Assis
sur son pliant près de la porte de la gare,
un accordéon posé sur les genoux, il joue presque en sourdine, sur des
rythmes impossibles, des airs étranges évoquant des vallées profondes, des
sentiers muletiers, les voyageurs qui les empruntent et des aigles qui les survolent, témoins
impassibles d'évènements terribles. Ses vêtements, son petit chapeau posé sur le
sommet de la tête lui donnent un air étranger.
Chemise
blanche, cravate sombre, son costume chic et ses chaussures éblouissantes
forment une panoplie que complète une Rolex, comme ultime décoration de la
réussite économique et sociale. L'ensemble lui donne un air déplacé dans cette
foule à la mise décontractée et pratique qui attend sur le quai. On ne comprend
pas ce qu'il dit au téléphone dans une langue étrangère, mais il semble très
en colère.
Le
casque sur les oreilles, les pieds dépassant du quai, l'adolescent se balance
en rythme, les yeux fixés sur les rails, comme s'il attendait que quelque chose
se passe. De temps en temps, il s'immobilise, quelques bruits, quelques bribes
de mots non identifiables, franchissent la barrière de ses lèvres, puis il
retombe dans son balancement mutique.
L'homme
en uniforme sort du petit bureau marqué, Chef de Gare, et jette un long regard
sur la foule amassé le long du quai. Puis il se dirige vers une des extrémités
de la gare et remonte lentement le long des voies vers l'autre bout. De temps
en temps, d'un geste de la main il indique à quelque réfractaire ou distrait
qu'il faut reculer au delà de la limite de sécurité matérialisée au sol par une
bande de peinture claire.
Le
jeune homme au bord du quai provoque chez moi un sentiment de malaise. Il me
donne l'impression de prendre son élan. Cette nuit sans sommeil, solitaire sur
ce quai m'a mis dans un état second, propice à imaginer les aventures les plus
chimériques. Les nerfs à fleur de peau prétendent ressentir le moindre
mouvement d'âme. C'est un de ces moments, où le sentiment d'extrasensorialité
donne toute licence à l'imagination pour s'enflammer.
1 commentaire:
Quelle ambiance tu as su créer ... Je ne sais si tu as lu "Le pont de Ran-Mositar" de F Pavloff, je suis dans cette Mitteleuropa qui m'est si chère en te lisant
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