'avais depuis longtemps rêvé d'elle

persuadée qu'une partie de mon histoire y était inscrite
qu'il y avait des poches partout
où il me suffirait d'introduire la main
pour en rapporter des bribes de chants d'enfance
des souvenirs refluant en vagues.

Aussitôt débarquée, des fenêtres du train aérien qui me conduit à l'est
le plus à l'est possible de cette immense ville, mon regard parcourt
ses rues comme des pages écrites d'un livre exhumé du fin fond d'un passé
qui me hante plus que je ne le connais : Alexanderplatz, Rosa Luxemburg
und Karl Liebknechtstrasse.
Elle répète son propre discours, me le tatoue sur la peau, le martèle dans mes veines
au rythme de mon sang.
La ville parle sur le tempo des roues du train
je la découvre ou je la reconnais ?
Elle m'imprègne et telle une éponge je m'en imbibe
J'ai toujours vécu ici.

Plus je m'enfonce en direction de Bernauerstrasse
et de ses murs lépreux
plus les fenêtres me parlent et m'attirent à elles.
Je sais déjà qu'ils ne me quitteront plus :
Les squatts aux façades peintes de slogans,
les petites tables métalliques dans la neige des trottoirs
la quasi-absence de circulation automobile dans les rues où maintenant règne
la nuit.

Sehnsucht, Heimweh, je suis prisonnière de tes toits.




Les mots en bleu ont été puisés dans « la boîte à mots »


lundi 9 janvier 2012

ce matin encore..




ce matin encore,
j'ai croisé un crocodile sur mon itinéraire .?.
un crocodile rouge ..!..
cette fois-ci je n'ai pas pu résister,
je l'ai capturé

dimanche 8 janvier 2012

la place des souvenirs



il y a sur la place

entre guillemets en guirlande dorée

le petit mur des vieux

tortille la plume noire au souffle léger

qui regardent passer la jeunesse

filet blanc vide de tout

lui même y est assis

une confiserie ?

parmi les autres

square massenet

les désirs

les garages privés

sont déjà des souvenirs

le brin de plastique rouge

ce n’est pas de cela qu’est faite la ville

papillote assortie aux feuilles à dents

mais des relations entre les mesures de

fils d’une pelote jaune

son espace et

briquettes en miettes

les évènements de son passé..

crocodile dissolu rouge dans

cette vague

verte armature de quoi ?

qui reflue

roule la perle perdue

avec les souvenirs

pousses éparpillées sur le trottoir

la ville

fragment de phare

s’en imprègne comme une

fausse fleur

éponge et grossit

le E de passage






italo calvino "les villes invisibles"
et des choses de mon urbier piochées à l'aveuglette


vendredi 6 janvier 2012

atelier du 5 janvier

auteur de la photo : Sevinçli, sur : lucileee.blog.lemonde.fr

Montchovet-Baulieu-Marandinière, faire parler les fenêtres

Le flâneur, pourtant habitué au quartier, n’avait jamais rien vu de pareil que ce contre jour ensoleillé éblouissant les façades des HLM, et les lueurs grises de la place comme si des volutes des fumées de l’implosion à venir, quelques années plus tard, recouvraient déjà la mémoire du lieu où des vieux discutaient des poches et des flaques sous les yeux, des jeunes évoquaient leur passé non encore vécu faute de pouvoir imaginer leur avenir, et, pas après pas, il discernait plus sensiblement encore l’écho des cris dans les maisonnées, des rires d’enfants, du grincement d’un volet brisé ou du battant des fenêtres usées, de l’épuisement des habitants, du désir silencieux des corps éreintés parfois mourants, prolongeant sa flânerie sur le parvis aujourd’hui immaculé, hier politique où les élus venaient chercher les votes, parvis des grèves, parvis commercial le dimanche matin, parvis des fêtes de quartier, parvis peuplé d’enfants et de manèges lors des vogues de printemps, puis parvis isolé, dépeuplé, esseulé, parking, alors il se posta devant la tour d’où un ange avait sauté gisant douze étages en contrebas, dégoulinant de sang, et il eu la conscience de sa propre odeur âcre, éponge trempée dans les regards atterrés, ruisselant les mégots de tabac froid, les poubelles débordantes, emmêlée aux effluves des spécialités du cru, aux relents de la pisse des allées, de la craie, de la javelle qui jamais rien n’efface.

cascades vitrées

On a souvent recueilli les

lueurs grises de la place de marché où des petits vieux discutent

mots de la jeunesse sur les évènements d’un passé non encore vécu

reflets de la nuit

contre-jours et soleil d’été éblouissant les longues façades des HLM

flaques en équilibre dans les poches des yeux fatigués

odeurs des spécialités du cru

On a souvent fait l’écho

des rires des familles, des pleurs des bébés

du grincement des battants brisés

des ébats amoureux se répondant d’immeuble à immeuble en été

du silence du désir accablé par la précarité

de l’épuisement du couple

du dernier souffle du mourant

On n’a pas pu empêcher

les discours destructeurs des élus

le saut de l’ange de la jeune femme

la vue de son corps-éponge désarticulé

bouillie rouge, en bas de la tour de Baulieu

l’hurlement de douleur de l’enfant écrasé par l’ascenseur du bâtiment D

L’assassinat du vieux monsieur de la Marandinière

Avant de devenir poussière de verres, on s’est rappelé

des gestes lents de Mitterrand venu visiter la famille de Montchovet

de Pissaro et de Manet entourés de prés

de l’Eglise et de la Piscine se défiant face à face

de l’inquiétude des supporters des Verts

des premiers gravas des écoles, des toits et des murs

de la cendre de l’implosion.

merci à Béatrice pour la photo