Il
y a cette abondance de tout, de couleurs, de rouges, de rumeurs, de
voix humaines , de bruits
de pas, de cloches, de lumières, d'ombres, de reflets, de rouges, de
bleus, d'ors, de pacotille, de regards, de miroirs, de langues, de
fleurs, de poissons, de fruits, de glaces, de rouge…
Epuisé,
car on est trop gourmand de cette ville, on rentre se reposer dans
l'antre protecteur où s'allume presque malgré soi l'écran
d'ordinateur.
On
navigue, on circule, on se perd, on entend et désentend aussi rapidement :
Burkina
Faso prend le contrôle de
un
homme en garde à vue se pend à
une
jeune irano-britannique condamnée à
dix
morts dans un attentat en
l'état
dit tout faire pour
On erre dans ce chant d'acouphènes ,
on ne cherche plus à décrypter ce palimpseste fantomatique :
l'armée
repousse une attaque à
les
djihadistes exécutent plus de
de
la magie dans l'air au royaume de
les
paradis irradiés de
comment
dire non aux
On se sent devenir poisson, on frotte
ses écailles sur les débris d'un monde dont les éclats se
propagent d'écho en abîme :
le
gouvernement turc piégé par la bataille de
nouvel
échec des pourparlers entre
une
adolescente de 15 ans tuée à
les
Etats-Unis face aux vieux démons de
Egypte,
sept morts dans des heurts
On ne lit plus que ces quelques mots
sur la bande passante affichée sur l'écran d'ordinateur ; on
n'imprime rien, on sombre dans cet entre-deux de la veille et du
sommeil où ce qui s'écrit n'est rien d'autre que des éclats de
scories alors que l'après-midi même, on se glissait dans la nacre
des ciels de Tiepolo, dans des Annonciations, des Assomptions , des
Baptêmes ou des Cènes . On voudrait ouvrir ce monde là à la
lecture publique : à contempler fleurs ou nuages, une force
douce pourrait naître et dans cette soudaine apnée, tendre un fil
où tout un chacun pourrait avancer sur l'équilibre des jours.
Mais on le sait bien, il y a aussi les
Crucifixions, les massacres des Innocents, les Lapidations, les
Martyrs de saints, les Décapitations, les Pietà – dont on se
lasse pas pourtant…. et tout cela ne manque pas dans Venise :
il y aurait même une sorte d'overdose à trop hanter les églises et
les musées de la ville. Alors on se concentre sur les émotions
ressenties à rester un long moment dans l'oratoire de San Polo
devant les mélancoliques toiles de Giandomenico Tiepolo où se
déroule une Passion empreinte de silence et de solitude. Les photos
ne disent rien de l'émotion contractée et dilatée, lorsque certains
tableaux se tressent en soi comme lames de verre, se déploient
avec la même force que ces chapelets de mots qui entaillent la
langue et que l'on garde en bouche jusqu'à ce goût du sang. On ne
saurait dire ni le pourquoi, ni le comment de ces rencontres
clandestines incrustées dans une intime solitude. On se sent juste
alors au bord d'un précipice où l'on n'aurait pas peur de glisser.
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