jeudi 27 novembre 2014

mon personnage à casquette et son personnage à queue de cheval

A)
Il a 5 ans.  Il garde les moutons.  Sous sa tignasse, il a le front étroit des enfants qui regardent en bas. Il a 25 ans.  Il est militaire en Autriche. Il porte l’uniforme bleu jonquille des Chasseurs Alpins, la tarte qui penche sur l’oreille gauche. Il a 12 ans.  Il va parfois à l’école lorsque les travaux de la ferme lui en laissent le loisir, lorsqu’il a 2 souliers à mettre à ses pieds, lorsque la neige a été coupée à temps. Il a 47 ans.  Leur mère est morte,  une nièce est née. Il porte une casquette unie. Il ne porte plus jamais de béret. Il préfère les casquettes. Il en a toute une collection. Il a 26 ans.  Il ne retrouve pas sa maison. Il n’a plus de maison. Il rêve de transsibérien. Il a 7 ans.  Il compte les moutons. Il fabrique des trains avec 3 bouts de bois et 4 de ficelle. Il ne joue pas avec ses frères. Il va à l’école avec sa blouse noire. Il reçoit des coups de règle sur les doigts. Son regard sur ses souliers. Ses poings fermés à l’intérieur de son coeur. Il a l’âge d’aller au bal, mais il y a la guerre.  Il a 30 ans.  Il n’a pas de femme officielle.  Il a 55 ans.  Il prend des avions, des cars, des trains. Il a 58 ans.  Il est célibataire, il a une femme cubaine le temps d’un voyage. Il a 48 ans, il fait la bamboche avec la Fédération Des Amicales de Chasseurs (la F.N.A.C.). Il a 61 ans. Il est dans un village russe à parler avec les mains. L’autocar repart sans lui. Il a 60 ans.  Il revend sa ferme qui ne rapporte rien. Il s’achète une maison qui ne ressemble pas à grand chose, il habite sur la place écrasée par la stature de la statue. Il a 35 ans.  Il  vit avec sa mère. Mais pas avec son père. Ensemble ils boivent du vin. Il porte des chemises à carreaux, des marcels bleus, des bourgerons fanés. Il a peut-être un manteau. Il a 65 ans.  Il rapièce ses vêtements. Il écoute le jeu des mille francs. Il a 75 ans.  Il écoute le jeu des mille euros. Il connaît le débit de la Volga, la longueur de tous les fleuves, la hauteur de toutes les montagnes, la superficie de tous les pays. Il a 5 ans.  Il ne lave jamais sa vaisselle et mange dans la même assiette qu’il range après chaque repas sous l’évier. Il a 5 ans. Dans ses malles des centaines de carnets. Dans ses carnets des centaines de listes. Dans ses armoires, à chaque rayon, un inventaire . Sous sa casquette ses cheveux sont toujours drus. Il a 65 ans.  Il va chaque jour à la gare regarder les affiches. Il a 75 ans.  Il a 76 ans.  Il a 77 ans.  Il a 5 ans.  Une nièce lui rend visite une fois par an. Il lui sort une assiette presque propre et des noisettes. Il ne lui sert pas de vin. Il a toute la vie devant lui. Il tient ses listes à jour. Au dos des cartons de lessive AXION anti-calcaire. Au dos des paquets de Gitane. Sa gestion des stocks. Il a 77 ans. Il  lui raconte le grand père assassiné. Il a 85 ans, il ne reconnaît plus grand monde. Il a 5 ans.  Il est mort. Tout est en ordre, étiqueté et des boîtes à chaussures remplies de mystères.

B)
Elle a 38 ans. Elle aime à le préciser.  Elle a 8 ans. Elle fait sa commandante dans la cour de l’école. Elle distribue les rôles et ses camarades filent doux. Elle a  50 ans mais elle aime s’entendre dire qu’elle ne les fait pas. Elle a 20 ans. Elle a 30 ans. Elle a 40 ans. Elle fait du sport. Elle nage, elle court, elle grimpe, elle galope, elle stretche, elle pilate. Elle prend soin de son corps, de sa masse corporelle, de ses adducteurs. Elle a 14 ans. Elle est dodue et boutonneuse. Elle a 17 ans. Elle est méconnaissable. Elle porte des pantalons de cuir noir moulants et des tee-shirts imprimés panthère. Elle a 38 ans. Elle porte presque seule l’enseigne qui bat de l’aile. Elle agite les siennes encore plus fort. Elle a 19 ans. Elle a intégré une école de commerce et s'adonne au management. Elle porte des tailleurs noirs, stricts qui mettent en forme ses formes ; un accessoire jaune apporte un peu de fantaisie. Elle a 42 ans. Elle élève plus ou moins seule 2 ados adorables. Elle a 6 ans. Sa mère est morte. Elle a 16 ans. Elle a déjà déménagé 6 fois. Elle a 48 ans. Elle prend souvent le TGV, elle est sans cesse en déplacement, elle vibrillonne, elle aime se sentir importante, indispensable, mouche du coche, reine des abeilles. Elle tient sa place dans l’Organisation. Elle a 25 ans. Ses rêves sont en continuelle expansion. Elle en réalise quelques uns. Elle a 38 ans. Son mari est parti avec l’une des vendeuses. La garce. Elle a 6 ans. Elle ne pleure pas. On lui dit que sa mère est au ciel. Elle scrute. Quelques oiseaux sans noms et des insectes. Des traînées d'avion. Elle se regarde devant la glace, se met du rouge à lèvres. Elle s’habille avec les vêtements de sa mère morte.  Elle a 49 ans. Elle se dit qu’elle n’arrivera jamais à porter ses 50. Elle a 51 ans et tout le monde la trouve très épanouie ; certes elle sait qu’elle parle trop fort. Elle a 100 ans, parfois le soir, lorsqu’elle dépose les armes et quitte ses chaussures à talons.

4 commentaires:

lin a dit…

ces personnes sont magnifiques, et l'écriture agile !

Laura-Solange a dit…

Quelle célérité! Tu peux faire d'autres personnages avec cette envolée là!!!!

Ange-gabrielle a dit…

Ca virevolte et ça coule de source. Mais faut dormir la nuit ... pas écrire. On attend tous les autres

MarieBipe REDON a dit…

le sommeil se fait parcimonieux. lever à 6.30, autant en profiter pour se dégourdir les doigts